Pour le sociologue André Turmel, de l'Université Laval, la crise majeure du Québec n'est pas politique, elle est familiale. Et l'augmentation des mères de 40 ans est une facette de cette crise.

«Nous vivons une incapacité à dépasser un certain stade de nos rapports familiaux, dit-il au Soleil. Il n'y a pas d'âge idéal pour avoir un enfant, non. Mais nos mères n'étaient pas plus imbéciles que les femmes qui ont leur premier enfant à 40 ans aujourd'hui. Et elles avaient le leur bien avant cet âge.»

Ironie du sort, ce sociologue de 63 ans est père d'une fille qui a eu un enfant à 19 ans seulement, alors étudiante. Et qui en fait un autre à 22 ans, toujours avec le même père, et toujours étudiante. «Nous sommes une famille écolo radicale, explique M. Turmel. Et l'avortement est hors de question pour nous.»

L'universitaire va régulièrement au Brésil pour son travail, «là où il n'y pas de crise de la famille, dit-il, et là où les femmes n'ont pas d'enfant à 40 ans.»

Les femmes qui accouchent à 40 ans sont plus scolarisées que la moyenne, beaucoup plus même. C'est indéniable d'après les statistiques, comme ça l'est à l'oeil, observe M. Turmel. «Elles font des études parfois jusqu'au doctorat, décrit-il. Elles entreprennent une carrière. Puis oups! L'horloge biologique sonne. Surviennent alors deux problèmes : trouver un père s'il n'est pas déjà là; et faire un bébé avec moins d'énergie. C'est un peu compliqué. Sûrement pas optimal, en tout cas.»

Le sociologue estime qu'avoir un premier bébé à 40 ans n'est pas la même chose que d'avoir un deuxième ou un troisième enfant au même âge. Il y a alors une continuité familiale qui n'est pas là dans le premier cas.

À ces femmes très scolarisées qui attendent parfois le moment idéal pour enfanter, M. Turmel oppose les ouvrières d'usine d'autrefois qui «ne se créaient pas les mêmes genres de problèmes existentiels».

Pour ce qui est de l'âge avancé d'une nouvelle mère de 40 ans, l'universitaire fait néanmoins une concession importante. «Elle compense sa moindre énergie par l'expérience, c'est incontestable.»