Quand sonne la fin des classes, en juin, de nombreux élèves troquent volontiers le sac d'école pour la balle, le ballon, la bicyclette... alouette! Ils profitent d'une explosion soudaine de temps libre et de la présence remarquée de Galarneau pour bouger. Mais sont-ils plus en forme à la rentrée? Aucunement.

«Ça ne fait pas de doutes que les enfants bougent plus l'été, mais les effets concrets sur leur santé ne se font pas sentir, indique Mario Julien, président de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec (FEEPEQ). Selon la batterie de tests physiques qu'on leur fait passer à la rentrée, on constate qu'ils ne sont pas en meilleure forme. C'est inquiétant.»

Les ados aussi bougent davantage l'été. «Chez les 12 à 17 ans, le niveau d'activité physique est clairement plus élevé pendant les mois les plus chauds de l'année», indique le docteur Gilles Paradis, professeur au département d'épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l'Université McGill. Il est coauteur d'une étude publiée en 2009 portant sur le rôle des saisons sur la pratique d'activité physique des adolescents. «Pour chaque hausse de 10 degré celcius, on note une croissance de la pratique d'activité physique de 1 à 2%.»

Plus les enfants sont encadrés durant la belle saison, par exemple lors d'un camp de jour, plus ils sont actifs, précise François Trudeau, directeur du Département des sciences de l'activité physique à l'Université du Québec à Trois-Rivières. «Le niveau d'activité physique tend à diminuer chez les enfants à la maison, surtout si l'espace pour jouer à l'extérieur fait défaut et si le quartier est peu sécuritaire.»

Un mal profond

S'il a été prouvé que les jeunes bougent davantage l'été, ce niveau d'activité physique n'arrive pas à compenser le déclin remarqué en hiver. Si bien que, tout compte fait, un enfant de 12 ans sera 7% moins actif à chacun de ses anniversaires!

Selon la dernière Enquête canadienne sur les mesures de la santé, seulement 9% des garçons et 4% des filles font au moins 60 minutes par jour d'activité physique d'intensité modérée à vigoureuse tel que recommandé par Éducation physique et santé Canada.

«Le mal est profond, affirme Yves Potvin, éducateur physique à l'école le Tandem à Laval. Les jeunes ont moins de modèles actifs dans leur entourage, les parents sont débordés, les tentations comme les jeux vidéo et la télé sont importantes. Pour plusieurs, le cours d'éducation physique est l'unique occasion de bouger.»

Or, la plupart des enfants ne reçoivent que deux heures de cours d'éducation physique ou moins par semaine. «Les cours d'éducation physique sont la cible la plus importante, mais faute de temps, il faut aussi chercher à faire autrement», croit Sylvain Turcotte, directeur du Département de kinanthropologie de l'Université de Sherbrooke et membre du Groupe de recherche en intervention éducation et formation professionnelle en activité physique. Il cite en exemple l'école Écollectif de Sherbrooke, où les enseignants titulaires animent une séance quotidienne d'exercices d'une durée de 20 minutes. «Les résultats sont là, les élèves sont d'ailleurs plus concentrés. Le jeu libre, à lui seul, n'a pas d'impact suffisant.»

Investir dans le parascolaire n'est pas non plus la solution, croient les intervenants joints par La Presse. «Ce sont des coups d'épée dans l'eau parce qu'on rejoint les enfants qui sont déjà actifs et on oublie un grand pourcentage de la clientèle scolaire», dit Mario Julien de la FEEPEQ.

La solution n'est pas simple. «Ça va prendre un électrochoc, insiste Sylvain Turcotte. C'est un problème de société, pas un problème d'école. On doit travailler de façon concertée: les familles, les écoles, les municipalités, le milieu de la santé doivent coopérer. Par exemple, s'il y a peu de transport actif, c'est en partie lié à l'urbanisme, parce qu'il existe très peu de pistes cyclables pour se rendre aux écoles.»

Les avenues à explorer sont nombreuses: augmentation des heures de cours d'éducation physique, instauration de programmes d'exercices quotidiens pour tous dans les écoles, aménagement de pistes cyclables pour favoriser le transport actif, augmentation de l'offre municipale d'activités intérieures l'hiver, multiplication de sports scolaires récréatifs plutôt que compétitifs, engagement des parents, etc.

«Et ça ne sert à rien de parler aux enfants des bienfaits de l'activité physique sur leur santé future, souligne l'enseignant Yves Potvin. Pour eux, le futur c'est demain matin. Il faut plutôt miser sur le plaisir ressenti et les sensations de bien-être.»

L'aurait-on oublié?

Des jeunes qui bougent peu

Les enfants bougent à peine 14 minutes chaque jour (intensité modérée à vigoureuse) entre la fin des cours et l'heure du souper.

Seulement 37% des parents s'adonnent à des activités physiques avec leurs enfants.

Les enfants et les jeunes accumulent en moyenne 6 heures par jour de temps passé devant un écran, hors des heures de classe, et plus de 7 heures les jours de fin de semaine.

Les enfants et les jeunes des pays d'Europe font 2400 pas de plus par jour que leurs pairs du Canada.

Les étudiants ayant trois amis ou plus physiquement actifs sont plus susceptibles d'être modérément actifs que les autres.

Source: Bulletin 2011 de Jeunes en forme Canada