Si, pour un athlète, représenter le pays aux Jeux olympiques s'avère être le summum de la réussite dans la pratique d'un sport, pour les parents, c'est tout aussi significatif. Des premiers entraînements jusqu'aux compétitions internationales, ils ont suivi leurs enfants dans les hauts et les bas du sport d'élite. Comment les parents se préparent-ils aux Jeux olympiques?

La psychologie des Jeux

Bruno Ouellette est un passionné de la performance. Le psychologue a accompagné et conseillé plusieurs athlètes de haut niveau dans l'atteinte de leurs objectifs. Parmi ceux-ci figurent Alexandre Despatie, Émilie Heymans, Joannie Rochette et l'équipe canadienne de patinage de vitesse. Il explique comment accompagner un athlète en compétition.

Pour les parents qui vivent cette année leurs premiers Jeux olympiques, les prochaines semaines s'annoncent hautes en couleurs et fortes en émotions. Devant quelque chose de nouveau et d'aussi grandiose, la préparation est essentielle, non seulement pour l'athlète, mais aussi pour les parents.

Bruno Ouellette suggère de bien se familiariser avec les étapes du voyage et la ville où se tiennent les Jeux. Avec les fédérations sportives, des sessions d'informations sont organisées avant les Jeux pour réduire au minimum l'incertitude des parents. Du côté du Comité olympique canadien (COC), on prévoit sur place des endroits où les parents peuvent se retrouver pendant les Jeux olympiques.

«Plus le parent est à l'aise avec la compétition et l'organisation, moins il sera une distraction pour l'athlète. Plusieurs fédérations ont pris ça en charge à travers les années, la préparation des parents, pour ne pas que ceux-ci deviennent des sources de distraction», explique M. Ouellette.

L'habitude des Jeux

Pour des parents expérimentés, qui ont surfé sur la vague olympique auparavant, un minimum de préparation est malgré tout nécessaire puisqu'il n'est pas dit qu'on s'habitue au tourbillon des Jeux. «Ce sont des moments très importants. Le niveau d'émotion est élevé. Ils prennent ça à coeur. Mais ils doivent éviter de partager leur anxiété et leur nervosité. Ils doivent pouvoir parler d'autre chose, tout en manifestant leur soutien», recommande le psychologue.

La famille ne doit ni être une corvée pour l'athlète ni une béquille. C'est pourquoi il les encourage à maintenir des liens avec les autres parents, bien planifier l'horaire pour occuper leur temps libre et être disponibles pour les compétitions. «Ils ne doivent pas poser de questions aux athlètes, les parents doivent se prendre en charge», ajoute-t-il.

L'expérience à distance

Si beaucoup de parents se déplacent à Rio, certains restent au pays et l'expérience des Jeux sera totalement différente, mais tout aussi excitante, surtout grâce aux moyens de communication. «Je me souviens des premières fois où les athlètes amenaient un téléphone cellulaire en compétition, on se demandait si ça ne deviendrait pas une source de distraction. Aujourd'hui, il n'y a pas un athlète qui va sur le site de compétition sans son téléphone.»

Les parents et les amis, à des milliers de kilomètres de l'action, restent en contact par texto, par FaceTime ou par Skype et vivent les Jeux de l'intérieur, grâce à la technologie. «Même à distance, on peut jouer un rôle important auprès d'un athlète qui participe aux Jeux», assure M. Ouellette.

Le retour à la réalité

Il est essentiel de prendre un temps d'arrêt après les Jeux. Souvent le résultat de 10 ou 15 ans d'effort, les Jeux, une fois terminés, apportent leur lot de questions pour les athlètes. «Dans le meilleur des mondes, on leur souhaite de vraies vacances. C'est important de déconnecter. Du point de vue des parents, c'est de faire confiance à leur enfant. Si une personne est capable d'aller aux Jeux olympiques, cette personne-là a toutes les compétences pour relever d'autres défis dans la vie», termine M. Ouellette.

Confidences de parents

Nous avons rencontré les quatre plongeuses de l'équipe olympique canadienne et leur mère pour qu'elles nous parlent des Jeux à venir.

Jennifer Abel, 24 ans, 3es Jeux olympiques

En quoi la préparation aux Jeux olympiques est-elle différente des autres compétitions pour vous et vos parents?

La préparation olympique se passe pendant quatre ans, alors tout se fait graduellement. La différence pour mes parents est surtout dans la planification de leur voyage à Rio et peut-être un peu plus de stress qu'à l'habitude! 

Rio, ça se vivra en famille?

Les Jeux olympiques se vivront avec mes parents à Rio, mais je sais que les autres membres de ma famille, dont mon frère et ma grand-mère, vont se réunir pour m'encourager à partir d'ici. 

