Ils ont voyagé ou vécu en Thaïlande et sont tombés éperdument amoureux de sa cuisine relevée et aromatique. Aujourd'hui, Jesse Mulder tient le comptoir à cari Épicerie Pumpui et Jevto Bond donne des ateliers de cuisine thaïlandaise.... histoire de faire partager leur passion, sans (trop) de compromis.

Les Québécois voyagent. Ils expérimentent les cuisines du monde. Et lorsqu'ils rentrent au pays, certains aventuriers veulent retrouver les plats plus exotiques qu'ils ont goûtés « là-bas ». Par chance, en ce qui concerne la Thaïlande, c'est possible et c'est surtout grâce à des mordus (non thaïlandais) comme Jesse Mulder, de l'Épicerie Pumpui, et le Suédois-Croate Jevto Bond.

« Je sais que je fais bien les choses quand les Thaïlandais reviennent manger chez nous, raconte Jesse, cuistot autodidacte. J'ai une cliente originaire de Bangkok qui passe trois fois par semaine, puis une famille de Malais [la Malaisie partage une frontière avec la Thaïlande], que j'ai servie à plusieurs reprises déjà. »

Selon lui, on vit un « renouveau » de la restauration thaïlandaise. Dans les grands centres gastronomiques du monde, comme New York, Londres et même Bangkok, ce sont très souvent des Occidentaux qui pratiquent ce qu'on appelle la « modern thai cuisine ». Des restaurants comme Pok Pok (Portland, en Oregon, et New York), Som Saa, Kiln et Smoking Goat (tous à Londres), ou bien le premier étoilé Michelin en Thaïlande, Nahm (Bangkok), osent proposer autre chose que les attendus pad thaï et cari vert.

Ces établissements ont compris que les papilles falangs (de descendance européenne) sont plus curieuses de nos jours. Ils proposent donc des plats « exotiques » comme des poissons entiers, de la chèvre, de la joue de boeuf en curry, des cornichons de pastèque, etc.

Chez Pumpui, Jesse Mulder use tout de même de prudence. Certes, il aimerait bien un jour servir des escargots à la thaïlandaise ou du poisson saumuré, mais il s'assure d'abord de gagner la confiance des Montréalais.

On trouve donc des caris de toutes les couleurs et du pad thaï au menu de l'Épicerie Pumpui, mais aussi de la barbotte frite (voir la recette dans l'onglet 4), de la soupe aux boulettes de poisson et un cari birman au flanc de porc, entre autres. « On deviendra de plus en plus aventureux », assure le pourfendeur de clichés.

L'Albertain d'origine a fait plusieurs longs voyages en Thaïlande. Il a même vécu à Bangkok pendant quelques années. La première fois qu'il a mis les pieds dans l'ancien royaume de Siam, c'était en 2003. En route pour l'Australie, il avait prévu une petite escale en Asie. Finalement, il est resté plusieurs mois en Thaïlande.

« J'ai été soufflé par l'expérience sensorielle de l'Asie, et de la Thaïlande en particulier. Puis, la cuisine m'a complètement captivé. Je me rappelle une soupe aux têtes de poisson dans un cari jaune [kaeng luang], mangée dans l'île de Koh Jum. C'était presque psychédélique comme expérience, tellement c'était épicé. »

Ce premier voyage a donné le ton aux années subséquentes : il passait six mois à travailler en Alberta, puis six mois en Thaïlande, à apprendre la langue, la culture, les manières, etc. Il s'est fait des amis thaïlandais et a eu la chance de passer du temps dans les cuisines de leurs mères et grands-mères. Le curieux a ensuite poursuivi son apprentissage par observation. « Je trouvais des restaurants que j'aimais, surtout de la cuisine de rue, je m'installais, puis je regardais les gens travailler. »

En 2015, Jesse a fait un stage de quelques semaines chez Nahm, un très chic restaurant de Bangkok, tenu par l'Australien David Thompson, auteur de plusieurs bibles sur la cuisine thaïlandaise.

Mais revenons un peu en arrière. C'est en 2011 que, fauché et sans emploi, le nomade a fini par s'établir à Montréal, où sa soeur habitait déjà. Peu de temps après, il a commencé le service de livraison à domicile Chak Wow, avec grand succès. Chaque semaine, il proposait un menu de quatre ou cinq plats et salades, le tout livré à vélo, comme l'avait fait Coq Asian, avec ses divins banh mi (sandwiches vietnamiens), le temps d'un été (2012).

