Comme les parents qui ont besoin de décrocher du travail, les tout-petits doivent prendre congé de la garderie, disent les experts.

Un été pour soi, son couple et ses enfants

Pour plusieurs familles, les vacances estivales sont synonymes d'éclats de rire, de balançoires et de glissades, d'éclaboussures d'eau et de châteaux de sable. Pour d'autres, comme Pascale Lavoie, elles sont également synonymes de temps de repos en solo et en couple.

Cet été, Pascale Lavoie et Francis Nadeau profiteront de trois semaines de vacances en famille. Le reste de sa pause estivale, la mère du clan le passera à la maison, alors que ses garçons Sacha, 3 ans, et Raphaël, 6 ans, iront à la garderie et au camp de jour.

«En dehors de nos trois semaines où mon conjoint est lui aussi en congé, mes garçons ont toujours passé leur été à la garderie, raconte Pascale Lavoie, enseignante en deuxième année du primaire. C'est un milieu très stimulant pour des garçons actifs comme les miens!»

Un arrangement qui pourrait étonner de nombreux parents. «J'assume mon choix, affirme la maman. Je suis en classe avec de jeunes enfants toute l'année scolaire et je termine toujours épuisée. J'ai besoin de ce temps pour ma santé mentale, pour mon bien-être et celui de mon couple. Tout est une question d'équilibre.»

Son choix lui a toutefois déjà attiré quelques remarques désobligeantes de la part d'autres parents. «La grande majorité de mes collègues gardent leurs enfants tout l'été, note-t-elle. J'ai parfois eu des accrochages à ce sujet. On m'a même déjà demandé pourquoi j'avais fait des enfants si c'était pour les envoyer à la garderie. Ma vision est la suivante: avant d'être un parent, je suis une amoureuse et un individu. Si l'un de ces aspects ne va pas, rien d'autre ne peut fonctionner.»

Pause familiale

Peu importe la formule privilégiée, la plupart des parents reconnaissent l'importance d'avoir quelques semaines de répit annuelles en famille. «La clé des vacances, c'est de ralentir le rythme, ce qui entraîne une diminution du stress et un plus grand bien-être, souligne Sylvie Bourcier, intervenante en petite enfance et auteure aux Éditions du CHU Sainte-Justine. Les vacances consolident l'attachement entre le parent et l'enfant et le sentiment d'appartenance à sa famille.»

«Vivre des expériences variées avec ses enfants permet en outre de transmettre nos valeurs familiales dans d'autres contextes que le train-train quotidien.»

Les pauses estivales permettent également de se construire des souvenirs, souligne pour sa part le psychologue spécialisé en thérapie de couple François St Père. «Un parent qui accorde sa pleine attention à son enfant lui permet de voir qu'il est important dans sa vie. C'est excellent pour l'estime de soi et la confiance en soi de l'enfant. Et comme parent, on se sent mieux aussi. C'est également bon pour le couple: on voit son partenaire interagir positivement avec son enfant et cela suscite de l'admiration.»

Peu reposantes, les vacances avec de jeunes enfants sont une façon d'apprendre à les connaître sous un nouveau jour, observe Pascale Lavoie. «Elles nous permettent de faire des activités agréables ensemble, de voir nos enfants rire, interagir. On en profite pour se faire des confidences, pour développer des affinités.»

Du temps pour soi

Bien qu'elle apprécie les moments en famille, Pascale Lavoie ne pourrait concevoir ses étés sans avoir du temps de repos pour elle. «J'aime être efficace lorsque je fais mes courses, lorsque tout est prêt et que le frigo est plein pour le retour des enfants. Je me baigne, je fais des emplettes, je me fais faire un pédicure, je reçois des amis à la maison. Ça peut paraître égocentrique, mais j'ai besoin de ce temps pour revenir en force avec mes enfants, pour être une bonne mère, une bonne conjointe, un bon pilier pour la famille. C'est mon équilibre. Sinon, je serais épuisée, sans énergie.»

