Noël. C'est LE moment où on desserre un peu la ceinture. Les produits nobles sont invités à table. On se permet du foie gras de production artisanale, du caviar et de grandes bouteilles. Cette année, nous vous proposons de faire bombance autour du plus récent des ingrédients de luxe produits chez nous: le boeuf Wagyu du Québec.

Peu de gens savent qu'on élève maintenant au Québec du boeuf Wagyu, la race même qui produit le fameux boeuf Kobe japonais. Trois éleveurs de boeuf Angus  Jeannot Luckenuik à Lefebvre, Guy Noiseux à Marieville et Michel Gagné à Asbestos  se sont associés pour se lancer dans cette noble aventure. Et c'est Jeannot qui a ouvert le bal lorsqu'il a été en quelque sorte «mis au défi» par Martin Picard, à qui il vendait du boeuf Angus. Le chef du Pied de cochon prétendait qu'il avait mangé de la viande encore meilleure que celle produite à sa ferme de Lefebvre, près de Drummondville. Après recherches, l'éleveur a décidé de se lancer dans l'aventure du Wagyu. Le boeuf Wagyu des trois associés est élevé sans hormones de croissance ni antibiotiques. S'il est malade, on le traite, bien entendu. Mais on attend au moins quatre mois avant d'envisager de le mettre sur le marché.

L'animal mange du foin, de la drèche de bière, parce qu'on est près des brasseries, et de la pulpe de pomme, parce que Rougemont est à côté. Il n'est pas désaltéré à la bière et massé au saké comme à Kobe, mais il mène néanmoins une existence plutôt confortable.

Jeannot met en garde contre la confusion possible entre boeuf Wagyu et boeuf Kobe. Le premier fait référence à la race, tandis que le second est une appellation d'origine réservée aux boeufs Wagyu élevés à Kobe. Pensez à la différence entre un mousseux et un champagne.

Pour des raisons de coût ET de goût, le trio d'éleveurs croise Wagyu et Angus. Certains clients sont un peu refroidis par le persillage abondant du Wagyu. Le boeuf mi-Wagyu mi-Angus est un peu moins gras. Cela dit, des études* ont démontré que la graisse intramusculaire de la viande Wagyu n'élevait pratiquement pas le taux de cholestérol et contenait même un taux élevé de gras monoinsaturés et d'acide oléique, nécessaires au bon fonctionnement du système cardio-vasculaire.

Pourquoi ça coûte cher?

Pour l'instant, vaches, boeufs, taureaux et veaux confondus, le troupeau québécois de Wagyu compte uniquement 150 têtes. Le boeuf Wagyu met près d'un an de plus que les autres races avant d'arriver à maturité. C'est à partir de 20-22 mois seulement qu'il commence à développer ce persillage qui lui donne son goût de beurre si unique et convoité. L'animal est en moyenne abattu vers 25-26 mois. La viande est par la suite vieillie dans des conditions bien contrôlées pendant 21 jours, puis vendue de 4$ à 6$ la livre/carcasse, comparativement à 2$ pour du boeuf ordinaire.

Les pionniers québécois du Wagyu viennent d'annoncer qu'ils ont commencé l'élevage de veaux. Ni veau de lait ni veau de grain, le petit Wagyu est un broutard. C'est-à-dire qu'il est élevé au pâturage, sous sa mère (dont il boit le lait). Sa viande est presque rouge et plus goûteuse.

Jeannot ressent une plus grande satisfaction personnelle depuis qu'il élève du Wagyu. «On a toujours fait du bon boeuf, Guy, Michel et moi, mais à titre d'éleveurs, on est souvent regardés de haut, traités de pollueurs. Maintenant, on a la chance de jaser et d'échanger avec les gens. On fait de l'éducation et de la conscientisation en encourageant les gens à manger moins de boeuf, mais du meilleur.

«Quand il y a des clients qui m'appellent en me demandant une douzaine de filets mignons, ajoute-t-il, je dois leur expliquer que c'est impossible, puisque les quantités sont petites. Les gens doivent apprendre à apprécier et à apprêter les autres bonnes parties de l'animal.»

Et c'est exactement ce que le chef Daniel Charbonneau a voulu nous encourager à faire en proposant un rôti de macreuse et une sorte de basterma (salaison) express d'inspirationottomane.

À Montréal, ce sont les boutiques Cool&Simple qui ont la quasi-exclusitivé du boeuf et du veau Wagyu du Québec: 333, rue Richmond, 514-281-9883, et 4, Place du Commerce, Île-des-Soeurs, 514-769-3807. Dans la région de Québec, on peut trouver du Wagyu à la boucherie Aux trois poivres, 4577, boul. de la Rive-Sud, Lévis, 418-835-5525.

*La première étude a été réalisée par Tim Crowe, de la School of Exercise and Nutrition Sciences de l'université Deakin, en Australie, la deuxième étude par Steve Smith, professeur de sciences animales à la Texas A&M University (TAMU).