« Un voisin proche vaut mieux qu'un frère éloigné », dit l'adage. En dépit des chicanes de clôture, les histoires de bon voisinage sont, heureusement, nombreuses. De ces relations de proximité naissent même souvent des amitiés durables. La Presse vous fait le récit de trois voisinages particulièrement amicaux.

De «compagnons d'infortune» à camping «en gang»

C'est sur la petite terrasse extérieure du logement de Steve Côté et d'Andréane Martel que l'on retrouve, sous l'escalier en colimaçon, trois des quatre copropriétaires de cet immeuble construit il y a une douzaine d'années dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

Mélanie Ouellette a été la première à s'installer dans l'immeuble, au premier étage. Un mois plus tard, Marc-André Descôteaux a suivi, un étage plus haut. Steve, Andréane et leurs deux garçons - Jérémi et Émile - ont fait l'achat du rez-de-chaussée deux ans plus tard.

Rien ne laissait croire que ces copropriétaires, qui ont tous grandi à l'extérieur de Montréal - Granby, Québec, Saint-Célestin et Saint-Jérôme -, deviendraient des amis proches et s'enverraient des textos au moins une fois par jour.

Jérémi, 11 ans, est le sommelier désigné de cette joyeuse bande de voisins, qui casse la croûte ensemble « trois ou quatre fois par semaine ». Sans parler des 5 à 7... Une fois les coupes bien remplies, le récit de leur amitié peut commencer.

Ils ont d'abord appris à se connaître en tant que membres de leur association de copropriétaires. Mais il n'était pas encore question d'amitié. Des « Bonjour » et des « Bonsoir », sans plus, nous disent les voisins, bruschetta en main. En fait, il a fallu attendre près de sept ans pour que la mayonnaise prenne.

En 2012, des pluies diluviennes ont inondé le logement de Steve et d'Andréane. Mélanie, qui vit seule à l'étage du dessus, leur a offert son aide.

« On lui a demandé de nous apporter toutes les serviettes qu'elle pouvait et de prendre les garçons avec elle, raconte Steve Côté. Elle a tout de suite accepté. À partir de ce moment-là, on s'est rapprochés de Mélanie. » L'hiver suivant, c'est en déneigeant le stationnement de l'immeuble que les liens entre ces voisins se sont renforcés.

« C'est un déneigeur qui a complètement recouvert le stationnement avant de se sauver, se rappelle Steve. On a pelleté la neige ensemble pendant au moins deux jours et on a commencé à se parler pas mal plus. » « Le fait d'être copropriétaire fait aussi en sorte qu'au quotidien, on a intérêt à avoir de bonnes relations », croit Andréane.

En 2015, des travaux importants (et imprévus) sur le bâtiment scellent l'amitié de ces voisins qui ont plus en commun qu'il n'y paraît. « On parle de trois mois de travaux au cours desquels on s'est parlé quotidiennement, nous dit encore Steve. Il a fallu gérer la situation ensemble. » « Nous étions des compagnons d'infortune », précise Marc-André, l'aîné du groupe.

APRÈS LES TRAVAUX, LES SOUPERS

Un verre de vin, puis deux et trois ont mené à un souper, puis deux et trois... « Depuis ce moment-là, ça n'a jamais arrêté », nous disent ces amis de tous les jours.

Andréane est celle qui cuisine le plus souvent. Mélanie ou Marc-André ramènent parfois les garçons de l'école. Steve et Marc-André courent ensemble trois ou quatre fois par semaine. Sans compter les sorties « crème glacée » ou les week-ends de camping « en gang ». « L'hiver, on se voit un peu moins, reconnaît Steve, mais on se voit quand même. Souper de Noël, soirée Super Bowl... Plus récemment, on a regardé ensemble la finale de la Coupe du monde [de soccer]. »

Bref, on est ici en famille avec ces Montréalais âgés de 37 à 42 ans, qui jurent n'avoir jamais eu entre eux de « chicane » et qui ont les clés de leurs logements respectifs. « Quand on est partis, nos voisins sont notre système d'alarme », note Steve.

« Récemment, on a pensé déménager sur la Rive-Sud, ajoute-t-il, parce que les garçons voulaient avoir leur propre chambre, donc on s'est dit qu'il valait mieux acheter une maison plus grande, mais c'est eux qui nous ont dit : "Mais là, si on fait ça, on va perdre Mélanie et Marc-André !" Donc, on a trouvé une façon de réaménager l'espace et on va rester. On ne trouvera pas de meilleurs voisins ni de meilleurs amis », insiste le père des deux gamins.

POTAGER VERTICAL

Dernier projet commun du groupe : un potager sur trois étages. Concombres, tomates, poivrons, melons d'eau, cerises de terre, fines herbes, tout y pousse parfaitement à la verticale.

« C'est du donnant-donnant. Chacun participe et ramasse la facture. Ce n'est pas une amitié à sens unique. »

- Andréane Martel

Même les garçons ont leurs tâches - ils lavent les escaliers et coupent le gazon. « Quand on lave les escaliers de Mélanie, elle nous offre une glace et quand on fait ceux de Marc-André, on a droit à une heure de jeu vidéo », nous révèle fièrement Jérémi.

