Ex-végétarien, Tom Mylan a étudié en création littéraire et songé, un temps, à devenir professeur d'anglais. Aujourd'hui, il est boucher.

Il est même probablement le boucher le plus célèbre de Brooklyn. Avec ses lunettes aux montures noires rétro et sa dégaine de nerd porté sur la bonne bouffe, le fondateur du Meat Hook (le crochet à viande) fait partie d'une nouvelle génération de bouchers qui dit vouloir réconcilier viande et environnement.

Au Meat Hook, posséder un diplôme en création littéraire et être un as dans le dépeçage des moutons n'ont rien d'antinomique.

«C'est un type de parcours conventionnel pour un boucher à Brooklyn, assure Tom Mylan. Un de mes deux partenaires possède un diplôme en histoire américaine, l'autre, un diplôme en littérature anglaise. Et la première bouchère qu'on a embauchée, Sara Bigelow, possède un diplôme en création littéraire et travaillait en relations publiques, mais détestait ça.»

Avec leur look aux accents vintage, leur chemise à carreaux et leur moustache, les bouchers du Meat Hook pourraient fort bien avoir l'air d'un des mille et un bands qui pullulent à Brooklyn s'ils n'étaient pas tous vêtus de tabliers tâchés de sang.

Passionnés de bouffe, constamment à l'affût de nouvelles techniques et auteurs de blogues épicuriens, ces néo-bouchers sont en train de rendre la profession branchée.

Un journaliste du New York Times a écrit, en 2009, que les jeunes bouchers aux avant-bras musclés «ont le charme brut des groupes indie», tandis que le New York Magazine n'a pas hésité à utiliser des mots comme «rockstar» et «sexy» pour les décrire.

Assez paradoxalement, un certain nombre de ces nouveaux bouchers sont en fait d'anciens végétariens. Ils en sont même venus à la bidoche à cause de leurs préoccupations environnementales. «Cela fait partie de l'intérêt général qui est désormais porté à la nourriture et à sa provenance», explique Tom Mylan, en citant des films comme Food Inc. et des livres comme Fast Food Nation ou Le dilemme de l'omnivore.

En général, ces nouveaux bouchers qui se font une fierté de connaître la généalogie des bêtes qu'ils dépècent prônent de manger moins de viande, mais de meilleure qualité.

Avant de saigner du cochon et d'ouvrir Meat Hook à la fin de 2009, Tom Mylan travaillait chez Marlow & Sons, resto-épicerie chic de Brooklyn. Chargé de mener à bien différents projets, il en est venu à la boucherie après être parti à la recherche de viande produite localement et provenant d'animaux nourris à l'herbe pour le restaurant. Il a rencontré Joshua et Jessica Applestone, propriétaires de Fleisher's, boucherie «bio» à mi-chemin entre Albany et New York, qui l'ont formé gratuitement (voir autre texte).

«J'ai passé six semaines à apprendre le b.a.-ba du métier avec eux. Je dormais sur leur canapé, dans leur salon, avec une tortue africaine géante appelée Mo», se souvient en riant le boucher aujourd'hui dans la mi-trentaine.

À New York même, l'intérêt pour la bidoche est tel que plusieurs bouchers offrent désormais des cours suivis par des hordes de jeunes. C'est notamment le cas de Cassie Jones. Jeune enseignante et ex-végétarienne de 22 ans, elle a commencé par suivre un cours de dépeçage l'automne dernier.

«Lorsque je vivais au Connecticut, j'ai développé un intérêt pour la production de nourriture selon les principes du développement durable, explique-t-elle. En déménageant à New York, mon intérêt s'est accru. Un jour, je suis tombée sur un article parlant d'une femme bouchère impliquée dans ce mouvement et j'ai été impressionnée. J'ai trouvé cela tellement cool : une femme qui ose travailler dans ce milieu très masculin et qui prend ce genre de position.»

Ceci entraînant cela, elle a abouti dans un cours de Tom Mylan en novembre dernier. Emballée, elle a depuis demandé à faire un stage au Meat Hook pour améliorer ses connaissances et sa technique.

Auteur de The Shameless Carnivore, Scott Gold se dit guère surpris de voir tous ces jeunes foodies s'intéresser à la boucherie où point d'y plonger les deux mains. «C'est normal qu'après s'être intéressés à la provenance de leurs tomates, les gens se mettent à se demander d'où viennent leurs protéines, qu'ils s'interrogent sur la provenance de leur viande : comment l'animal a-t-il été élevé? comment a-t-il été nourri?», ajoute-t-il.

Tom Mylan dit toutefois que l'effet de mode fait en sorte qu'il doit désormais refuser chaque semaine plusieurs demandes de stage. «Le problème, c'est qu'on a beaucoup de gens qui pensent vouloir apprendre le métier, mais qui ne savent pas ce que cela exige. Ils pensent qu'ils vont passer leur temps à démonter de grosses pièces sur la table et que les gens vont s'extasier devant leur travail et leur jeter des petites culottes ! Alors que la plupart du temps, c'est juste crevant et ennuyant», conclut-il en riant.