Tous les parents ne jouissent pas de vacances estivales prolongées comme celles des enseignants, mais pour une grande part d'entre eux, il est inconcevable de prendre des vacances sans enfants, qu'ils aient une, deux, quatre ou huit semaines de vacances estivales.

Ceux qui choisissent de prendre quelques jours pour eux pendant leurs semaines de vacances ne devraient pas culpabiliser, estime Nancy Doyon, éducatrice spécialisée et coach familiale. «Ils ont eux aussi besoin de se reposer de leur rythme de vie effréné. Et pendant les vacances familiales, inutile de remplir chacune des journées.»

«Il est également possible de se trouver des moments pour soi pendant que les enfants jouent librement.»

Préserver son couple

Chez les Nadeau-Lavoie, le souci d'entretenir la relation amoureuse se répercute tout au long de l'année. «Nous faisons garder les enfants une soirée toutes les deux semaines, raconte Pascale. Une année sur deux, nous partons en voyage pour la relâche. On parle de nos projets, de ce qu'on veut pour l'avenir. On évite ainsi d'accumuler des dossiers non réglés entre nous.»

«Le couple est souvent le grand sacrifié de nos vies remplies, souligne François St Père. Comme parents, on a été sensibilisés à l'importance de passer du temps avec nos enfants, de faire des activités, de les stimuler. Ce qui fait en sorte qu'il reste peu de temps pour le sport, pour voir les amis et à peu près plus de temps pour la relation amoureuse. Chaque semaine, je rencontre des gens qui sont sortis ensemble moins de trois fois dans une année. Le temps accordé à la détente dans le couple est pratiquement inexistant.»

Que les couples trouvent un moment pour se retrouver durant les vacances estivales ou à d'autres moments dans l'année, ce qui importe, c'est d'atteindre un équilibre, suggère le psychologue. «Lorsqu'on fait de la place à soi et à certains besoins spécifiques d'intimité et de vie de couple, on est mieux disposé et disponible pour les autres. Et on agit comme modèle pour nos enfants qui voient qu'on peut s'accorder du temps à l'occasion. Ceux-ci risquent de reproduire cette habitude dans leur vie d'adulte.»

Ces enfants qui n'ont pas de vacances

Bien que minoritaires, les tout-petits qui fréquentent les services de garde à temps plein les 52 semaines de l'année seraient de plus en plus nombreux. Une situation que déplorent les professionnelles qui prennent soin d'eux.

Sylvie Bourcier se souvient encore d'un petit garçon très bien adapté à sa garderie qui s'est soudainement mis à avoir des conflits de territoire, à développer une intolérance aux autres et à s'isoler. «On s'est aperçu qu'en plus de faire de longues journées, cela faisait un an et demi qu'il n'avait pas eu de vacances de garderie», raconte l'intervenante en petite enfance.

Certains parents n'ont pas le choix de laisser leur enfant tout l'été à la garderie. C'est le cas de parents malades, aux études, qui changent d'emploi ou qui sont travailleurs autonomes, par exemple. D'autres parents rapportent faire ce choix parce qu'ils croient que les enfants s'y amusent mieux qu'à la maison, parce qu'ils ne savent pas quoi faire avec eux ou souhaitent mieux profiter eux-mêmes de leurs vacances.

«Ils ne se rendent pas toujours compte que la vie à la garderie, c'est amusant, mais pour les enfants, c'est un peu comme leur travail, affirme Mme Bourcier. Ils y vivent du stress. Il y a le bruit, l'horaire qui peut aller à l'encontre de leur rythme personnel, la vie de groupe qui nécessite de devoir constamment s'adapter, s'ajuster et freiner son impulsivité.»

Peu fréquent, mais inquiétant

Au centre de la petite enfance Le Sablier, à Montréal, les enfants qui n'ont pas pris de vacances de l'année représentaient 5 % en 2015 et 8 % en 2016. «Quand ça arrive, nous essayons de sensibiliser les parents à l'importance qu'ils aient eux aussi droit à une pause», indique Lucie Chabot, directrice générale du centre comptant 208 enfants.

«Les éducatrices le remarquent lorsqu'un enfant a besoin de vacances. Il a les yeux cernés, il est nonchalant, plus irritable et a une perte d'intérêt marquée pour le jeu ou les activités.»

