La gastronomie française a de grandes chances d'être retenue par l'Unesco, jeudi à Nairobi, comme patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, ce qui représenterait une consécration internationale pour le repas tel qu'il est conçu dans ce pays, avec tous ses rituels.

Les Français ne mangent pas comme les autres: c'est ce que plaident les défenseurs du «repas gastronomique français» auprès de l'Unesco. Un repas traditionnel, surtout de fête, est toute une affaire, avec une attention particulière portée à l'accord entre les mets et les vins, mais aussi à la présentation de la table.

Fleurs ou chemin de table comme décoration? Verre à eau et verre à vin, et même parfois deux verres à vin différents, l'un pour le blanc, l'autre pour le rouge. La lame du couteau, posé à droite, est orientée vers l'assiette. Et la fourchette, à gauche, est bombée avec ses piques posées sur la nappe, alors que les Américains, par exemple, font l'inverse, piques vers le haut.

Le menu fait aussi l'objet d'une préparation minutieuse: apéritif, amuse-bouches, entrée, plat, fromage, puis dessert, parfois précédé d'un «avant-dessert» moins copieux, et souvent suivi de «mignardises» (fours frais, chocolats, nougats, pâtes de fruits notamment). Et enfin, café...

À ce jour, aucune gastronomie n'a encore été inscrite au patrimoine immatériel de l'Unesco. Mais un comité d'experts, au rôle consultatif, a rendu en juillet un avis favorable au dossier français, ce qui donne un certain optimisme à ses défenseurs.

Cette candidature, défendue par le président français Nicolas Sarkozy, a suscité autant d'enthousiasme que de scepticisme. Si beaucoup de professionnels des métiers de bouche ont rapidement adhéré au projet, d'autres se sont demandés si la démarche était nécessaire: la gastronomie française est-elle réellement en péril ?

Ce n'est pas la question, assurent les défenseurs du projet. «Il ne s'agit pas de figer ou de muséifier» la gastronomie, qui reste par définition vivante et se nourrit de différentes influences, assure Pierre Sanner, directeur de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (Mfpca), chargée par l'État du dossier.

Mais la durée des repas en France tend à s'écourter, note sa collaboratrice Annick Vin. Et «il est nécessaire de transmettre et d'éduquer les enfants pour échapper à la standardisation» de l'alimentation, souligne-t-elle.

Pour les universitaires de l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation, basé à Tours, qui ont lancé l'idée il y a huit ans, il s'agit aussi de renforcer la place de la gastronomie au sein de la culture française.

Grâce à l'Unesco, elle deviendrait ainsi un «nouveau monument du patrimoine français, à promouvoir et à conserver», note M. Sanner.

«Ce serait une petite révolution que cette culture populaire de la gastronomie rejoigne le patrimoine», un terme souvent réservé à une culture «élitiste» héritée des Lumières, souligne-t-il.

Deux autres dossiers culinaires doivent aussi être examinés à Nairobi: le régime méditerranéen déposé par plusieurs pays et un dossier autour du maïs porté par le Mexique.