Sylvie Danis, mère de Jennifer

«En 2008, on ne pensait pas que Jennifer ferait les Jeux. Elle avait 16 ans, on n'avait pas été préparés à ça. Personne ne la voyait venir pour se classer pour Pékin, c'était une surprise pour nous aussi. Aujourd'hui, pour ses troisièmes Jeux, ce que l'on souhaite, c'est le meilleur pour elle. C'est beau d'avoir une fille qui en est à ses 3es Jeux olympiques. Elle part déjà gagnante.

«Chaque parent le vit différemment. Pour moi, l'important, c'est d'être à l'écoute de ma fille, c'est la priorité. Quand on est parent, on est prêt à tout pour nous enfants. Aux Jeux, je vais lui offrir de l'écoute, une présence, on va se changer les idées. Si elle ne veut pas parler de plongeon, si elle veut déconnecter carrément, on fera autre chose. Il y a des journées où ils ne veulent pas entrer en mode compétition et souhaitent lâcher prise. C'est elle qui va me guider. Je suis prête.»

Meaghan Benfeito, 27 ans, 3es Jeux olympiques

En quoi la préparation aux Jeux olympiques est-elle différente des autres compétitions pour vous et vos parents?

Tout est plus gros aux Jeux olympiques, donc tout prend plus de préparation. Par contre, comme ce sera mes 3es Jeux olympiques, on sait à quoi s'attendre, alors la préparation se déroule bien. 

Rio, ça se vivra en famille?

Oui! Mes parents seront à Rio pour mon épreuve synchro et individuelle. Ça fait toute la différence de voir des visages familiers dans les estrades et de savoir que je vais les voir en personne après mon épreuve. Malheureusement, mes soeurs [qui sont] jumelles ne pourront être là, mais je sais qu'elles vont me regarder de la maison avec mes oncles, tantes, cousins et cousines. 

Margarida Correia, mère de Meaghan

«Pour la 3e fois, je ne sais pas pourquoi, mais c'est différent. Meaghan a bien performé aux derniers Olympiques, on connaît son potentiel. Je sais qu'elle est là pour faire de son mieux, mais elle n'a pas besoin de pression supplémentaire. Les athlètes se poussent assez eux-mêmes. »

Pour Pékin et Londres, Margarida Correia a pu compter sur l'appui de parents plus expérimentés: «Nous restions avec la famille d'Alexandre Despatie, puis avec la famille Heymans. Je me souviens, la première fois, ils me demandaient si je réalisais que j'étais ici, aux Jeux olympiques. Je devais me le rappeler tout le temps! Je ne pourrais les remercier assez. Ils nous ont guidés dans tout le processus. J'espère cette année avoir la chance d'aider des parents qui vivront leurs premiers Jeux.»

La sécurité et la préparation des installations n'inquiètent pas trop Mme Correia. «Ils seront à temps, ça ira bien. On a toujours l'impression qu'il y a des problèmes avec les Jeux olympiques, mais on arrive là, on n'y pense plus. On est fiers que notre fille soit là, ça fait oublier le reste et Plongeon Canada fait tout ce qui est possible pour s'assurer que les parents soient bien entourés.»

Jennifer Abel et sa mère Sylvie Danis

Pamela Ware, 23 ans, 1ers Jeux olympiques

En quoi la préparation aux Jeux olympiques est-elle différente des autres compétitions pour vous et vos parents?

Pour moi, la préparation n'est pas différente, car ça fait des années qu'on s'entraîne pour ça. Pour ma mère par exemple, ce sera la première fois qu'elle voyagera aussi loin pour me voir plonger, donc ça demande plus de planification.

Les Jeux olympiques de Rio, ça se vivra en famille?

Avec ma famille et mes coéquipiers sur l'équipe qui sont comme de la famille pour moi. Ma mère sera à Rio, mais mon père et mes soeurs vont me regarder et m'encourager à partir de la maison. 

Sandra Kovac, mère de Pamela Ware

Pamela Ware se prépare pour ses premiers Jeux olympiques. «Elle se sent prête, mais le mot "olympique" joue beaucoup. Pour ma part, ce sera la première compétition à laquelle je vais assister à l'extérieur du Québec ou de l'Ontario, alors c'est immense pour moi. Pamela croit que je suis plus excitée qu'elle. Je suis très énervée, très excitée, très fière», explique sa mère.

Si, sur le plan de la logistique, Sandra Kovac dit avoir beaucoup de soutien de la part de Plongeon Canada, pour la préparation mentale, c'est autre chose. «Je suis laissée à moi-même, mais on me dit que tout ira bien. J'essaie le plus possible de m'assurer que ma fille pourra profiter de l'expérience, qu'elle sera heureuse dans ça. En tant que mère, je ne pense pas beaucoup à moi, je pense surtout à ma fille et à comment je peux l'aider à faire face à ça. Pour moi, c'est d'effacer le mot "olympique" du vocabulaire et voir ça comme une autre compétition. Le plongeon olympique, c'était son rêve à elle, je l'ai suivie et je l'ai toujours encouragée. Pour moi, elle a déjà gagné.» 

