La ferme des Broussailles fait partie d'un club ultra sélect dont les membres se comptent presque sur les doigts d'une seule main au Québec. Ici, on ose fabriquer un fromage au lait cru, une espèce en déclin depuis la crise de la listériose en 2008.

Pour une première expérience en fromagerie, Jean-François Clerson et Julie Labrecque n'ont certainement pas choisi le chemin le plus facile, un chemin que plusieurs ont abandonné avant eux. «On savait à quoi on se frottait», dit Julie Labrecque, d'un ton qui indique que c'était cela... ou rien.

C'est que Julie Labrecque et son mari défendent avec conviction les vertus de l'agriculture biodynamique, dont ils ont appris les rudiments, puis le menu détail, lors d'un séjour de près de 10 ans en Suisse. Ils sont revenus au Québec en 2014; leurs premiers fromages étaient sur les tablettes en 2015. «On voulait un produit biologique et écologique - même s'il n'y a pas de label pour cela -, et le fromage au lait cru l'est bien plus parce qu'on n'a pas besoin de pasteurisation, une étape qui implique de réchauffer et refroidir le lait rapidement, ce qui requiert beaucoup d'énergie et une machine [le pasteurisateur] dont on peut se passer», explique Julie Labrecque.

Mais si les exigences du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), souvent qualifiées d'exagérées par des artisans, n'ont pas freiné leurs ardeurs, elles ont certes influencé grandement leur production. C'est pour cela qu'ils ont opté pour un fromage vieilli plus de 60 jours - les normes sont alors plus faciles à respecter, dit Julie Labrecque - alors que plusieurs fromagers préfèrent débuter par des pâtes fraîches qui offrent plus rapidement un rendement du capital investi.

Le choix du cru oblige en outre le couple à transformer tous les deux jours son lait - contre une fois ou deux par semaine s'il était pasteurisé -, ce qui lui laisse bien peu de répit.

Les trois adolescents de la famille mettent la main à la pâte, et tout ce beau monde reçoit régulièrement l'aide d'un «woofer», un touriste de passage qui travaille à la ferme en échange d'un toit et de repas. Reste que les vacances sont rares, sinon inexistantes.

La ferme a donc choisi, pour le moment, de s'en tenir à un seul produit, offert nature ou aromatisé aux herbes cultivées, il va de soi, sur place, avec le lait des chèvres élevées, il va aussi de soi, sur place.

Au consommateur de s'adapter

La Tomme des Broussailles n'est pas le fromage le plus constant sur le marché. Il varie selon les saisons, sa chair est parfois plus ferme ou plus crémeuse, et son goût est plus ou moins prononcé. «Des marchands voudraient bien qu'on standardise notre fromage, mais pour nous, cela fait partie de l'éducation qu'il y a à faire auprès du public. C'est au consommateur de s'adapter à la nature, pas l'inverse. Notre fromage n'est pas toujours pareil parce que le lait n'est pas le même en été et en hiver. Et on ne donne pas d'hormones à nos chèvres pour qu'elles produisent à longueur d'année.»

N'empêche que le produit séduit malgré tout: toutes les meules produites à la ferme trouvent désormais preneur, distribuées dans toutes les grandes fromageries de Montréal et les marchés publics des Cantons-de-l'Est. 

Informations et points de vente: https://fermelesbroussailles.com/

Photo Martin Chamberland, La Presse

La Tomme des Broussailles est un fromage de chèvre au lait cru.

Tartines d'automne à la Tomme de la ferme des Broussailles

Cuisiner les fromages est un art dans lequel Max Dubois, propriétaire de l'Échoppe des fromages, à Saint-Lambert, excelle. Nous l'avons mis au défi de préparer des recettes rendant hommage aux fromages produits par les trois fromagers de notre dossier.

Pour 2 tartines

Ingrédients

2 poires Anjou, bien mûres, l'une coupée en dés, l'autre en tranches

Une vingtaine de cerises de terre 

1 branche de romarin

Quelques tranches de coppa

150 g de Tomme des Broussailles

1 c. à soupe de sucre d'érable

2 tranches de pain de campagne

Jeunes pousses

Préparation

1. Cuire, avec du beurre, les cerises de terre et la poire coupée en dés, le romarin et le sucre d'érable dans une petite casserole. Laisser compoter quelques minutes. Retirer du feu.

2. Griller les tranches de pain. Déposer, sur chacune, des tranches de coppa, puis des tranches de poire, puis de fromage. Recommencer. Griller pour faire fondre le fromage.

3. Terminer avec un peu de compote de poires et cerises de terre, quelques éclats de sucre d'érable et des jeunes pousses.

Photo Martin Chamberland, La Presse