Ils sont aussi ce qu'ils mangent! La relation des politiciens à la nourriture peut en dire beaucoup sur eux, quoique bien manger en campagne électorale tienne parfois du tour de force. Voici donc un aperçu des goûts et des habitudes culinaires des principaux candidats aux élections canadiennes et à la présidence des États-Unis.

Stephen Harper: Coke et sauces piquantes par Hugo De Grandpré

Qui ne se souvient pas de l'image de Stephen Harper bedonnant, parlant aux journalistes à l'arrière de l'avion, durant l'un de ses premiers voyages comme premier ministre, en 2006?

Elle avait fait le tour du Canada, elle avait été discutée, analysée, critiquée. Un premier ministre canadien peut-il avoir une bedaine?

Le principal intéressé a semblé juger que non puisque, peu de temps après, ses collaborateurs ont annoncé qu'il se mettait au régime.

Mais apparemment, certaines habitudes ont la vie dure. Comme celle de boire des boissons gazeuses, par exemple. Dans son autobiographie, la désormais célèbre Julie Couillard a révélé au grand jour le goût du premier ministre pour le Pepsi. Au point où, dit-elle, il se présentait aux réunions du Conseil des ministres avec des bouteilles pleines.

L'information a été démentie par son bureau: ce n'est pas du Pepsi, c'est du Coke. Et il n'en boit plus tant que ça: il doit perdre du poids.

Il a aussi dû renoncer à un autre de ses péchés mignons: auparavant, l'avion du chef du gouvernement était toujours bien pourvu de chocolat à la menthe. Tour de taille oblige, les After Eight aussi ont été jetés par-dessus bord.

En fait, a confirmé son attaché de presse, Dimitri Soudas, l'une des seules "gâteries" que son patron se permet encore, ce sont les sauces piquantes. M. Harper en est maniaque. Au point où, depuis le début de la campagne, il emporte partout avec lui huit ou neuf petites bouteilles de Tabasco, de poivre de Cayenne et de concoctions plus ou moins épicées, fumées ou sucrées dans un sac Ziploc.

Le sac le suit dans l'avion, et il le place dans la pochette de son siège; il le sort quand vient le temps d'assaisonner ses plats, des salades aux pizzas.

Un journaliste lui a demandé l'autre jour quelle sauce il préférait. "Je ne sais pas, il y en a tellement", a-t-il répondu d'un air un peu mal à l'aise.

Mais mis à part les sauces piquantes, l'alimentation de M. Harper en temps de campagne semble être des plus normales, selon M. Soudas. Il ne boit pas de café, ou à peu près pas. "Une fois par année!" lance son attaché de presse.

Il boit également très rarement de l'alcool. Lorsqu'il s'est rendu aux retrouvailles de son école secondaire, récemment, à Toronto, il s'est exceptionnellement permis quelques verres de vin ou de bière. Il a d'ailleurs confié aux journalistes qu'il avait passé une très bonne soirée...

Il commence la journée avec un bol de yogourt et de fruits. Le reste du temps, il mange les mêmes plats que les journalistes, le plus souvent dans l'avion d'Air Canada qui les transporte, lui et sa suite, aux quatre coins du pays.

Évidemment, le menu est un peu plus relevé que les sandwichs au rosbif que la compagnie aérienne fait désormais payer 5$ à ses clients de la classe économique... Pâtes, poulet, saumon fumé, porc, boeuf, pizza, salade: ça ressemble plus à un menu de classe affaires...

Dans le cas du premier ministre, épicé à la perfection.

Gilles Duceppe: Produits du terroir et régime sec

par Malorie Beauchemin

Pour traverser une campagne électorale, la discipline est de mise. Pour le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, celle-ci se traduit par deux choses: bien manger et ne boire aucun alcool, même s'il aime beaucoup le vin.

Interrogé sur ce qu'il avait mangé pendant son séjour en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, le chef bloquiste a fait une description alléchante de son souper de la veille «Esturgeon noir, saumon fumé aux câpres, avec un peu d'huile, et des crevettes, dites de Matane, mais qui sont pêchées du bord de la Côte-Nord, a-t-il énuméré. C'était tout à fait excellent.»

«Le potage était au navet et parmesan. Et j'ai triché en prenant un tiramisu.»

D'ordinaire, le chef du Bloc essaie de manger «plus légèrement» en campagne électorale, beaucoup de poisson par exemple.

Après une tournée des régions du Québec et plusieurs visites à la ferme, au marché ou au verger, force est de constater que le leader souverainiste aime et connaît plutôt bien les produits du terroir.

«Je mange des fromages québécois et je me porte très très bien», a-t-il lancé au milieu de la campagne, en pleine crise de la listériose, qui frappe de plein fouet les producteurs fromagers du Québec.

«Mais pas sur des biscuits Ritz», a-t-il ajouté dare-dare, au moment où un ministre du gouvernement conservateur, Gerry Ritz, est dans l'embarras pour des déclarations controversées sur cette même crise qui a secoué le monde de l'alimentation.

En plein Festival de la galette de sarrasin, à Saint-Eustache, le chef bloquiste a accepté sans hésiter, régime ou pas, de déguster les produits du terroir qu'on lui offrait, de la fameuse galette, extra mélasse, jusqu'à la tire sur neige.

Au marché Jean-Talon, la semaine suivante, M. Duceppe avait sa liste d'épicerie, et a préparé le souper du lendemain soir. Généralement, il reçoit sa petite famille les dimanches soirs ses deux enfants, et ses deux petits-enfants. Au menu cette semaine carré d'agneau, qu'il a apprêté avec une petite sauce et sauté de légumes. Il a acheté aussi les fruits et légumes (carottes, échalotes françaises, asperges, shiitakés, haricots, tomates cerises en branches, concombres libanais, mangues, fraises et raisins de Corinthe) pour la semaine. En temps normal, avant de partir pour Ottawa les dimanches soirs, il s'assure que les repas de sa femme sont prêts pour la semaine.

