Il fallait oser. Ils l'ont fait. Trois Français viennent d'ouvrir à Paris un restaurant entièrement consacré à la poutine.

Ouverte fin novembre, à deux pas des Halles, dans le 2e arrondissement, la Maison de la poutine semble déjà victime de son succès. On fait la file pour y entrer, et il faut partager sa table parce qu'à l'intérieur, ça déborde.

Les clients - pour la plupart de jeunes Français - ne semblent pas s'en offusquer. La perspective de goûter pour la première fois à notre plat national les rend plutôt de bonne humeur. Certains en ont déjà tâté lors d'un voyage au Québec. D'autres sont venus par curiosité, après avoir été invités par un ami ou alertés par les médias sociaux. Car la nouvelle s'est propagée comme une traînée de poudre sur le Net, après que les sites spécialisés Topito et Konbini en ont parlé.

«J'ai vu sur Facebook. Ça avait l'air sympa», résume Frank, en attendant patiemment pour une table.

Seulement de la poutine

Ce n'est pas la première fois qu'un établissement parisien propose le plat national des Québécois. The Moose et Great Canadian ont déjà tenté l'expérience. Mais la différence ici, c'est qu'on fait exclusivement de la poutine, en six variétés s'il vous plaît.

Drôle d'idée? En effet. Mais Guillaume Natas est convaincu d'avoir trouvé le bon créneau. Car au pays de la haute gastronomie, la poutine du Québec est encore «un plat très méconnu», lance cet ancien crack en informatique, reconverti en entrepreneur.

Séduits par le côté convivial de la chose, Guillaume, Erwan Karadec et son partenaire Florent Steiner ont décidé de se lancer dans l'aventure. En mai dernier, les trois compères sont allés au Québec pour se familiariser avec la poutine, allant même jusqu'à tester celle du Roy Jucep de Drummondville, réputée pour être la mère de toutes les poutines. «J'ai pris huit kilos!», lance Guillaume.

Soyez rassurés. Pour Français qu'ils soient, nos trois lascars n'ont pas cherché à réinventer la roue. 

Leur restaurant propose une poutine de base qui rassurera tout Québécois en manque de repère, si ce n'est pour le persil et la fleur de sel qu'on y rajoute en petite quantité. Pour les autres, il y a aussi l'option polenta, volaille, moutarde et oignons caramélisés ou végétarienne, choix somme toute peu surprenants, considérant les multiples variétés qu'on trouve aussi chez nous.

«Ce qu'il y a de plus français, finalement, c'est que notre fromage est au lait cru», lance Guillaume, fier de son coup.

«Le fromage ne fait même pas couic-couic»

Dans le resto, les avis semblent partagés.

Une vieille dame, visiblement mécontente, quitte en maugréant. «Ce n'est pas aussi bon que là-bas. Le fromage ne fait même pas couic-couic» lance-t-elle au caissier.

Plus loin, Abdessalam ne semble pas plus convaincu. «Sympa, mais un peu copieux, dit-il. Je ne sais pas si je reviendrais tous les jours.»

D'autres, en revanche, semblent tout à fait charmés. «C'est comme dans mon souvenir», lance Vincent, alors que Dan se dit séduit par la touche française. «Ils rajoutent des petites choses sophistiquées, j'aime», dit-il.

Vu l'enthousiasme relatif des commentaires, on peut se demander si le concept est viable. 

Au-delà du buzz inaugural, la Maison de la poutine à Paris devra en effet prouver qu'elle est plus que la saveur du mois, dans une ville où un restaurant ouvre chaque minute.

Mais Guillaume Natas, lui, semble sûr de son «produit». Si les restaurants à burgers marchent, alors pourquoi pas son comptoir à poutine, avec son option pour emporter et, surtout, son exotisme bûcheron?

«Ici, il y a un appétit pour ce genre de choses. Je suis certain que les Parisiens vont l'apprécier tel quel, dit-il. C'est un produit qu'on a rendu gastronomique à sa façon. Après, ça reste un produit très gras. On n'est pas du tout dans le bio, ça, c'est clair.»

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

On fait la file pour aller manger à la Maison de la poutine de Paris.