Pour initiés d'abord, Chak Wow a fini par sortir de la cuisine de Jesse pour occuper celles des restaurants Sparrow et Bethlehem XXX, façon popup.

Quand le temps est venu de trouver une vraie maison pour sa cuisine thaïlandaise, l'as du wok n'a pas eu de mal à trouver des partenaires. Jesse Massumi et Xavier Cloutier souhaitaient ouvrir une épicerie. Finalement, ils se sont retrouvés aux commandes d'un mini-marché thaïlandais avec quelques banquettes, un comptoir de currys et de la bière pour emporter ! C'est ainsi que Chak Wow (traduction libre : « se pogner le beigne » !) est devenu Pumpui (grassouillet) en novembre dernier.

Le Suédois-Croate mordu de cuisine thaïlandaise

En parallèle, pendant la même période, Jevto Bond développait son service de cours de cuisine et de chef thaïlandais à domicile.

Il n'y avait pas beaucoup de restaurants thaïlandais dans la Suède des années 60-70. C'est donc à Paris que Jevto Bond (Jevto Dedijer sur son certificat de naissance !) a mangé son premier curry. Il n'en est jamais revenu.

Au fil des années, le Suédois-Croate a multiplié les séjours en Thaïlande, suivi quelques cours (au Blue Elephant de Bangkok, par exemple), observé les cuisiniers et les cuisinières de rue pour se perfectionner. « Je suis très focus, dans la vie. Quand je m'intéresse à quelque chose, j'y vais à fond », explique celui qui travaille comme consultant en stratégie de marque.

Dans ses vies antérieures, Jevto a dirigé un hôtel dans la Ville lumière, fait partie de l'équipe de direction d'IKEA France et écrit un livre sur le base-jumping (2004), étant lui-même un ancien adepte du saut extrême.

C'est à Québec, en 2006, qu'il a fondé sa première petite école de cuisine thaïlandaise. Montréal bénéficie de sa vaste connaissance en la matière depuis cinq ans. Il donne ses cours à la conviviale Centrale culinaire et offre également ses services de chef à domicile.

Pour cuisinier maison, le site jevtobond.com est une abondante ressource permettant, certes, de se tenir au courant des activités du chef, mais aussi de trouver des recettes, de connaître les principaux ingrédients de la cuisine thaïlandaise, les meilleures marques de pâtes de curry, de lait de coco, de sauce au poisson, etc. Et de savoir où les trouver à Montréal.

Dans sa plus récente entrée de blogue, Jevto recense les restaurants thaïlandais de Montréal. Des 13 tables visitées, quatre sont recommandables, dont Pumpui, naturellement ! La « brasserie thaïe » Pamika, le chic Pick Thaï et le convivial Une nuit à Bangkok - avec son camion Tuktuk -, passent également le test. La cuisine de la sous-chef de l'Auberge Saint-Gabriel, Nongyao Truadmakkha, est saluée au passage. La jeune femme signe la carte du midi de ce beau restaurant aux murs de pierre du Vieux-Montréal.

Il n'y a pas à dire, la cuisine thaïlandaise est en pleine cure de rajeunissement.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Le menu de l'Épicerie Pumpui propose des caris de toutes les couleurs, du pad thaï, de la soupe aux boulettes de poisson, de la barbotte frite (ci-dessus) et d'autres délices thaïlandais.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Jesse Mulder, chef de l'Épicerie Pumpui, connaît bien la Thaïlande, pour y avoir vécu pendant quelques années, en plus d'y avoir fait plusieurs longs voyages.

Darnes de poisson-chat au curry rouge (pad phet pla-dook tord grob)

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Pour 2 à 4 personnes, selon ce qu'il y a sur la table

Cette recette entre dans la catégorie des currys frits.