Prendre des vacances avec un tout-petit, c'est possible, affirme Sylvie Bourcier. «Il n'est pas nécessaire d'être un G.O. comme dans un Club Med. Les enfants ont surtout besoin de la présence du parent, de se sentir aimés et suffisamment importants pour faire partie des plaisirs de ses parents.»

De quatre à cinq semaines annuelles

Idéalement, un enfant ne devrait pas excéder de 35 ou 40 heures par semaine dans son milieu de garde, croit Lucie Chabot. «Je sais que plusieurs parents n'y arrivent pas, mais il faut penser que les adultes non plus ne souhaitent pas excéder 35-40 heures de travail par semaine. C'est la même chose pour les tout-petits, sauf que ceux-ci ne l'expriment pas lorsqu'ils sont tannés.»

Et ils devraient bénéficier de quatre à cinq semaines de vacances par année, poursuit la directrice, soit deux semaines dans le temps des Fêtes et de deux à trois semaines durant l'été. «Pour qu'ils retrouvent leur bulle, leur intimité, leur calme et qu'ils reviennent en force», conclut-elle.

Photo Sarah Mongeau-Birkett, Archives La Presse

Idéalement, un enfant ne devrait pas excéder de 35 à 40 heures par semaine dans son milieu de garde, croit Lucie Chabot, directrice générale du centre de la petite enfance Le Sablier.

S'amuser à la maison sans dépenser

Lorsque le budget ne permet pas de partir en vacances à l'extérieur, les parents se rabattent sur ce que leur maison et leur quartier ont à offrir. Nancy Doyon, éducatrice spécialisée et coach familiale, révèle ses activités coups de coeur.

Promenade en forêt

«Simplement aller marcher en forêt et laisser les tout-petits explorer. Ils pourront écouter les bruits de la nature, grimper aux arbres ou partir à la recherche de feuilles, de branches ou de roches spéciales. Jouer dans l'eau, marcher dans une rivière, trouver un lac: les jeunes enfants adorent! Il n'est pas nécessaire d'avoir chaque fois une activité structurée.»

Bricolages tous azimuts

«Il ne fait pas beau? On sort le matériel de bricolage (nouilles, ouate, ficelle, billes pour faire des colliers). C'est si simple! Il existe des tonnes d'idées bricolage sur internet pour tous les âges. On peut en profiter pour faire la fameuse boîte à moineaux en bâtons de Popsicle! Une chose à retenir: les enfants d'âge préscolaire ont généralement entre 20 et 30 minutes d'attention à un jeu, alors il vaut mieux ne pas mettre trop de temps à la préparation d'activités.»

Du camping dans le salon

«On sort les couvertures et on monte des tentes avec des chaises. On peut même installer confortablement son enfant pour qu'il y passe la nuit. On peut aussi dresser la tente dans la cour, faire un feu de camp, s'emmitoufler dans des couvertures et regarder les étoiles en mangeant des guimauves grillées.»

Une guerre de papier

«Un autre jeu très simple: chiffonner des circulaires pour en faire de nombreuses boules. On sort ensuite pour faire une guerre de boules de papier. Chaque fois qu'on atteint l'autre avec son projectile, on obtient un point. Le gagnant importe peu; l'enfant a surtout besoin d'une qualité de présence de son parent qui s'intéresse à ce qu'il fait et qui a du plaisir avec lui.»

Jouer à s'habiller comme les grands

«Un autre jeu très facile à faire avec les enfants, c'est de sortir ses vieux vêtements et de jouer à s'habiller avec le linge de papa et maman. On peut se maquiller, prendre des photos. On peut préparer un spectacle, faire une vidéo et l'envoyer à mamie. La plupart du temps, il est possible de capter l'attention des enfants de différents âges avec ce type de jeu. Il peut être intéressant aussi de faire des activités individuelles parent-enfant afin que chacun ait son moment à lui.»

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lorsque le budget ne permet pas de partir en vacances à l'extérieur, les parents se rabattent sur ce que leur maison et leur quartier ont à offrir.