Il y a quelques semaines, je répondais à la question d'une lectrice dont la fille, âgée de deux ans, se retenait de faire ses selles. Le problème est apparu après que l'enfant eut souffert de constipation. Elle a associé l'élimination des selles à la douleur, ce qui explique pourquoi elle se retenait.

Depuis la parution de ce texte, plusieurs autres lecteurs m'ont écrit sur le même sujet, l'un d'entre eux ayant même un garçon âgé de six ans qui se retient jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Cela fait en sorte qu'il souille sa culotte lorsqu'il est à l'école. Pour cette raison, il ne veut plus trop aller chez des amis, de peur qu'ils s'aperçoivent de son problème, ce qui l'humilierait.

Pour cette raison, ma chronique de cette semaine portera sur ce sujet, afin de pouvoir en parler de façon plus détaillée.

Normalement, l'apprentissage de la propreté se fait entre les âges d'environ deux et quatre ans. Souvent, le tout se déroule sans problème, et l'enfant finit par pouvoir abandonner le port de la couche, au grand plaisir des parents. En effet, pour ceux qui utilisent des couches jetables, ça coûte cher à la longue, et pour ceux qui utilisent des couches lavables, ça fait beaucoup de lessive!

Pour certains enfants, l'apprentissage se fait plus tardivement, plus lentement ou plus difficilement que d'autres. Dans certains cas, l'enfant sera propre depuis longtemps pour les pipis, mais hésitera à éliminer ses selles sur le petit pot ou dans la toilette. Il peut y avoir plusieurs causes à ce phénomène:

»impression de perdre une partie de soi-même, comme si le caca était une partie du corps;

»problème de constipation qui peut rendre l'éli­mination douloureuse;

»fissure au niveau de l'anus rendant l'élimination douloureuse;

»stress dans la vie de l'enfant l'amenant à adopter des comportements de régression ou de recherche d'attention (ex.: déménagement, arrivée d'un petit frère ou d'une petite soeur).

Dans tous les cas, il ne faut surtout pas se fâcher contre l'enfant, le punir, le réprimander ou encore lui mettre de la pression pour qu'il réussisse enfin à éliminer ses selles dans la toilette. Toutes ces formes d'interventions négatives ne feront qu'augmenter la détresse de l'enfant, rendre l'apprentissage de la propreté encore plus négatif à ses yeux et donc maintenir le problème.

Il faut plutôt tenter de comprendre la détresse de l'enfant et la dissocier de l'élimination des selles. Par exemple, lorsque le problème est causé par un surplus de stress dans la vie de l'enfant, on tente de revenir à un fonctionnement quotidien plus stable, à éliminer les sources de stress et à adopter des routines qui le rassureront (ex. : petit moment dans la journée où il reçoit de l'attention exclusive). Lorsque l'enfant est moins stressé, on reprend l'apprentissage de la propreté en utilisant des méthodes motivantes, telles que le renforcement positif lorsque l'enfant a réussi à passer une certaine période sans se souiller, ou lorsqu'il a réussi à éliminer dans le petit pot ou la toilette.

Lorsque le problème est dû au fait que l'enfant associe l'élimination des selles à la douleur, on tentera (avec l'aide du médecin) d'éliminer la douleur, afin que l'enfant puisse avoir moins peur de tenter d'éliminer ses selles volontairement et ailleurs que dans sa culotte. Par exemple, on pourrait modifier l'alimentation (ex. : boire plus d'eau, manger plus de fibres), utiliser un laxatif naturel (ex. : gelée minérale) ou des suppositoires à la glycérine pour éliminer le problème de constipation.

On pourrait utiliser des bains de siège ou un onguent qui accélérera la guérison de la fissure anale. Durant ce traitement, on permet à l'enfant d'éliminer quand il le veut et où il le veut, même si cela implique de lui faire porter encore une couche ou une culotte d'entraînement.

On ne lui met aucune pression de «performance». Lorsque l'on s'aperçoit que l'enfant a éliminé quelques fois sans se plaindre de douleur, on peut lui faire remarquer que «faire caca» ne fait plus mal et voir à ce moment s'il est motivé à tenter de nouveau d'éliminer dans la toilette ou le pot.

Si l'enfant a peur de perdre une partie de son corps, on tente d'éliminer cette peur en l'informant sur le système digestif... dans un discours approprié pour son âge et sa capacité de compréhension, évidemment! Pour lui expliquer tout ça, il existe un petit livre qui permet à l'enfant de comprendre qu'éliminer les selles est un processus normal de la digestion, et que ce n'est pas dangereux. (ANGÈLE DELAUNOIS. Le long voyage de monsieur Caca, aux éditions Les 400 coups.) La clé, c'est de respecter le rythme de l'enfant et ses émotions, même si cela implique l'utilisation d'une couche pendant encore quelques jours ou quelques semaines.

Plus l'enfant se sentira compris et sécurisé par l'attitude calme et sans pression de son parent, plus il collaborera à l'apprentissage de la propreté (pour les selles), lorsque le problème de base, la peur ou la douleur, sera réglé.