L'hiver... la saison des rhumes et de la soupe au poulet ! Commerciale ou maison, la soupe au poulet est le plat qu'on sert à ceux qui ont besoin de réconfort, aux quatre coins du monde.

« Ce qui m'attire, c'est le contraste entre le froid dehors et la chaleur de la cuisine quand il y a quelque chose qui mijote », résume Susan Semenak, auteure de Montréal l'hiver, livre de recettes pour les journées froides. Ainsi, dans ce bel ouvrage, on passe des scènes hivernales croquées par la photographe Cindy Boyce à des plats de diverses parties du monde qui ont le pouvoir de réchauffer le coeur. Comme la soupe au poulet de sa « baba », terme affectueux donné aux grands-mamans en Ukraine.

On prête bien des vertus à la soupe au poulet. « Au moindre éternuement dans la maison, le gros chaudron familial se remplissait d'eau, et, la minute suivante, carottes, oignons, céleri et morceaux de poulet mijotaient doucement sur le poêle », écrit-elle d'ailleurs dans son livre sorti juste à temps pour accompagner les premières neiges... et les premiers rhumes.

Ce n'est pas d'hier qu'on utilise la soupe au poulet comme « remède », souligne aussi Mme Semenak dans Montréal l'hiver. Il y a des siècles, les Grecs le faisaient déjà, confirme notamment Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l'Université de Montréal. Ce préjugé favorable est par ailleurs répandu : on en sert à ceux qui ont la goutte au nez au Québec - en sachet ou en version maison - et aux enrhumés des quatre coins du monde.

Un héritage français

Michel Lambert, historien des cuisines familiales du Québec, convient que la soupe au poulet occupe une place spéciale dans bien des cultures. Celle qu'elle a sur nos tables ne découle toutefois pas des traditions grecques, mais bien de l'évolution des habitudes alimentaires en France et, par la suite, dans les divers territoires français. « Ça remonte au Moyen-Âge », dit-il.

Pendant longtemps, la volaille n'a pas eu une grande importance dans la cuisine française. Les choses ont changé quand les aristocrates se sont réservé le droit de chasser le gros gibier.

« Les paysans se sont retrouvés sans accès à la viande et ils ont été obligés de se rabattre sur le poulet. Les Français se sont alors bâti un amour pour tout ce qui est volaille, raconte l'historien. On peut dire qu'à partir du XIIe siècle, la poule a pris vraiment de l'importance dans nos habitudes. »

L'accessibilité demeure l'une des raisons de la popularité de la soupe au poulet, estime Susan Semenak. « Le poulet, souvent, ce n'est pas cher, relève-t-elle. Une marmite de soupe au poulet, ça ne prend pas beaucoup d'ingrédients et c'est assez simple à faire. Je pense que c'est pourquoi c'est si présent dans les recettes familiales depuis longtemps, un peu partout. »

Pour la santé ou l'âme ?

Les vertus qu'on prête à la soupe au poulet (ou plutôt à son bouillon) ne sont toujours pas validées par la science. Les spécialistes de la nutrition avancent du bout des lèvres qu'elle aurait des propriétés anti-inflammatoires, sans pouvoir dire exactement pourquoi. Historiquement, son caractère « médicinal » ne se limitait de toute façon pas à « guérir » le rhume.

« On mangeait du poulet quand on se remettait d'une maladie, parce que c'était léger et que ça se digérait facilement, relève Michel Lambert. Ce qui était aussi répandu en Europe, c'est le fameux bouillon de poulet que nos ancêtres appelaient aussi le bouillon de relevailles, parce qu'on en donnait aux femmes qui se relevaient d'un accouchement. »

Susan Semenak croit que la vapeur d'un bol de soupe chaude est peut-être bonne pour le rhume. Et puis, la soupe au poulet de sa « baba », comme celle de nos mamans, est assurément pleine de protéines et d'autres nutriments. Ce qui est sûr, selon elle, c'est qu'elle est bonne pour l'âme.

« Il y a le gras qui brille, un peu de sel, les couleurs - carottes, céleri et, dans notre cas, de l'aneth et du persil. Je crois que les couleurs aussi réconfortent, détaille-t-elle. Souvent, c'était maman ou grand-maman qui la servait. Ça aussi, ça aide beaucoup ! » N'est-ce pas du réconfort, en effet, qu'on offre à un enfant malade en même temps qu'un bon bol de soupe au poulet et nouilles ?

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La soupe Lipton

Qui n'a jamais plongé sa cuiller dans une soupe Lipton poulet et nouilles ? Ce bouillon d'un jaune prononcé. Ce goût, hum, salé. Ces après-midi passés sur le divan du salon à regarder la télé alors qu'on devrait plutôt être à l'école... « La petite soupe poulet et nouilles avec du curcuma a une valeur de comfort food dans notre culture », constate aussi l'historien Michel Lambert. Avec du curcuma ? La recette mise au point par Lipton, d'après un procédé de concentration du bouillon inventé par Knorr en 1912, en contient effectivement une pointe. « Il y a beaucoup de symboles dans l'alimentation, dit-il encore. Le curcuma, c'est un peu le soleil. Prendre une soupe qui est très jaune, c'est lumineux, c'est associé au réconfort. »

Montréal l'hiver : recettes et récits tricotés serrés 

Susan Semenak 

34,95 $

256 pages

RECETTE: SOUPE AU POULET DE BABA



TIRÉE DU LIVRE MONTRÉAL L'HIVER : RECETTES ET RÉCITS TRICOTÉS SERRÉS

INGRÉDIENTS

- 1,4 kg de morceaux de poulet, non désossés

- 4 branches de céleri, avec les feuilles

- 2 oignons, pelés et coupés en deux

- 2 feuilles de laurier

- 1 bouquet de persil

- 4 branches de thym frais

- 5 ml (1 c. à thé) de sel, ou plus, au goût

- 5 ml (1 c. à thé) de poivre noir en grains

- 4 carottes, épluchées et coupées en rondelles

- 2 pommes de terre, épluchées et coupées en dés

- 1 panais, épluché et coupé en rondelles (facultatif)

- 125 ml (1/2 tasse) d'aneth frais, ciselé

- 1 paquet de 454 g de vermicelles aux oeufs ou de spaghettinis cuits, pour le service

PRÉPARATION

1- Dans une grosse marmite, poser les morceaux de poulet, le céleri, les oignons, le laurier, le persil et le thym. Ajouter le sel et les grains de poivre. Recouvrir d'eau, soit de 3 à 4 litres (de 12 à 16 tasses), et chauffer à feu vif. Juste avant l'ébullition, réduire à feu moyen-doux. À l'aide d'une cuiller ou d'une écumoire, enlever au fur et à mesure la mousse qui se forme à la surface. Couvrir et laisser mijoter une heure.

2- À l'aide d'une passoire, filtrer la soupe dans un grand bol ou une autre casserole. Retirer les morceaux de poulet, enlever la peau, séparer la viande des os et réserver. Se débarrasser des os, de la peau, ainsi que des légumes cuits.

3- Reverser la soupe filtrée dans la marmite et ajouter les carottes, les pommes de terre, le panais et l'aneth. Goûter et rectifier l'assaisonnement au besoin. Laisser mijoter à feu moyen une autre heure, jusqu'à ce que les légumes soient tendres. Ajouter la viande de poulet 10 minutes avant la fin de la cuisson.

4- Servir cette soupe dans des bols individuels, avec une grosse cuillerée de vermicelles cuits.

Source : Montréal l'hiver, de Susan Semenak