Enfin les vacances! Le moment pour relaxer! Et surtout, le temps de se dégager du carcan et de l'organisation extrême de l'année scolaire. Qu'on ait ou non de longs congés, il est important de décrocher en famille et de briser la routine. Petit guide pour en comprendre les bienfaits et trucs pour y parvenir.

L'art de ne rien faire

Toute l'année, on vante les mérites de la routine. Elle a de nombreux bienfaits, c'est indéniable. Elle est sécurisante pour les enfants et même pour les parents, car ses repères permettent une certaine efficacité dans l'organisation quotidienne de la famille. Toutefois, briser la routine de temps en temps est tout aussi nécessaire que d'en avoir une.

« Comme nous, nos enfants ont des horaires chargés, des exigences, des devoirs, des pratiques, des activités parascolaires, etc. Briser la routine et ne pas avoir d'obligations, c'est essentiel pour eux comme pour nous! », estime Marie Claude Lamarche, psychologue spécialisée en gestion du stress. « Toute l'année, les enfants sont bousculés avec des "envoye!", "grouille!" et "dépêche!". Plus encore, ils sont très stimulés partout, autant à la garderie, à l'école qu'à la maison. Parce qu'ils sont constamment en mouvement, ils sont fatigués tant physiquement que mentalement. On ne le réalise pas, mais jouer, c'est un travail pour les enfants. Il faut donc doser entre profiter de l'été et respecter les besoins de l'enfant », note Nancy Doyon, coach familial, fondatrice de SOS Nancy et auteure de Parents gros bon sens.

La fin des obligations

Briser la routine, c'est le compromis entre faire les choses autrement et avoir des journées à ne rien faire. Les deux injectent une bonne dose de nouveauté dans le quotidien, mais encore faut-il que les parents acceptent cette possibilité. Certaines familles, avec les meilleures intentions du monde, surchargent l'été de mille activités: des vacances sous le signe de la performance et de la rentabilité, quoi! « Il faut tout voir et tout faire. Mais est-ce qu'on en profite vraiment? Il faut y penser! » D'autant plus que les risques de se retrouver à la fin de l'été encore plus fatigué qu'au début sont grands.

On l'oublie souvent, mais avoir des journées libres, c'est un gros luxe! « Quand on était jeunes, on n'avait que ça, des journées à ne rien faire. On dirait que pour compenser, certains parents essaient de donner ce qu'ils n'ont pas eu en enfilant les activités et en ne restant pas à ne rien faire avec les enfants », dit Nancy Doyon.

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L'idéal serait de se mettre d'accord, en famille, sur ce qui nous ferait du bien et de faire des choix pour trouver un équilibre entre les sorties extravagantes, les petits plaisirs et les plages horaires vides.

Des suggestions: faire une activité par week-end, alterner les journées de sortie avec des journées flânage à la maison, limiter les cours à l'extérieur, etc. Au fond, le simple fait de ne pas surcharger l'horaire est déjà un pied de nez à la routine habituellement sans répit et toujours vécue à la course.

« Être » au lieu de « faire » est donc une occasion que nous apporte la disparition de la routine. Pour Francine Ferland, ergothérapeute et auteure de plusieurs ouvrages dont Viens jouer dehors!, les vacances permettent encore plus. « Les enfants peuvent enfin vivre à leur rythme, eux qui sont habitués de suivre le rythme d'un groupe, de la famille ou de la classe », soutient-elle. Ne plus être prisonnier du temps et de ses contraintes constitue une liberté qu'il faut prioriser durant la belle saison.

Les craintes des parents

Ne plus avoir de routine ou simplement la changer effraie... les parents. Une de leurs principales craintes est que les enfants s'ennuient. « Les parents ne sont pas capables de supporter un enfant qui ne fait rien! Pire, ils ont peur qu'ils perdent leur temps!, lance Francine Ferland. Pour eux, un enfant qui regarde glisser une goutte d'eau dans une fenêtre est nécessairement en train de s'ennuyer ou de perdre de précieuses minutes. Mais la réalité est que l'enfant est peut-être en train de se créer des scénarios dans sa tête, il se pose des questions, il observe, etc. C'est excellent de ne pas toujours avoir des choses à faire en vacances. »

Plus encore: derrière le supposé ennui se cache un malaise d'adulte. L'exemple de Nancy Doyon est saisissant. « Quand un enfant fait une activité qui semble banale aux yeux des parents comme arracher des brins de gazon, ce sont eux, les parents, qui fatiguent et se mettent en colère. "Tu as plein de jouets", "tu as une salle de jeux pleine" et les voilà repartis pour énumérer tout ce que l'enfant pourrait faire au lieu de jouer dans l'herbe. Quand ça nous arrive, il faudrait plutôt se questionner. »

La litanie du « je ne sais pas quoi faire! » affole les parents et ils croient que c'est à eux que revient la tâche de les divertir. La tentation de les occuper et de les amuser est omniprésente. Et le risque de retomber dans une spirale où on cherche l'activation à tout prix, aussi.