INGRÉDIENTS

4 darnes (environ 500 g) de poisson-chat de 2,5 cm d'épaisseur (chercher du « basa » surgelé à l'épicerie asiatique ou, mieux encore, utiliser de la barbotte québécoise, en saison)

3 c. à soupe de pâte de curry rouge

Quantité suffisante d'huile végétale, pour la friture

2 c. à soupe d'huile végétale, de gras de porc ou de poulet

1 1/2 c. à thé de sucre blanc

1 c. à soupe de sauce au poisson

1 c. à soupe de sauce aux huîtres

200 ml de bouillon de poulet sans sodium ou d'eau

1 piment de cayenne tranché sur le biais en 6-7 tranches

De 2 à 3 tiges de poivre vert, frais ou saumuré

1 c. à soupe de krachai (gingembre sauvage) en juliennes, frais ou saumuré

De 4 à 5 feuilles de lime kaffir (makrut)

De 20 à 25 feuilles de basilic thaï

PRÉPARATION

1. Mettre de côté cinq feuilles de basilic et une feuille de lime kaffir.

2. Éponger les darnes de poisson avec du papier absorbant. Les déshydrater un peu dans un four à très basse température (100-120 ℉) ou dans un déshydrateur, pendant 2 à 3 heures, pour retirer un maximum d'eau.

3. Dans une friteuse ou un petit chaudron, faire chauffer l'huile à 350 ℉. Y frire les darnes pendant 12 à 15 minutes, en les tournant quelques fois. Retirer le poisson de l'huile et le poser dans une assiette ou une plaque avec du papier absorbant. Les darnes seront très cuites et c'est voulu, pour éviter qu'elles ne se défassent dans la sauce.

4. Tandis que l'huile est encore chaude, ajouter les 5 feuilles de basilic thaï et frire pendant une dizaine de minutes.

5. Faire chauffer 2 c. à soupe d'huile (ou de gras) dans une grande poêle ou un wok, à feu moyen. Ajouter la pâte de curry, les tiges de poivre vert et les piments et agiter brièvement.

6. Ajouter le bouillon (ou l'eau), la sauce au poisson, la sauce aux huîtres et le sucre puis amener à ébullition. Ajouter les darnes et agiter doucement pour recouvrir le poisson de sauce. Mijoter plutôt que bouillir. La sauce épaissira tandis qu'elle réduit et que le poisson l'absorbe. Ajouter un peu de bouillon ou d'eau si c'est trop sec.

7. Ajouter le krachai et les feuilles de lime. Badigeonner le poisson encore un peu. Le liquide devrait avoir réduit de moitié et le poisson sera bien enduit de sauce rouge.

8. Retirer du feu. Ajouter les feuilles de basilic fraîches et verser dans une assiette creuse. Faire une chiffonnade avec la dernière feuille de lime. Garnir le poisson avec les feuilles de basilic frites et la chiffonnade. Servir avec un gros bol de riz au jasmin.

Photo PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE , La Presse

Darnes de poisson-chat au curry rouge (pad phet pla-dook tord grob)

Sauté de gloire du matin (pad pak boong)

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Pour 4 en accompagnement ou pour une personne affamée

INGRÉDIENTS

3 c. à soupe d'huile végétale, de gras de porc ou de poulet

200 g de gloire du matin (ong choy vert dans les épiceries asiatiques), feuilles entières et tiges coupées en tronçons de 10 cm

2 c. à soupe de sauce aux huîtres (Jesse Mulder utilise les marques Pantainorasingh ou Mae Krua)

1 c. à soupe de sauce au poisson (marque Tiparos)

1 c. à thé de pâte de soya jaune fermentée (marque Pantainorasingh)

1 c. à thé de sucre blanc

1/4 de tasse de bouillon de poulet ou d'eau

De 2 à 3 gousses d'ail, bien écrasées

De 2 à 3 piments thaïs bien écrasés

PRÉPARATION

1. Mélanger la sauce aux huîtres, la pâte de soya, la sauce au poisson et le sucre jusqu'à ce que ce dernier soit dissous.

2. Faire chauffer une grande poêle ou un wok à température élevée. Lorsqu'elle est brûlante, ajouter l'huile (ou le gras) et bien enduire la poêle en tournoyant. Ajouter l'ail et les piments puis les faire sauter jusqu'à légère coloration (quelques secondes). Attention aux vapeurs qui montent de la poêle. Elles font l'effet d'un gaz poivré !

3. Ajouter la gloire du matin et agiter dans la poêle pendant 10 à 20 secondes. Si l'ail semble sur le point de brûler, ajouter un peu d'eau ou de bouillon.

4. Ajouter le mélange de sauce aux huîtres et sauter pendant encore 15 à 20 secondes. Verser le bouillon (ou l'eau) puis faire cuire pendant 45 à 60 secondes, en agitant la poêle sans arrêt.

5. Si le plat semble sec, ajouter encore un peu de bouillon ou d'eau. Servir immédiatement, avec du riz au jasmin.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE

Sauté de gloire du matin (pad pak boong)