Il y a eu la mode du vinaigre balsamique, puis le yuzu, cet agrume japonais qui apparaît sur tous les menus. Et la cuisine dite «moléculaire», qui a provoqué des débats passionnés, semble aujourd'hui avoir été un phénomène de mode plutôt fugace.

Y a-t-il des modes dans l'assiette au même titre qu'il y a des saisons de vêtements dans les boutiques? La gastronomie subit-elle aussi des cycles, l'engouement cédant la place au «démodé»? Une table ronde, en présence notamment du chef étoilé Michel Troisgros, s'est amusée à dresser les parallèles entre ces univers apparemment aux antipodes, dans le cadre du festival de mode de Hyères (sud-est de la France) qui fermait ses portes lundi.

«A priori, la gastronomie évoque plutôt terroir, patrimoine, enracinement, alors que la mode renvoie à l'instant, au nomadisme, à la volatilité des goûts», souligne Olivier Assouly, directeur de la recherche à l'Institut français de la mode.

Mais en mode, comme en gastronomie, tout circule et se recycle en permanence, souligne Caroline Champion, auteure et consultante, l'obsession de la nouveauté induisant «une obsolescence programmée, de l'éphémère, de la fulgurance».

La gastronomie est aujourd'hui «à la mode» comme en atteste la multiplication des livres et émissions sur le sujet ou le succès des cours de cuisine.

Des techniques ou présentations font aussi école, comme les «verrines» ou les mousses préparées à l'aide d'un siphon, ou encore la multiplication de petits plats sur les menus.
L'origine de plusieurs de ces tendances, qui se sont répandues avec la mondialisation, c'est Ferran Adria, chef catalan ultra-inventif du restaurant El Bulli, qui fermera cet été pour se réinventer en fondation de recherche.

«C'est Ferran qui, le premier, a lancé ce concept du menu dégustation unique pour tout un restaurant», souligne Michel Troisgros, installé à Roanne (centre-est). Le précurseur de la mode «moléculaire» abandonne totalement la carte, imposant une quarantaine de «tapas» aux clients.

Aujourd'hui, beaucoup de tables adoptent ce système du menu surprise imposé, qui fait d'ailleurs grogner nombre de critiques gastronomiques. Mais cette «mode» ne sera sans doute que passagère, estime le chef français.

En revanche, siphons, cuissons à basse température, cuissons sous-vide, une bonne partie des techniques de cuisine mises au point ces dernières années, vont rester, affirme le cuisinier.
«Ce sont des innovations importantes et le «moléculaire» a contribué à un certain nombre» d'entre elles, explique-t-il à l'AFP en marge du débat. «On obtient une telle puissance des goûts en assemblant des éléments sous-vide!», assure-t-il.

Quand cette cuisine dite moléculaire a beaucoup fait parler d'elle, au début des années 2000, Michel Troisgros n'a «pas plongé» dedans mais s'y est intéressé. «C'est important d'avoir des convictions fortes, mais on ne peut pas prendre le risque de passer à côté d'une évolution majeure. Il fallait aller voir», dit-il.

De même, la Nouvelle cuisine, mise au point à la fin des années 1950 pour alléger et préciser les plats, après la décennie de «surenchère» de crème et de beurre qui a suivi la fin de la guerre en France, n'a pas été qu'un mouvement éphémère, relève Bénédict Beaugé, auteur culinaire.
Elle marque un vrai tournant parce qu'elle a coïncidé, «en parfaite cohérence, avec une demande de la société» qui souhaitait alors «manger plus léger, plus sain, plus simplement», souligne-t-il.

De fait, cette cuisine plus fraîche et soucieuse des saisons continue à s'inscrire dans les préoccupations de notre époque: santé, minceur, souci de l'environnement.