Léonard a été arrêté par la police devant ses filles pour un méfait relié à la drogue. Quelques années plus tard, il les a abandonnées pour s'«enfermer avec la cocaïne». Quant à lui, Maxime a volé toute sa famille pour se payer de l'héroïne. Il y a quelques mois, ils étaient tous les deux seuls au monde à leur arrivée à l'Ancrage, un programme de réhabilitation de l'Armée du Salut.

Ils ont tous les deux renoué avec leur proches aux cours des derniers mois. Rencontrés dans les locaux de l'organisme, à Montréal, ils assurent qu'ils s'agit pour eux d'une motivation supplémentaire.«Ce n'est pas parce que la famille a cessé de les aimer. Les proches ont perdu confiance, et ils se protègent, explique Dorothée Balladur, directrice du programme. La plupart de nos résidants sont seuls. Ils n'ont plus de contacts avec leur famille.»

Les intervenants de l'Armée du Salut offrent un certain soutien à ceux qui veulent recréer des liens. Ils assurent, au besoin, une présence à l'occasion d'un premier coup de fil ou de l'aide pour la rédaction d'une lettre. Parce que rien ne garantit un accueil favorable.

Léonard se considère chanceux. Toxicomane depuis l'âge de 16 ans, il a eu plusieurs démêlés avec la justice. Après trois ans de sobriété, il a rechuté au printemps et il a lui-même coupé les ponts avec ses deux filles, adolescentes.

Une fois à l'Ancrage, il a tenté une approche. Elles ont accepté de le revoir. «Mes filles... mes filles, commence-t-il, les larmes aux yeux. Je les aime tellement. C'était un peu avant la fête des Pères. J'avais vraiment de la misère... quelqu'un ici a vu ma détresse et je les ai appelées. Eh bien! elles sont venues!»

Les adolescentes ont toutefois servi un avertissement à leur père. «La plus jeune m'a prévenu. Si je recommence, elle ne me parle plus jamais de sa vie. Je sais qu'elle ne me pardonnera pas», raconte le gaillard de 6 pieds 5 pouces.

Conscient du chemin à parcourir, il célèbre ces retrouvailles en pensant à l'avenir : au patin et à la glissade cet hiver, et aux «cris de filles qui se chamaillent» dans un futur appartement...

Pour Maxime aussi, les différends avec sa famille s'estompent progressivement. «J'ai fait six surdoses, raconte Maxime. J'ai fait vieillir ma mère de 10 ans. Quand, après deux ans sans lui parler, je l'ai appelée pour lui dire que j'étais ici, elle m'a dit qu'elle était contente, mais je savais, je sentais qu'elle était sûre d'être déçue. Et elle avait bien raison : j'ai arrêté de compter le nombre de thérapies que j'ai faites.»

Au fil des mois, la famille de Maxime comprend qu'il est sérieux, cette fois. Le lien qui se reconstruit avec ses soeurs et ses parents le motive à continuer.

Cette réconciliation, toutefois, n'assurera pas la réussite de sa thérapie, ajoute-t-il. «La thérapie, je ne la fais pas pour ma mère. Je la fais pour moi. Que la porte de mes parents soit ouverte ou pas, je la fais pour moi. C'est juste cool de leur parler, maintenant.»