Roseline Filion, 29 ans, 3es Jeux olympiques

En quoi la préparation aux Jeux olympiques est-elle différente des autres compétitions pour vous et vos parents?

Pour nous, la préparation n'est pas différente, on sait à quoi s'attendre. La différence est que j'ai rarement la chance d'avoir mes parents avec moi en compétition internationale. C'est un moment spécial qui se produit aux quatre ans à l'occasion des Jeux! 

Rio, ça se vivra en famille?

J'ai la chance d'être accompagnée par ma mère, mon père et mon frère à Rio. J'aurai aussi plusieurs membres de ma famille qui vont me suivre à partir de la maison. Je sais que toute ma famille sera derrière moi, peu importe, où ils sont. 

Hélène Filion, mère de Roseline Filion

«Plus jeune, on voyait le potentiel de Roseline, mais on ne pensait pas aux Jeux olympiques. On a réalisé que c'était possible en 2005, avec sa médaille de bronze aux Championnats aquatiques à Montréal. Aujourd'hui, à ses troisièmes Jeux, c'est toujours aussi énervant. Le stress est le même. On veut tellement pour nos enfants. Elle a travaillé si fort pour atteindre ses objectifs et tout se joue dans une compétition d'un jour. Même si elle a l'expérience, même si on a l'expérience, on ne s'habitue pas à ce genre de compétition-là, c'est le summum.»

Pour gérer le stress et l'excitation des Jeux, Hélène Filion parle de l'importance de s'entraider entre parents: «Des liens forts se créent, on se connaît depuis longtemps, on se côtoie, on s'encourage. Il faut apprendre à laisser aller les choses. On ne peut rien faire de plus. Il faut prendre de bonnes respirations et laisser la vie suivre son cours.»

Quant à la question de sécurité, Hélène Filion ne s'en fait pas trop. «En Chine, c'était inquiétant, finalement, c'était hyper sécuritaire. Londres, même chose. C'est peut-être un peu différent au Brésil, avec le Zika, mais je ne suis pas inquiète.»

Pamela Ware et sa mère Sandra Kovac

La Maison du Canada - parents et amis

Le Comité olympique canadien (COC) fait sa part dans le soutien des parents et amis des athlètes qui représenteront le Canada aux Jeux de Rio avec la Maison du Canada, lieu de rassemblement exclusivement réservé aux athlètes et leur entourage.

«C'est un lieu de rencontre apprécié par les athlètes et les familles. On en fait un point central avec des gens qui sont sur place pour faciliter et maximiser l'expérience des Jeux», décrit Éric Myles, directeur exécutif du sport au COC. Aménagé dans un centre sportif local et tout près du site de compétition de canoë-kayak, l'espace décoré aux couleurs du pays prévoit une multitude de services-conseils sur les différents aspects du déroulement des Jeux ainsi qu'un calendrier d'activités organisées sur place pendant l'événement, comme des célébrations en soirée où l'on revisite les moments forts des compétitions des derniers jours et célèbre les succès des athlètes. 

«Les parents ne peuvent pas visiter les athlètes dans le village olympique. Et c'est souhaitable: l'athlète peut faire ses choses et ensuite retrouver parents et amis ici à la Maison du Canada», explique M. Myles. En plus des aires communes, des salons sont aménagés pour des rencontres plus privées entre parents, amis et olympiens, que ce soit pour partager une grande joie, ou une déception. 

Selon M. Myles, la majorité des pays optent pour cette même formule: «Certains l'ouvrent aussi au grand public et lui donne un aspect plus commercial. Mais pour le Canada, la priorité, c'est vraiment pour la famille, les amis et les athlètes.»

Le programme Famille et Amis

Également mis en place par le COC, le programme Famille et Amis vise à faciliter la préparation des Jeux pour l'entourage de l'athlète. En ligne, une quantité impressionnante d'information est rendue accessible, allant de la température moyenne en août à Rio aux conseils de sécurité pour les gens qui prévoient visiter la ville. 

«Ça fait plusieurs olympiades que ce programme-là destinés aux parents et amis existe, souligne Éric Myles. Les Jeux olympiques, c'est toute une aventure. Les athlètes n'arrivent jamais seuls: l'équipe d'entraîneurs, psychologues, massothérapeutes, etc. Et les parents sont des acteurs-clés dans tout ça. Ils ont été les premiers supporteurs, ils sont là depuis les tout début.»

Pour Éric Myles, il est essentiel d'avoir un programme qui vient soutenir et aider les familles, qu'elles soient sur place ou qu'elles demeurent au Canada. «Plus les parents sont organisés, mieux ils sont outillés, moins il y a aura de stress. Ça occupe une grande place dans la performance de l'athlète.» 

Programme Famille et Amis: http://family.olympic.ca/

Vidéo de la préparation de la Maison olympique canadienne: https://www.youtube.com/watch ?v=NJJHrEC6k-c

Photo fournie par le Comité olympique canadien

La Maison du Canada à Rio.