« Je pense que la clé, c'est qu'on respecte les limites de chacun, précise Andréane. Parfois, j'ai envie de me coucher tôt, je le dis, il n'y a pas de gêne. Il n'y a pas d'obligations. Je ne vais pas tout le temps jouer à l'hôtesse non plus. Si tu veux un verre de vin, tu sais où le trouver ! C'est une vraie amitié », nous dit-elle, en insistant sur le fait que personne n'abuse de la gentillesse de l'autre. C'est aussi un superbe « réseau d'entraide », croit-elle.

Leurs amis respectifs se joignent parfois à eux. La soeur de Mélanie s'est déjà jointe au groupe dans une sortie de camping, des amis de Steve et d'Andréane ou de Marc-André les rejoignent aussi à l'occasion pour un souper. « C'est assez inclusif, nous dit Steve. Finalement, nos amis s'entendent bien avec Mélanie et Marc-André. On ne peut pas dire que nos familles et nos amis voisinent avec nous, mais quand il y a une occasion de se mélanger, on le fait. »

«Qui se ressemble s'assemble»

Evelyne Vincent et Sylvain Lamothe ont emménagé dans cette maison jumelée de Chambly avec leurs deux enfants, il y a environ huit ans. Six mois plus tard, Karine Lehoux s'est installée à la porte d'à côté. À une maison d'eux, on trouve Mercedes Cholette, qui s'y trouve avec ses trois enfants en garde partagée et sa nouvelle conjointe Joanick. Au fil des ans, ces voisins trentenaires sont devenus des amis et des confidents.

D'ABORD DE L'ENTRAIDE

Tout a commencé par une histoire de « pelletage ». Sylvain pelletait sa neige derrière, pour ne pas faire de monticule chez sa voisine. Mais un jour, Karine lui dit qu'il pouvait pousser sa neige sur son terrain. L'été, les filles ont commencé à placoter en faisant du jardinage. Des services ont suivi : problème de tondeuse, bonbonne de gaz propane impossible à dévisser, pénurie de sucre, de terre... Du bon voisinage, quoi.

« Un jour, on s'est invités à prendre une bière. Au fil du temps, le lien de confiance s'est établi. »

- Sylvain Lamothe

PUIS, VINRENT LES ENFANTS

On a beau dire, les enfants sont parfois la raison d'être (pour le meilleur ou pour le pire) de certaines amitiés parentales. Pour Mercedes, ç'a été pour le meilleur. Ses enfants ont sympathisé avec ceux d'Evelyne et de Sylvain. Derreck et Rémi, tous deux âgés de 8 ans, sont rapidement devenus amis. Du coup, Mercedes s'est rapprochée de ses voisins, d'Evelyne en particulier, souvent seule vu les absences de Sylvain, musicien de métier, avec qui elle « vit la même réalité ». Il faut dire qu'on parle de gens qui sont naturellement sociables et qui déplorent par exemple la hauteur des clôtures, obstacle aux échanges !

LA FÊTE DES VOISINS

Il y a quatre ans, Evelyne et Karine ont organisé une fête des voisins. Distribué des tracts, fermé la rue, organisé la journée, cuisiné les hot-dogs. « Ça nous a donné l'occasion de parler à des voisins qui habitent notre rue, mais à qui on ne parle jamais », nous dit Karine. L'événement a donné de l'impulsion à cette amitié naissante, d'autant plus que les familles de chacun d'entre eux habitent loin. Un événement a tout de même marqué la fête : un voisin frustré de ne pas pouvoir garer sa voiture dans sa rue a appelé la police... Décidément, les rabat-joie sont partout...

SOUTIEN PERSONNEL

Les services rendus de part et d'autre se sont multipliés. Karine se rappelle même avoir appelé Evelyne pour qu'elle éteigne sa mijoteuse parce qu'elle était coincée dans la circulation. Mais ces voisins sont aussi devenus des confidents. Quand Mercedes s'est séparée, ses voisins étaient là pour elle. Idem pour Karine, qui a apprécié « l'avis masculin » de Sylvain. 

« Le jour de l'anniversaire du décès de mon père, une chance qu'ils étaient là. Ils ont insisté pour que je prenne un verre avec eux. »

- Karine Lehoux

Evelyne, qui se retrouve seule lorsque Sylvain est en tournée, a aussi apprécié la présence de ses voisines lorsqu'elle a changé d'emploi, une étape difficile.

AMITIÉ DURABLE

Comment expliquent-ils le succès de cette amitié ? « Je pense que c'est une question de respect, nous dit Mercedes. Personne n'est envahissant, on respecte l'espace de chacun, il n'y a aucune obligation, mais on s'est quand même rapprochés. On n'est plus juste des voisins... » Sylvain, le confident du groupe de filles, croit qu'il y a d'abord une question d'affinités. « Qui se ressemble s'assemble, rappelle-t-il, je pense que c'est notre cas. » Aujourd'hui, ils font des activités communes. Fêtes d'anniversaire, randonnées, entraînements, camping... Quand ils peuvent, ils vont voir Sylvain jouer. « C'est une amitié simple et conviviale où personne n'impose sa présence », résume Karine.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Au fil des ans, ces voisins trentenaires de Chambly sont devenus des amis et des confidents.