Le bonhomme Playmobil fête ses 40 ans, bien qu'il n'ait toujours pas perdu un seul de ses cheveux de plastique. Au contraire, c'est la grande forme: Playmobil a plus que doublé ses ventes au Canada depuis cinq ans. Il faut dire que les parents qui achètent les jouets aujourd'hui ont souvent rêvé, enfant, de jouer avec ces figurines allemandes.

Faire appel à l'imagination des enfants

Crise pétrolière des années 70. Un patron allemand demande au menuisier et maquettiste Hans Beck de créer un jouet dont la fabrication nécessite moins de plastique. La première figurine Playmobil était née - suivie de près de 3 milliards (!) d'autres vendues à ce jour. En ce 40e anniversaire de la présentation des Playmobil au Salon international du jouet de Nuremberg, Richard Brookes, directeur des ventes et du marketing de Playmobil Canada, a répondu aux questions de La Presse.

Comment expliquez-vous le succès de Playmobil?

Principalement au fait qu'on offre des jouets qui font appel à l'imagination des enfants, avec des thèmes dans lesquels ils peuvent plonger. Les enfants peuvent s'immerger dans l'univers du jouet dès qu'ils ouvrent sa boîte, ou créer leur propre univers, sans nécessairement avoir à le construire d'abord. C'est la beauté de Playmobil.

L'autre élément-clé, c'est que tous nos kits incluent au moins une figurine, peu importe s'ils coûtent 6$ ou 66$. Un personnage vient avec tout ce qu'on vend.

Depuis quand les Playmobil sont-elles offertes au Canada?

Depuis 1986.

A-t-on des goûts particuliers en matière de Playmobil?

Oui. Parmi ce qui se vend le mieux au Canada, il y a une mallette avec deux joueurs de hockey. À l'inverse, aux États-Unis, c'est probablement ce qui se vend le moins bien (rires). Mais sinon, nous suivons généralement les mêmes tendances qu'ailleurs dans le monde.

Playmobil a eu des ventes mondiales records de 552 millions d'euros (781 millions CAN) en 2013. Quel est le montant des ventes au Canada?

Je ne le révélerai pas, nous sommes une entreprise privée. Mais je peux vous dire que nous avons plus que doublé nos ventes depuis moins de cinq ans.

Playmobil a-t-elle l'intention de vendre des jouets à l'effigie de personnages connus, comme le fait Lego?

Si vous vendez des jouets sous licence, basés sur des personnages de film, vous vous éloignez de l'imagination des enfants. Vous leur dites: voici tel personnage avec tel caractère. Peut-être que nous le ferons à l'avenir - qui sait ce que l'avenir nous réserve -, mais pour l'instant, nous restons fidèles à nos valeurs fondatrices, en offrant des jouets qui font appel à l'imagination des enfants.

Quand on consulte votre site internet, on trouve des personnages féminins qui sont femmes de chambre ou mamans, et des personnages masculins pilotes d'avion ou pirates. N'est-ce pas perpétuer des stéréotypes?

Nous avons des figurines féminines qui sont fermières, photographes, scientifiques et policières. Mais on ne recrée pas la réalité. Si on propose une thématique de pirates, on fait des recherches historiques pour voir quels étaient les costumes, les bateaux, les drapeaux des pirates. Historiquement, il n'y avait pas beaucoup de femmes pirates, non? Nous voulons être authentiques. En contrepartie, nous avons des femmes policières, parce que c'est la réalité d'aujourd'hui.

Comment s'annonce l'avenir de Playmobil au Canada?

Je prévois un brillant avenir. Une série animée de Playmobil baptisée Super 4 sera bientôt en ondes au Québec, bien que je ne puisse pas vous dire quand exactement. Super 4 est diffusée en France depuis le mois d'août, et en Grande-Bretagne depuis quelques semaines. C'est notre projet pour faire connaître notre marque, y apporter de la fraîcheur et rester fidèle à l'époque.

Pour résoudre les problèmes autrement

Avec leur sourire en demi-lune et leur incapacité à se déplacer autrement que par bonds - leurs jambes ne se séparant pas! -, les Playmobil peuvent sembler simplettes. Voire insignifiantes. Erreur.

«L'intérêt des figurines Playmobil, c'est qu'il est facile pour les enfants de créer des histoires avec elles et d'utiliser leur imagination», dit Francine Ferland, professeure émérite à l'Université de Montréal et auteure du Monde des jouets et des jeux de 0 à 12 ans, paru à la Collection du CHU Sainte-Justine pour les parents. «Vous avez des scènes familières, comme une maison, un salon de coiffure, un magasin de jouets, et des scènes d'action, avec des dragons et des pirates, observe-t-elle. À partir de là, si l'enfant ne s'investit pas, il ne se passe rien. Mais s'il met son énergie et son imagination en route, il peut faire semblant qu'il est le pirate ou le coiffeur. Jouer des rôles. Ça ne fait pas appel à la dextérité, comme les Lego, ça rejoint l'imaginaire.»

Est-ce si important? «Quand on est créatif, si on essaie quelque chose et que ça ne marche pas, on va essayer autrement, parce qu'on sait qu'on a d'autres solutions à notre disposition, répond Mme Ferland. La créativité permet de développer la capacité d'adaptation des enfants.»

L'enfant qui fait une tour ne cessant de s'écrouler peut se fâcher ou arrêter d'en construire. S'il fait preuve de créativité, ce même enfant appuiera sa tour contre un mur, ce qui lui permettra de la monter très haut, illustre l'ergothérapeute.

Préférer la polyvalence

Attention, toutes les figurines ne se valent pas. « Si on a un extraterrestre avec un rayon laser, on risque de tout le temps lui faire faire la même chose, observe Mme Ferland. Mais si on a une maison avec des personnages, l'histoire peut varier d'une journée à l'autre. La polyvalence est une des caractéristiques d'un bon jouet, qui va durer longtemps. »

On se lasse vite du Slinky, un ressort qui descend les escaliers sans trop de variantes possibles, tandis qu'un Playmobil peut être preux chevalier un jour et (tout aussi courageux) père de famille le lendemain. «Tant qu'il enlève son armure en arrivant à la maison, c'est parfait!», dit en riant la spécialiste.

Il faut éviter d'offrir des Playmobil aux bambins de moins de 3 ans, qui pourraient s'étouffer avec les petites pièces. De toute façon, «c'est vers 4 ou 5 ans qu'on commence à s'intéresser aux figurines et à construire des scénarios de jeux, précise Mme Ferland. Ça peut durer jusqu'à 7 ou 8 ans, surtout si les figurines sont apportées dans d'autres jeux. Par exemple, dans une construction en Lego ou dans une maison faite de boîte de carton. Ça rend ce jeu encore plus polyvalent.»