« Quand ils n'ont rien au programme pour un certain laps de temps, il est normal que les enfants tournent un peu en rond au début. Ne pas être animés ou pris en charge peut être déstabilisant pour eux. Ils ne sont pas habitués de pouvoir décider eux-mêmes ce qu'ils font. Mais s'ennuyer est un apprentissage. Plus on leur donne la chance, plus ils vont se découvrir des moyens de s'occuper. Ils vont se reconnecter avec leur créativité et apprendre même à se connaître », explique Nancy Doyon. D'autant plus que cette aptitude va les aider à mieux composer avec les imprévus, s'adapter à différentes situations et à renouer avec la spontanéité. « Ils peuvent enfin être eux au lieu d'être organisés par l'extérieur! », ajoute-t-elle.

Ne pas surcharger l'horaire des petits

Même si c'est difficile, les parents doivent donc résister à la tentation de surcharger l'horaire estival. Mais c'est parfois plus fort qu'eux. Et, selon Nancy Doyon, l'explication viendrait du fait que les parents croient qu'ils n'ont pas le droit de faire quelque chose pour eux quand leurs enfants sont là avec eux. Erreur! Ne pas jouer à la tag parce qu'on lit dans le hamac, c'est tout à fait acceptable. Tondre la pelouse pendant qu'ils lisent sur une chaise, c'est parfait. Siroter un verre de rosé pendant que les petits attrapent des insectes aussi. Cependant, quand ils entretiennent une telle croyance, les parents se rajoutent une couche de pression et doivent eux-mêmes combler le vide des journées sans routine ou sans quelque chose à faire. Et c'est là que le tout devient drôlement angoissant.

« Comme parents, quand on a peur de ne pas avoir ou être assez quelque chose, on a souvent tendance à être trop. Si on a peur que nos enfants se sentent abandonnés, on a tendance à trop être centrés sur eux. Si on a peur qu'ils s'ennuient, on a tendance à trop les animer et ainsi de suite », indique Nancy Doyon.

Finalement, la dernière peur des parents est qu'ils redoutent le difficile retour à la vie « normale ». « Bien sûr qu'il y aura des ajustements à faire lorsque les vacances seront terminées, mais les enfants comprennent aussi. On traversera le pont quand on sera rendu à la rivière. Là, c'est les vacances! », estime Francine Ferland. Et puis, renouer avec la routine, une fois septembre revenu, a quelque chose de sécurisant. Quand les enfants ont réussi à vraiment décrocher, ils sont bien plus contents de reprendre la routine, de retrouver des repères qui les sécurisent et les plaisirs qui viennent avec le retour à l'école. Mais pour ça, il faut d'abord décrocher...

Briser la routine pour...

... retrouver l'art de ne rien faire. Avoir le « luxe » de se demander « Qu'est-ce que j'aimerais faire aujourd'hui? » au lieu de « Qu'est-ce que je dois faire aujourd'hui? » et enfin suivre ses envies plutôt que ses obligations.

... être dans le plaisir simple. Oubliez l'enfilade de grosses sorties. À trop rechercher les activités « wow! », on autosabote les petits bonheurs comme jouer au frisbee dehors, se baigner quand il fait noir, etc.

... ralentir le rythme. « Rester en pyjama jusqu'à 9 h, ça fait du bien! », lance Francine Ferland. Apprendre aux enfants à se détendre - et donner l'exemple! - est un apprentissage important, mais souvent peu enseigné.

... faire les choses autrement. Et si on commençait le repas par le dessert? Et si on allait chercher les enfants plus tôt au camp? « Même chose pour les adultes, pour décrocher, on essaie de faire les choses différemment. Si on travaille dans la construction, on ne construit pas un nouveau cabanon durant nos vacances, on pourrait plutôt aller pêcher! », propose Marie Claude Lamarche.

... s'interroger sur notre vie « habituelle ». « Parfois, sortir de notre routine nous amène à réévaluer ce qu'on fait. Au retour, on va peut-être enlever des obligations ou faire des changements pour alléger le tout », précise Marie Claude Lamarche.

... vivre dans le présent. « On fait quoi? » et « Qu'est-ce qu'on fait après? » sont les questions préférées des enfants, parce qu'ils sont conditionnés à vivre dans l'action ou dans le futur. Cet été, on s'ancre dans le « là, maintenant » en essayant de dire le plus souvent « On est bien, là! » pour leur faire réaliser ce qu'ils sont présentement en train de faire.

... découvrir les intérêts réels de nos enfants. Quand les enfants ont enfin le choix de faire ce qu'ils veulent, ils vont peut-être se découvrir une réelle passion. Peut-être que ce n'est pas le soccer, mais plutôt le dessin qui les anime. Mais quand avait-il le temps de dessiner durant l'année scolaire?

... dire plus souvent « oui ». Les permissions spéciales mettent du piquant dans nos vies et sont à l'origine des plus beaux souvenirs. Et, qui sait, peut-être les parents en prendront-ils l'habitude?

... remettre en branle son processus créatif. Si on coupe des obligations dans notre horaire, on a davantage de temps libre à occuper comme bon nous semble. Suffit de secouer notre imagination pour trouver ce qui nous tente.

... encourager l'autonomie des petits. Être maître de son temps, avoir de l'espace pour inventer des jeux, essayer de nouvelles choses, décider par soi-même: tout un apprentissage formateur!

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