«C'est moi qui cuisine à la maison; je suis le chef partout, pas juste en politique», a-t-il lancé aux collaborateurs et journalistes massés dans une petite boucherie du marché Jean-Talon, sous le regard désapprobateur de Yolande Brunelle, sa compagne.

À la fromagerie, Gilles Duceppe s'est retrouvé en terrain connu. Il a acheté québécois (du Riopelle), mais aussi des classiques cheddar fort, emmenthal, parmesan reggiano râpé.

En visite dans une ferme de Warwick, pendant la troisième semaine de campagne, M. Duceppe a été invité à goûter du saucisson et du fromage. Fin connaisseur, il a pu faire la différence, au goût, entre un cheddar de deux ans et un de cinq ans, impressionnant, au passage, les quelques producteurs agricoles réunis sur place.

Stéphane Dion: Poisson frais et gibier

par Gilles Toupin

Stéphane Dion et la nourriture? Un fin gourmet doublé d'un petit Obélix.

Que voulez-vous, comme aurait dit son ancien patron, le bonhomme adore les petits plats santé et raffinés, mais il raffole aussi du gibier. Oui monsieur, du gibier!

Cependant, en campagne électorale, pas question d'empiler les sangliers à l'arrière de l'avion, ni d'aller chasser le chevreuil.

Lorsqu'il a rencontré Janine Krieber à la fin des années 70, sa femme, M. Dion aimait bien faire sa propre popote. Sauf qu'avec Janine, il a rencontré son homme... culinaire. Elle est tellement supérieure de ce côté-là, raconte un proche, que Stéphane a dû battre en retraite. «Il s'est fait tasser de la cuisine», raconte en riant notre confident.

Cela n'a pas empêché le chef libéral de devenir au fil des années un excellent connaisseur de vins, assure-t-on. Pendant la campagne, il ne boit pas, sinon les jours de pause "une bonne bouteille à partager entre amis". Bon, il a peut-être un peu triché l'autre jour à St. Catherines, lorsqu'il a dégusté quelques fonds de ballons, mais c'était lors de sa visite au Festival des vins du Niagara. Il a fait avec bonheur le tour des kiosques suivi par une horde de caméramans sans refuser de goûter ici et là les produits du fier labeur de ses éventuels électeurs... Petite note M. Dion est un dégustateur qui ne recrache pas...

Dans l'absolu, si vous lui demandez quel est son plat favori, il vous répondra immanquablement «Le poisson que j'ai pêché le jour même accompagné d'un bon vin d'Alsace.»

Côté bière, celui qui se dit aussi nationaliste que Gilles Duceppe raffole de la Blanche de Chambly. (Ah! ah! ça vous en bouche un coin, hein M. Duceppe?) Côté digestif puisque l'homme adore les longs repas entre amis ce n'est rien de moins que le calvados, «en dehors de la campagne électorale», insiste-t-on dans son entourage.

Dans les hôtels, les avions et les autocars de campagne, Stéphane Dion observe une certaine discipline alimentaire.

Le matin, c'est granola des fruits, du yogourt, du jus de fruits et du pain de blé entier.

Le midi, c'est le tournant vert salade avec des oeufs ou du poisson.

Le soir, au diable la discipline! C'est gargantuesque «un bon rôti» ou des pâtes alimentaires. Et on vous parie que le ballon de rouge n'est pas très loin, même si La Presse n'a pu avoir de confirmation sur le sujet de l'état-major du Parti libéral du Canada.

Photomontage La Presse

Jack Layton: asiatique et bio

(Avec Canadian Press et le Toronto Star)

Réputé pour être un bon vivant, fin connaisseur de cuisine asiatique, Jack Layton est aussi un fervent défenseur des produits locaux fabriqués dans le respect de l'environnement.

«Nous devons étudier tous les moyens pour améliorer l'accessibilité des produits biologiques fabriqués au Canada dans les supermarchés», a déclaré le chef du NPD, la semaine dernière en Saskatchewan.

À Toronto, où ils représentent chacun une circonscription, M. Layton et sa femme, Olivia Chow, ont leurs habitudes dans des restaurants réputés pour favoriser les produits biologiques, chez Jamie Kennedy par exemple. «Mais c'est encore les repas préparés par ma belle-mère (qui habite avec le couple) qui me procurent le plus de plaisir», assure le chef néo-démocrate, Jack Layton, sourire aux lèvres.

Photomontage La Presse

Elizabeth May: Cuisine de la mer

(Avec Canadian Press et le Toronto Star)

Née au Connecticut, Elizabeth May, qui s'est installée avec sa famille en Nouvelle-Écosse à l'âge de 18 ans, a travaillé pendant plusieurs années au restaurant familial de Margaree Harbour, sur la Cabot Trail.

Elle en a gardé un goût très sûr pour les poissons et les produits de la mer, un goût qu'elle a encore affiné de 2000 à 2006 en collaborant avec l'organisme Save our Seas and Shores Coalition.

«Les eaux canadiennes sont riches de ressources alimentaires d'une valeur inestimable, a rappelé Mme May. Nous devons protéger nos espèces menacées, combattre le développement inutile de projets pétroliers près des côtes, aider nos pêcheurs.»

Le restaurant de Margaree Harbour a été exproprié en 2002, mais Mme May raffole toujours des produits de la mer.