D'abord, la théorie : nul n'est censé s'adresser directement aux jeunes de moins de 13 ans pour leur vendre quoi que ce soit à la télé. Maintenant, la vraie vie : quiconque a passé plus de 10 minutes devant le petit écran avec son enfant sait bien que certaines pubs (à commencer par ShamWow, sans contredit le hit publicitaire de l'été dans bien des familles), bien qu'elles ne ciblent pas directement les enfants (quel gamin de 7 ans normalement constitué rêve d'une éponge pour sa fête ? Pourtant, on en connaît bel et bien un...) réussissent à leur créer des besoins a priori, disons, insoupçonnés.

Pour en avoir le coeur net, un chercheur en sociologie de l'UQAM a décidé de consacrer son mémoire de maîtrise à la question. En collaboration avec le Groupe de recherche médias et santé, Jean-Philippe Laperrière a passé au crible pas moins de 15 000 messages, diffusés sur huit chaînes, quatre généralistes (SRC, TVA, CTV, CBC) et quatre chaînes jeunesse (Télétoon, Vrak, Musique Plus, YTV), pendant quatre jours (du 17 au 20 janvier 2008). La question qu'il a le plus étudiée ? L'alimentation, tout particulièrement la malbouffe.

 

En effet, sur les 15 000 publicités visionnées, il en a répertorié 2200 d'aliments, parmi lesquelles 75 % de malbouffe. On pense ici aux publicités de grignotines, tartinades salées et sucrées, des mets préparés, sans oublier les chaînes de restauration rapide. Du lot, il a choisi de se concentrer sur 1452 messages (certains, trop courts, ayant été mis de côté).

Le chercheur a ensuite analysé la théorie publicitaire et lu divers grands auteurs (Naomi Klein, Joël Brée, etc.), pour déterminer une quinzaine de critères clés, quand stratégiquement, on s'adresse aux enfants. Certains sont évidents (présence d'enfants, avec un ou deux parents, matraquage), d'autres plus subtils (musique énergique, trame, aventure, personnage de marque, humour au premier degré).

Résultat ? « Comme les jeunes regardent davantage les chaînes spécialisées, je me serais attendu à ce que la publicité y soit plus prudente «, répond le chercheur. Or, c'est tout le contraire qui se produit. « On y voit davantage de messages qui plaisent aux enfants, oui, beaucoup plus. «

Quelques exemples ? Les chaînes spécialisées diffusent deux fois plus de publicités avec des personnages représentant une marque ou animés (le bonhomme Pillsbury, Ronald McDonald, l'abeille des Cheerios, le tigre Tony des Frosted Flakes) ; une publicité sur deux met en scène des enfants ; l'humour visuel est présent dans la moitié des cas ; les scènes de vie de famille et d'aventures sont majoritaires (la chasse du Kraft Dinner, la bataille pour Nesquik) ; les acrobaties sont présentes dans une pub sur 10, et les scènes extraordinaires (le sucrier magique de Splenda), une fois sur quatre. Bref, tous les ingrédients « enfants « sont présents.

Une farce, la loi québécoise ? Pas tout à fait, nuance le chercheur. « Les chaînes jeunesse francophones font beaucoup mieux que la chaîne jeunesse anglophone «, dit-il. Preuve que la loi a permis certains « gains importants « en matière de protection des enfants, c'est de YTV que provient la moitié des publicités de malbouffe.