C'est l'agrume le plus sensible aux variations climatiques. Et le plus sensible tout court! Voici la petite histoire du pamplemousse, qui tire ses origines dans les terres tropicales d'Amérique, principalement dans les Antilles.

Vous serez peut-être surpris d'apprendre que nous avons vécu tout ce temps dans la confusion sémantique entre le mot pamplemousse et le fruit auquel il se rattache. Car un «vrai» pamplemousse d'ici est en réalité un pomélo amer (citrus paradisi) et le pomélo (citrus maxima), qui a acquis ce nom depuis peu pour son cousin sud-asiatique, est en réalité le fruit du.... pamplemoussier. Confus?

Vous dire que ce n'est qu'une question de syntaxe et de vocabulaire serait trop facile. Les deux agrumes sont des espèces différentes. Comme la clémentine est différente du citron vert. Le pamplemousse est une créature moderne qui, contrairement à ses ancêtres, n'est pas née en Asie. Ce fruit si familier aux petits déjeuners nord-américains est né spontanément quelque part dans les plantations de café de Jamaïque ou de Barbade au XVIIIe siècle, où des orangers et des pomélos asiatiques étaient cultivés par les colons anglais. Comme il arrive parfois quand on cultive des plantes qui sont génétiquement proches.

En un mot, fertilisé par la nature, le pamplemousse tel qu'on le connaît a commencé à être commercialisé dans les premières années du XXe siècle et a peut-être connu le succès à cause de son défaut principal: son amertume, causée par la présence de naringine, une substance chimique qui pourrait d'ailleurs être responsable de mauvaises interactions avec des médicaments pour traiter certains cancers ou même abaisser le taux de cholestérol.

Quoi qu'il en soit, on cultive les pamplemousses aux États-Unis depuis le début des années 1800, surtout dans les terres chaudes de la Californie, du Texas, de l'Arizona et de la Floride, où les variétés ont été développées pour s'adapter aux conditions climatiques particulières. En Floride, où le taux d'humidité est très élevé et où les différences entre les températures nocturnes et diurnes sont assez négligeables, les fruits seront plus sucrés et l'acidité, plus forte. Les fruits sont aussi plus juteux. En Californie, c'est un peu le contraire. Le climat est généralement sec et les différences thermiques entre le jour et la nuit sont importantes, les fruits auront donc tendance à être plus équilibrés entre le sucre et l'acidité.

En cuisine, l'amertume n'est pas facile à incorporer. Il faut généralement lui opposer des saveurs plus douces. Certaines cuisines y arrivent aisément. Dans la cuisine italienne par exemple, l'amertume est très bien assimilée quand elle est contrastée avec des notes sucrées. Mais le rôle gastronomique du pamplemousse est assez exceptionnel. Il se limite souvent à apporter des notes amères aux salades, où on le choisit pour son jus qu'il faut souvent corriger avec l'addition de sucre. Dans un grand restaurant parisien, j'ai goûté un Saint-Honoré au pamplemousse rose et à la réglisse, mais on le limite souvent aux mêmes associations: crustacés, sucre roux, rhum ou noix de coco parfois, et en de rares occasions, à des poissons grillés. Au Costa Rica, on le fait même bouillir pour éliminer les flavonoïdes amers. On le couvre ensuite de sucre et on le présente au dessert. Mais les raisons les plus importantes pour manger des pamplemousses sont surtout thérapeutiques, car les fruits contiennent des quantités considérables de vitamines, surtout la C.

N'empêche, l'idée ici est surtout d'assimiler le goût amer dans nos habitudes alimentaires. Plus facile à dire qu'à faire, dites-vous? On continuera sans doute longtemps à le prendre sous forme de jus, au saut du lit!

Les hybrides du pamplemousse

POMELO

C'est l'ancêtre de toutes les variétés de pamplemousses. Un géant, qui mérite bien son nom de «maxima» en latin. Il peut être aussi gros qu'un ballon de soccer, parfois plus gros. Ses quartiers sont aussi plus gros et les petites alvéoles qui contiennent le jus sont aussi plus développées. Ce qui ne veut pas dire qu'elles contiennent plus de jus. Parfois, elles ont même tendance à être plutôt sèches. En revanche, la chair est très douce, sans aucune trace d'amertume. Sa peau est très épaisse et on ne peut pas vraiment faire grand-chose avec, contrairement à celle des autres agrumes. Mais la culture du pomelo est fragile et cela explique pourquoi on ne trouve pas ce fruit partout, encore de nos jours. Mais en Asie, où le pamplemousse est à peu près inconnu, le pomelo est très répandu, surtout en Asie du Sud-Est où il entre dans la composition des salades d'hiver.

MINEOLA

Le Tangelo Mineola est un petit agrume de la taille d'une orange inventé dans les années 30 en Floride. Il comporte un petit gonflement près du pédoncule, ce qui lui vaut souvent le nom de «honeybell» (la cloche de miel). Son parfum est intense et son goût très sucré, avec des tons presque miellés. C'est un croisement entre le pomélo asiatique et la tangerine. L'avantage de cet agrume tient en un mot: le jus. Il est délicieux et il y en a beaucoup. C'est l'un des agrumes les plus populaires à cause de cela.

UGLI

D'aspect souvent un peu difforme, avec des colorations inégales et des taches brunâtres sur la peau qui lui donnent un air un peu rabougri, c'est un agrume moins appétissant que ses cousins. Pourtant, l'Ugli (le «laid») a un goût parfaitement sucré, à mi-chemin entre celui de la mandarine chinoise et du pamplemousse, dont il est - manifestement - un hybride botanique, créé dans les années 30 en Jamaïque. On n'en trouve pas toujours, car il reste cher, sa culture étant encore un peu délicate.