Christian Paturel est «téteux». Ce n'est pas une insulte, c'est lui-même qui le dit. Et qui le répète, encore et encore. Si bien qu'on finit par le croire sur parole. Et à se fier aux marchands spécialisés, comme Yannick Achim, de Yannick Fromagerie, qui le décrit comme «extrêmement méticuleux». «Je suis vraiment hyper téteux, depuis le début, insiste le créateur de la fromagerie La Tête sur le bio. Dans la moindre virgule, le chiffre après le point, même les inspecteurs du MAPAQ me disent des fois que je suis sévère.»

Il faut dire que Christian Paturel a d'abord étudié la biologie à l'Université Laval avant d'enfiler le tablier de fromager, à la veille de ses 50 ans: «Je comprends très bien tous les pièges qui existent question bactérie, toutes les subtilités de la microbiologie, je sais très bien que ce n'est pas parce que cela a l'air propre que c'est propre.»

En contrôlant si bien son environnement, Christian Paturel a réussi à produire, dès ses débuts à l'été 2013, des fromages d'une constance et d'une maîtrise remarquables pour un novice: l'Affine bouche, une pâte ferme à croûte lavée affinée 120 jours et plus; le Coq de l'Anse, une pâte ferme à croûte lavée affinée avec des herbes salées du Bas-du-Fleuve 120 jours et plus; et la Lune de miel, une pâte demi-ferme à croûte lavée affinée à l'hydromel pendant 60 jours. Tous sont faits du lait d'une même ferme, voisine, biologique de surcroît. Un choix guidé «par mes convictions et pour me distinguer», dit-il. 

À celui de «téteux», on a donc envie d'ajouter l'adjectif «entêté». Il fallait l'être pour tenir bon, après ce premier été d'enfer où « toutes les machines ont pété, et quand je dis toutes, c'est toutes ».

«Je travaillais plus de 100 heures par semaine et si j'ai survécu, c'est grâce à mes filles qui m'ont donné un coup de main extraordinaire.»

Ses filles reviennent d'ailleurs l'aider encore régulièrement.

Le sourire aux lèvres

Maintenant, ce sont de nouveaux défis qui l'attendent. Il transforme 100 000 litres de lait («Wow! C'est énorme!», s'exclame-t-il en faisant le calcul pour nous) et ne fournit plus à la demande. Il y a les touristes qui s'arrêtent à Sainte-Luce-sur-Mer, les habitués du coin, la distribution dans le reste du Québec qui se fait de plus en plus importante. «La seule chose que je demande, pour l'avenir, c'est de pouvoir prendre deux jours de congé par semaine. Pour le reste, je veux continuer à faire des fromages et que les gens soient contents. Un dimanche, au marché public, une dame m'a dit: "Vous rendez la vie plus agréable avec vos bons fromages." Calvasse, qu'est-ce que tu veux de plus?»

Peut-être une chose encore: reproduire le chevalier Mailloux, l'un des premiers fromages au lait cru produits au Québec à la fin des années 90. «C'était le meilleur fromage canadien à l'époque et ça le serait encore probablement aujourd'hui. Si je pouvais le reproduire, je pourrais mourir le sourire aux lèvres.»

Téteux, entêté et un brin ambitieux, M. Paturel? On suivra avec attention les prochains fromages de la Tête sur le bio, qui devraient voir le jour dans les prochains mois.

PHOTO FOURNIE PAR LA TÊTE SUR LE BIO

La Tête sur le bio transforme 100 000 litres de lait annuellement et ne fournit plus à la demande.

Fondue à l'Affine bouche de la Tête sur le bio

Pour 2 personnes

Ingrédients

450 g d'Affine bouche

1 gousse d'ail écrasée

15 ml d'alcool de kirsch, de gin ou de cidre de glace, au choix

75 ml de bière blanche

Pain, cubes de courge cuite, légumes de saison, pour tremper

Préparation

1. Frotter le fond d'un caquelon avec l'ail écrasé. «Cela donne du goût et cela empêche le fromage de coller», assure Max Dubois. Verser la bière, chauffer sans faire bouillir.

2. Couper le fromage en cubes. «S'il est râpé, il fondra trop vite, et c'est là qu'on a des problèmes, que la fondue se sépare», dit Max Dubois. Chauffer doucement. Poivrer. Ajouter, en toute fin de cuisson, 15 ml d'alcool fort au choix. Servir immédiatement avec des morceaux de légumes de saison et des croûtons de pain frottés avec de l'ail, de la tomate ou un poivron rouge.

Photo Martin Chamberland, La Presse