La dégustation à l'aveugle s'est déroulée un vendredi matin, dans le fond de la salle de rédaction de La Presse. On avait sorti une nappe, des tasses à café et une bonne pile de serviettes. Dès leur arrivée dans la petite salle de réunion, les juges ont fait le tour de la table, appréciant les différences esthétiques tout de même considérables des neuf croissants retenus, après le vote populaire. Ils les ont sentis et pesés.

Déjà, au premier coup d'oeil, certains croissants s'éliminaient presque d'eux-mêmes. Pas assez de feuilletage, affaissement général, dorure mal répartie ou trop généreuse, manque de cuisson, pousse insuffisante ou excessive. Le poids est important aussi. Le croissant idéal pèse entre 50g et 80g. «On ne veut pas s'écoeurer. Un petit croissant lourd, c'est mauvais signe», déclare Patrice Demers.

Patrice Demers cherche du regard les croissants d'une boulangerie montréalaise qu'il aime et qu'il connaît bien. Ils ne sont pas parmi les finalistes, croit-il, après avoir posé les yeux sur chaque spécimen. Erreur! Les croissants en question sont bel et bien sur la table, mais le matin de notre grande dégustation, la boulangerie a raté sa recette. Les croissants sont tristes au regard et ont un petit goût d'oignon! C'est ce qu'on appelle un mauvais timing.

Marie-Claude Lortie raconte quant à elle qu'elle aime bien manger son croissant en tirant sur une des pattes de manière à ce qu'il se déroule et révèle l'élasticité de sa mie. Ça lui rappelle son enfance, marquée par les croissants de la pâtisserie Duc de Lorraine.

Avant de passer au goût, l'examen visuel du croissant se poursuit, de l'intérieur. M. Gadoua se promène avec un imposant couteau à pain de la cafétéria de La Presse et trucide les croissants, afin de voir si la mie est suffisamment alvéolée, aérée. Certaines pâtisseries révèlent des cavités très irrégulières, d'autres ont une texture s'apparentant davantage à celle d'un pain ou d'une brioche. Dans l'un ou l'autre de ces cas, c'est raté!

Une fois en bouche, les croissants révèlent leur vraie nature. Certains ont un goût de beurre trop prononcé. Pire encore, on en soupçonne au moins un d'être fait à base de margarine.

Plusieurs tours de table plus tard, deux finalistes ressortent nettement du lot. C'est serré, mais il faut trancher. On goûte encore... La table est couverte de miettes.

Finalement, après quelques délibérations et ingestion de dizaines de grammes de beurre, la victoire est accordée à l'unanimité au superbe croissant de la pâtisserie Fous Desserts, tenue par Franck Dury Pavet.

Son feuilletage est parfait, sa couleur juste assez intense, son craquant irrésistible. Son moelleux a fait fondre nos juges, qui en ont pourtant vu d'autres.