Portes blindées, digicodes, alarmes ou accès restreints étroitement surveillés: les caves des grands restaurants français où s'alignent Pétrus, Yquem et autres Romanée Conti sont des cavernes d'Ali Baba où tout est fait pour décourager les voleurs, la plupart du temps avec succès.

Mais pas toujours. Pour preuve la mésaventure survenue au Carré des Feuillants à Paris (deux étoiles au Michelin), dont la cave a été délestée de 260 de ses plus précieux flacons dans la nuit du 14 au 15 juillet.L'incident s'est bien terminé. Le voleur présumé, surveillé depuis des vols similaires à l'épicerie fine Hédiard et au restaurant de Michel Rostang à Paris, a été arrêté mercredi et les grands crus retrouvés. A la grande joie du chef Alain Dutournier, ravi de retrouver «son outil de travail».

La cave d'un grand restaurant, qui abrite des bouteilles valant souvent plusieurs milliers d'euros pièce, «c'est son trésor de guerre», explique à l'AFP Stéphane Trapier, directeur de salle adjoint de la célèbre Tour d'Argent (1 étoile) à Paris.

Le restaurant possède la plus grande cave d'Europe: 400.000 bouteilles et 14.000 références dans 1.300 m2, sur deux niveaux.

Portes blindées, accès unique, un ou deux agents de sécurité, s'ajoutent à deux cavistes présents dans la cave en permanence «pour une question de logistique, mais aussi de sécurité», indique M. Trapier, «c'est un peu comme dans une banque, on ne va jamais seul dans la salle des coffres».

Et le saint des saints n'est accessible qu'avec deux clefs différentes, détenues séparément. Dans ce caveau vieillissent les quelque 80.000 bouteilles les plus prestigieuses: Lafite-Rothschild, Yquem, vieux Vouvray 1947 côtoient des Pétrus ou Romanée Conti, vendus 15.000 à 19.000 euros à la carte.

Le seul à l'avoir «cambriolé» est le milliardaire américain John Pierpont Morgan qui avait laissé, au début du siècle dernier, un chèque en blanc à la place d'une rarissime bouteille de cognac Fine Napoléon. La légende assure que «le chèque n'a jamais été encaissé», confie M. Trapier.

Pour cambrioler la cave du restaurant «Le Cinq» (deux étoiles) du George V, «il faut y aller au bazooka !», s'amuse son directeur Eric Beaumard.

Creusée à 15 m de profondeur, elle est accessible par un ascenseur équipé de caméras. «J'ai 45.000 bouteilles, je fais un inventaire mensuel», ajoute M. Beaumard dont deux bouteilles seulement ont été dérobées il y a dix ans, par un employé indélicat.

A l'Ambroisie (trois étoiles) place des Vosges à Paris, accès unique, portes blindées et alarme ont jusqu'à présent rempli leur office. «La cave n'est pas visitable, même par le personnel», souligne le directeur de salle Pierre Le Moullac.

Et pour compliquer la tâche d'un éventuel voleur, «il n'y a pas de vins en caisse, les casiers sont numérotés sans mention d'étiquettes et les plus grands crus répartis dans toute la cave», dit-il.

Au Relais Bernard Loiseau (trois étoiles) de Saulieu en Bourgogne, clefs, digicodes et de multiples portes abritent une cave aux 1.000 références, à 80% bourguignonnes, rapporte Stéphanie Gaitey, attaché de direction du célèbre restaurant.

Les vols sont très rares mais redoutés. Car la valeur d'assurance prend en compte la valeur d'achat, non la cote du moment. Or, le prix d'un grand vin «peut se multiplier par cinq ou six» rapidement, dit M. Beaumard.

De plus, un marché parallèle existe, vers la Russie ou la Chine. Avec le «même problème que le marché de l'art. Depuis trois ans, on entre dans le monde des faussaires», dit M. Trapier, avec copie des étiquettes et bouchons, et bien sûr faux vin.