Le retour aux cuisines du terroir est loin de se limiter au Québec. Dans plusieurs pays, la tendance est à la redécouverte et à la remise en valeur du patrimoine culinaire. On sort des vieilles recettes rurales de l'oubli. On les  adapte. Ou on leur redonne vie.

C'est ce que propose le livre Las recetas olvidadas - Recettes oubliées des Andes vénézuéliennes, publié récemment par le Montréalais d'origine vénézuélienne Gamal El Fakih Rodriguez, directeur adjoint du volet restaurant de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

Écrit en français et en espagnol, cet ouvrage étonnant ressuscite plusieurs plats typiques de la région de Mérida. Dans le genre terroir, on peut difficilement faire mieux. Car cette région extrêmement montagneuse abrite plusieurs villages très isolés, qui ont créé une cuisine locale rustique, qui dépend essentiellement de l'agriculture locale. «Il faut parfois prendre le téléphérique, puis marcher pendant sept heures avant d'arriver dans un de ces villages», résume  M. Rodriguez. Autant dire que plusieurs de ces plats sont assez peu connus dans le reste du Venezuela.

Mais ce qui est encore plus intéressant, c'est que ces «recettes oubliées» ont été recueillies auprès de vieilles femmes bien ordinaires, qui avaient passé leur vie à faire de la popote à la maison.

L'idée de redécouvrir cette cuisine est née à la fin des années 90, quand M. Rodriguez était prof de cuisine à l'institut d'hôtellerie de Mérida. Quand il a constaté qu'il ne connaissait pratiquement rien de la cuisine régionale de l'endroit, il est allé dans les montagnes, avec ses élèves, à la recherche de grands-mères qui accepteraient de partager leur savoir culinaire. Au final, 82 d'entre elles lui ont ouvert leurs portes, ne lui transmettant pas seulement des recettes, mais aussi des concoctions médicinales, des histoires et même des chansons.

Plus qu'un simple livre de cuisine, Las recetas olvidadas est ainsi un véritable devoir de mémoire, fait dans une perspective de préservation culturelle.  

«L'alimentation nous en dit beaucoup sur la façon dont les gens vivent. Surtout dans ces villages où toute la vie tourne autour de la table. La routine des hommes est axée sur l'agriculture. Celle des femmes sur la cuisine. Forcément, tout ce qui touche à l'alimentation touche aussi à la culture. En ce sens, oui, je dirais que mon livre est autant un ouvrage ethnographique que gastronomique», observe M. Rodriguez.

Simples et à l'oeil

Divisé en neuf chapitres, Las recetas olvidadas propose des recettes de soupes, de salades, de farces, d'arepas (la tortilla vénézuélienne), de plats de poisson ou de viande, de desserts et de boissons de tout ordre, sans oublier les remèdes de grands-mères.

La plupart des plats sont assez simples et, sauf exceptions, les ingrédients sont plutôt faciles à trouver au Québec. Beaucoup de recettes sont faites avec des pommes de terre, des pois chiches, du manioc, des oranges, des mangues, de la truite, du poulet et du blé. «C'est ce qu'on trouve dans la région», indique M. Rodriguez.

Ironiquement, les épiceries asiatiques seraient selon lui les meilleurs endroits à Montréal pour faire son épicerie vénézuélienne. «Ce sont de bons lieux pour trouver les mangues vertes», dit-il. En revanche, quelques condiments sont plus rares, comme le tuna (fruit du cactus), voire carrément introuvables, comme le sani, épice propre à la région de Mérida que l'on tire des racines de la plante du navet sauvage.

Fait à noter: toutes les recettes ont été transmises à M. Rodriguez et ses élèves sans détails techniques. Les grands-mères sont, comme chacun sait, des livres de cuisine ambulants, qui travaillent à l'oeil. L'auteur a dû mettre les bouchées doubles pour trouver les justes proportions, afin de faciliter la tâche des cuisiniers en herbe.

Se réapproprier sa cuisine

Pour la petite histoire, sachez qu'une première édition de Las recetas olvidadas est parue au Venezuela en 1999. Exclusivement en espagnol, les 1000 exemplaires se sont écoulés plutôt rapidement à l'Office de tourisme de Mérida. M. Rodriguez espère que cette nouvelle édition bilingue, publiée à compte d'auteur et éditée à 2000 exemplaires, sera aussi distribuée en France dans les librairies gourmandes et de voyage.

Une deuxième édition en espagnol est également prévue pour le Venezuela. Le contexte serait idéal. Car selon M. Rodriguez, le pays de Chavez est actuellement en pleine phase de réappropriation et d'affirmation culturelles. La redécouverte de la gastronomie nationale et régionale s'inscrit plus que jamais dans cette tendance.

«Nous avons été un pays d'agriculteurs jusqu'en 1920. Quand on a découvert le pétrole, on a laissé tomber toutes nos habitudes. On avait de l'argent. On regardait la gastronomie d'ailleurs et on ne donnait aucune importance à la nôtre. Pendant des années, seulement deux livres de cuisine existaient chez nous. Mais ça change. Aujourd'hui il y a des centaines de blogues et sites web qui parlent de cuisine vénézuélienne. J'espère que mon livre va stimuler cette tendance...»

Pour savoir où se procurer le livre: consulter le site www.lesrecettesoubliees.webs.com