Fromage ou dessert? Apparemment, de nombreux clients préfèrent maintenant le dessert plutôt que les fromages du Québec à la fin d'un bon repas au restaurant, depuis la crise de la listériose.

«Les gens sont restés avec une crainte, surtout pour les fromages de lait cru, même si la crise a aussi touché des fromages de lait pasteurisé», dit Vincent Chaput, de la fromagerie Chaput, une entreprise familiale.

 

Les restaurateurs le confirment: certains clients y pensent à deux fois avant de choisir l'assiette de fromages. Didier Combaz, chef du restaurant Le Parchemin, au centre-ville de Montréal, a aussi remarqué cette tendance. Au plus fort de la crise, des clients ont même demandé à voir un rapport d'inspection du ministère de l'Agriculture afin de s'assurer que le fromage ne contenait pas la bactérie Listeria. «Depuis, ça s'est stabilisé, mais si je devais le calculer en points, je dirais que la baisse de commandes est d'environ 20%, dit Didier Combaz. C'est considérable.»

Au restaurant L'Initiale, à Québec, on a remarqué le même phénomène depuis que la clientèle locale a remplacé la clientèle touristique de l'été.

La situation est la même dans les commerces. André Piché, propriétaire du Maître Corbeau, rue Laurier, raconte que certaines clientèles sont restées plus marquées par ce triste épisode. Les gens âgés, certainement. Les familles qui consomment des fromages de commodité la plupart du temps et des fromages de spécialité à l'occasion ont tendance à préférer le «P'tit Québec» plus que jamais. «Les gens sont mêlés, ils ont peur, ils ne savent plus trop quoi faire», dit André Piché.

À la boutique Maître Boucher, rue Monkland à Montréal, il y a aussi beaucoup plus de questions depuis septembre. «C'est vrai que les gens font attention et qu'ils cherchent davantage des fromages de lait pasteurisé, dit Claude, qui s'occupe du comptoir des fromages de spécialité. Les gens sont restés avec l'impression qu'il pouvait y avoir des problèmes avec les fromages de lait cru.» Alors le fromager discute davantage avec la clientèle craintive.

Au moment de la crise, les gens de l'industrie avaient appelé le public à acheter des fromages locaux. Certains consommateurs le font et demandent systématiquement des créations québécoises, mais ils se font rares. «C'est un phénomène qui a duré une semaine», dit André Piché.

Le fromager Vincent Chaput n'a pas non plus noté cette tendance dans son carnet de commandes. «On a hâte de le voir, cet élan de patriotisme...» dit-il. Le temps des Fêtes est, habituellement, la plus grosse période de l'année pour les artisans fromagers. «Cette année, ça va être particulièrement important avec la crise que nous avons traversée, dit Vincent Chaput. D'autant plus que, en janvier, les ventes baissent énormément. C'est la période la plus tranquille de l'année.» Les Fêtes terminées, les consommateurs sont plus soucieux de leur portefeuille et de leur tour de taille et moins tentés par les fromages fins.

Pour les commerçants spécialisés aussi, les Fêtes seront particulièrement critiques cette année. «Nous faisons entre 25% et 30% de notre chiffre d'affaires à Noël», dit le propriétaire du Maître Corbeau. Il y a eu ralentissement depuis la crise de la listériose, mais en plus, dit-il, les ventes de fromages n'étaient déjà pas à leur meilleur parce que le climat économique est inquiétant et que le prix des fromages importés a beaucoup monté durant les derniers mois.