Mettons d'emblée une petite chose au clair: les personnes allergiques aux noix ne devraient pas, en principe, être allergiques aux arachides (le contraire est aussi vrai). Parce que les arachides ne sont pas des noix.

En dépit du nom anglais peanuts, elles n'ont rien d'un fruit sec. Après la pollinisation, la fleur forme une sorte de petit haricot qui, en mûrissant, se détache de la tige et s'enfonce peu à peu sous la terre où elle termine sa maturation. Mais l'arachide n'est pas non plus à proprement parler un haricot classique. Il s'agit réellement d'une curiosité botanique puisqu'il n'y a pas vraiment de cosse protectrice, mais plutôt une délicate enveloppe aussi fine que du papier qu'on pourrait décrire comme une sorte d'ovaire timide, qui se cache pour mûrir - mère Nature nous réserve toujours des surprises.

 

Quoi qu'il en soit, la «pinotte» est devenue un véritable symbole de l'Amérique du Nord, où, estime-t-on, 90% des placards de cuisine, du Texas au Québec et jusqu'en Alaska, renferment au moins un pot de beurre d'arachide. Les Américains aiment tellement le beurre d'arachide qu'ils lui ont consacré une journée nationale, le 24 janvier!

Étonnamment, on connaissait déjà l'arachide avant la naissance du Christ. On croit aujourd'hui que les premiers plants d'arachides ont été cultivés quelque part dans les zones tropicales du Pérou, du Paraguay et du Brésil actuels et que les plants auraient voyagé avec les indigènes jusqu'au Mexique, où elles ont acquis leur nom définitif en langue aztèque: «cacahuatl» ! Comme le chocolat, l'avocat, la tomate, l'ananas, la vanille, les haricots, les courges, les piments et les poivrons, le monde ne serait tout simplement pas le même si les Européens n'avaient pas rapporté chez eux ces petites gousses rugueuses. L'arachide a voyagé avec les Espagnols du Mexique jusqu'en Europe, puis en Afrique où elle a vite été intégrée à la nourriture des esclaves, parce que nourrissante et fortifiante. On croyait même que la plante avait une âme.

Comme c'est souvent le cas dans l'histoire des produits agricoles, il y a toujours de curieux revirements. On découvre un produit, on le popularise et on l'oublie. Ceux qui ont importé l'arachide en Europe l'ont vite éliminée de leur régime. Pourtant, quand les esclaves africains sont arrivés de force en Amérique du Nord à partir du XVIIe siècle, l'arachide est revenue avec eux. On a ensuite fait sa culture dans le sud des États-Unis, en Géorgie et dans les Carolines, où elle continue d'être un produit agricole important. L'arachide a gagné sa popularité actuelle grâce à un docteur végétarien un peu philosophe, un certain M. Kellogg, qui a inventé le beurre d'arachide, un substitut au beurre de lait de vache vers 1890.

De l'autre côté du monde, l'arachide a tout de même connu une certaine popularité. Elle a vite intégré les cuisines de l'Afrique tropicale, où on l'utilise surtout comme ingrédient des sauces et des ragoûts ou comme agent épaississant. Arrivée en Asie assez tôt, elle a été cultivée à grande échelle et, aujourd'hui, les plus grands producteurs mondiaux sont encore la Chine et l'Inde, qui l'utilisent surtout pour son huile. Ce qui n'empêche pas ces pays d'en user dans leur cuisine en condiment ou en garniture, du nord de la Chine au sud de la Thaïlande et du Vietnam.

Et la santé dans tout ça? À la fois fortement allergène (elle peut causer des chocs anaphylactiques graves chez les sujets sensibles) et pourtant excellente pour prévenir les risques de maladies cardiovasculaires et de certains cancers à cause des gras monosaturés qu'elle contient, l'arachide est riche en protéines végétales mais aussi plutôt grasse. Une cuillère à soupe de beurre de «pinotte» naturel ne contient aucun cholestérol mais tout de même 95 calories. Presque autant qu'un petit croissant au beurre!