Guy Martin, Thierry Marx et bientôt Michel Rostang: Roissy est devenu le terrain de jeu des chefs étoilés, qui cherchent à régaler des passagers pressés en 26 minutes chrono. Des adresses rentables et de prestigieuses vitrines pour un aéroport soumis à une rude concurrence internationale.

C'est entre un Relay et un McDonald's, dans la zone publique du Terminal 1, que le médiatique Thierry Marx vient d'ouvrir sa dernière adresse: le Teppan. Dans cet écrin chic auquel le cuisinier a prêté sa «signature», passagers et personnel de l'aéroport peuvent déguster «une cuisine à même le fer», sur le teppanyaki, un outil de cuisson japonais.

Le chef explique à l'AFP avoir répondu à l'appel d'offres lancé par le groupe Lagardère, partenaire de Paris Aéroport, d'abord «pour amener une autre proposition, artisanale, entre Starbucks et McDo». «Les clients passent en moyenne 26 minutes à table, donc le défi est de faire de la qualité, avec des produits frais et des gestes très simples», résume-t-il.

Pour le cuisinier, impliqué dans de nombreux projets de réinsertion, cette enseigne est aussi l'occasion de mettre le pied à l'étrier à des jeunes formés dans les quartiers difficiles, «avec une cuisine extrêmement simplifiée» et des horaires compatibles avec la vie de famille.

Mais, Thierry Marx ne s'en cache pas, cette adresse, comme celles ouvertes à l'aéroport de Nice ou à la Gare du Nord à Paris, l'aide aussi à «faire tourner» sa table gastronomique parisienne, le Sur mesure.

«Une cuisine d'auteur, c'est 30 à 35 couverts par service. Vous faites votre nom, mais si à la fin vous avez 4% de bénéfice, c'est bien. Donc il faut d'autres revenus. Le Teppan, c'est 900 couverts par jour, un service continu de 6h à 22h. C'est comme quand Lagerfeld fait des fringues pour H&M: la rentabilité se fait sur le volume», sourit-il.

Et le volume est là: près de 70 millions de passagers transitent chaque année par le deuxième aéroport européen, où 60 000 personnes viennent travailler chaque jour.

Objectif: huit chefs en 2020

Au printemps, Thierry Marx a rejoint dans ce sérail aéroportuaire ses confrères Gilles Epié et Guy Martin, qui vient quant à lui d'ouvrir sa deuxième enseigne à Roissy-Charles de Gaulle.

Après I Love Paris, élu en 2016 meilleur restaurant d'aéroport - «par un jury anglo-saxon», s'enorgueillit-il - le propriétaire du Grand Véfour signe la carte du French Taste, un bistrot qui vient de s'installer dans une zone de correspondance du Terminal 2E, en lieu et place d'une... sandwicherie.

Poulet rôti, steak tartare, crème brûlée, le tout servi par un personnel formé au restaurant parisien du Grand Véfour dans un décor de brasserie néoclassique inspiré de l'univers du Palais-Royal: son enseigne, exploitée par le groupe Elior, se veut une ode à la capitale et à la gastronomie hexagonale. Avec un premier menu autour de 25 euros, comme au Teppan.

«Aujourd'hui, Roissy n'a plus à rougir de la restauration qui est proposée. De plus en plus, on y trouvera une offre à la carte, comme dans les grandes villes», prédit celui qui projette d'ouvrir une troisième adresse, à Orly cette fois. «Les aéroports sont désormais des lieux de vie, un nouveau continent où il est très important d'être présent pour les chefs», ajoute Guy Martin.

Pour Paris Aéroport, qui ambitionne de recenser huit chefs étoilés sur ses plateformes à l'horizon 2020, cette «montée en gamme gastronomique» initiée en 2012 constitue un «enjeu fort».

Premier d'entre eux: «Faire préférer Paris aux passagers en correspondance qui doivent choisir entre plusieurs hubs», souligne Mathieu Daubert, directeur clients, qui évoque aussi un «enjeu d'image et d'incarnation des richesses de la France et de Paris» et d'une certaine «magie parisienne».

L'objectif de ce saut qualitatif, également initié sur les créneaux de la beauté et du prêt-à-porter, est aussi d'encourager les voyageurs à ouvrir plus grand leur porte-monnaie. Le record en la matière est détenu par un passager russe, avec une note de 12 000 euros (18 000 $).