Michaël, 12 ans, entre dans l'adolescence et commence à avoir un regard plus critique sur les attitudes de ses parents. D'ailleurs, ceux-ci réalisent qu'il s'oppose de plus en plus à leur autorité. Pourtant, depuis sa naissance, ils croyaient avoir fait un bon travail d'équipe en répondant à la fois à ses besoins d'encadrement, d'attention et de soutien. Le problème, c'est que c'est exclusivement la mère qui adopte une attitude compréhensive et de soutien, et c'est exclusivement le père s'occupe de l'encadrement, avec attitude très autoritaire.





Lorsque Michaël avait deux ans, ce «partage des tâches» semblait relativement bien fonctionner. Il recevait à la fois amour, attention, chaleur et encadrement. Mais maintenant qu'il a grandi et qu'il est en âge de remettre en question ses parents, de douter de certaines de leurs façons de faire, ils ont l'impression de perdre de la crédibilité à ses yeux, car il relève souvent la différence entre leurs deux attitudes... Très douce et permissive, la mère a parfois l'impression de se faire manipuler par Michaël. De son côté, le père a l'impression que son style très autoritaire l'éloigne de son fils et affecte la qualité de sa relation avec lui. Enfin, depuis que Michaël les défie un peu plus, les deux parents sont parfois en conflit, la mère trouvant le père trop sévère et menaçant, et celui-ci la trouvant trop permissive. Et dire qu'il y a quelques années, ils ont consciemment et délibérément adopté ces rôles dans le but de créer et maintenir une certaine harmonie familiale! Inutile de dire qu'ils songent maintenant à changer de stratégie.



Les anglophones utilisent l'expression «good cop, bad cop» pour désigner une technique d'interrogatoire policier. Durant ce type d'interrogatoire, l'un des deux policiers joue le rôle du «méchant», qui pose des questions de façon agressive, menace l'accusé, fait toutes sortes d'allégations à son endroit (vraies ou fausses) et se montre intransigeant envers lui. Pendant ce temps, l'autre policier adopte une attitude compréhensive, calme et sympathique. Le but recherché est que la pression exercée par le bad cop associée à l'attitude sympathique du good cop amène le suspect à collaborer et à passer aux aveux, espérant ainsi obtenir la protection du bon policier. Au Québec, cette expression est maintenant mieux connue depuis la sortie de la célèbre comédie policière d'Érik Canuel, mettant en vedette Patrick Huard, intitulée Bon cop, bad cop.

De façon bien involontaire, certains couples de parents adoptent parfois ces rôles de «bon cop» et de «bad cop», l'un d'eux se montrant très chaleureux et permissif, tandis que l'autre s'efforce de maintenir la loi et l'ordre dans la maison en étant très autoritaire, voire menaçant. Comme les deux parents de l'exemple décrit plus haut, certains croiront que ces deux attitudes parentales différentes s'équilibreront pour, au bout du compte, combler les besoins d'attention, d'affection et d'encadrement de l'enfant.

Toutefois, deux parents qui adoptent des attitudes si diamétralement opposées peuvent, à moyen ou à long terme, éprouver des difficultés dans l'éducation de leur enfant. Même si le but premier est de répondre à tous ses besoins en se partageant les tâches, le résultat peut faire en sorte qu'un parent discrédite l'attitude de l'autre parent aux yeux de l'enfant (et vice versa) à cause du manque de cohérence dans leurs interventions. Le parent qui n'assume que la discipline en oubliant d'offrir chaleur, écoute et attention à son enfant risque de voir sa relation avec lui se dégrader avec les années. À l'inverse, le parent qui ne s'occupe que de donner de l'attention et du soutien, sans jamais intervenir pour encadrer son enfant, risque éventuellement de se faire marcher sur les pieds et de peut-être même se faire manipuler par celui-ci, surtout lorsqu'il entrera dans l'adolescence et qu'il réclamera de plus en plus de liberté. Bref, en agissant à l'opposé l'un de l'autre, des parents risquent non seulement de vivre des conflits dans leur couple, mais également d'envoyer involontairement à leur enfant le message qu'il peut les diviser pour mieux régner!

Il est vrai qu'un enfant a besoin à la fois de chaleur, d'écoute, d'attention ET d'encadrement.

Il est vrai que ces besoins semblent parfois contradictoires aux yeux de bien des parents.

Il est vrai que pour la survie d'un couple et l'harmonie familiale, les tâches doivent être partagées équitablement.

Idéalement, il devrait y avoir un peu du «bon cop» (chaleur, attention et soutien) et un peu du «bad cop» (encadrement juste) à l'intérieur de chaque parent, de sorte que leurs attitudes soient très cohérentes aux yeux de l'enfant. Ce dernier sentira une solidarité entre eux qui sera parfois frustrante, mais aussi sécurisante. Pour répondre à la fois aux besoins d'attention et d'encadrement d'un enfant, le partage des tâches ne s'applique pas vraiment. Chacun des deux parents doit tenter de répondre à tous ces besoins. Mais, ne vous inquiétez surtout pas; dans une maison, il y a suffisamment d'autres choses à faire pour appliquer ce beau principe de partage équitable des tâches!