Alicia, six ans, déménagera dans un autre quartier dans quel ques semaines. La situation la stresse un peu et elle anticipe des problèmes : difficulté à s'adapter à sa nouvelle école, à retrouver son chemin entre l'école et la maison, à se faire de nouveaux amis... Pour l'aider un peu, sa grand-mère lui a offert un livre d'histoire dans lequel un personnage vit la même situation et dont l'histoire se termine bien.

En fait, à la fin du livre, le personnage aime son nouveau quartier et se fait d'autres amis, tout en étant capable de rester en contact avec les amis de son ancien quartier grâce à Internet. Après la lecture du livre avec sa mère, Alicia a les yeux brillants d'espoir. Le personnage a vécu tellement les mêmes émotions qu'elle vit présentement! Elle ne savait même pas que ses émotions avaient un nom : stress, nervosité, inquiétude, anxiété... Elle a posé des questions à sa mère et elles ont dialogué longtemps ensemble sur le déménagement. En discutant, elles ont trouvé ensemble des solutions possibles aux problèmes qu'Alicia anticipait. Maintenant, elle est encore un peu nerveuse, mais beaucoup plus enthousiaste! Et la meilleure des choses, c'est qu'elle réalise maintenant que, puisqu'une histoire a été écrite sur le déménagement, elle n'est sûrement pas la seule enfant à vivre cette situation!

La semaine dernière avait lieu le 33e Salon du livre de Montréal. Durant cette période de l'année, on entend beaucoup parler des nouveautés en librairie et on voit plusieurs auteurs donner des entrevues. C'est également une période de l'année durant laquelle on est sensibilisé à la cause de La lecture en cadeau, de la Fondation pour l'alphabétisation. La mission de cette cause est de favoriser la création d'un lien positif avec la lecture et même avec l'école chez les enfants issus de milieux défavorisés. En effet, présenter des livres à un enfant en bas âge est très important. Leur lire des histoires en les laissant voir les images les prépare à la lecture, tout en augmentant leur intérêt envers les livres... autrement dit, ça don­ne le goût de se faire raconter d'autres histoires.

Mais, au-delà de favoriser les aptitudes en français et l'alphabétisation, les livres pour enfants peuvent également avoir des vertus sur le plan psychoéducatif. Certains appellent ça la «bibliothérapie». L'idée est de lire une histoire à un enfant qui vit une situation stressante. Lorsque, comme dans l'exemple, l'enfant peut s'iden­tifier à un des personnages de l'histoire, parce que ce dernier vit une situation analogue à celle de l'enfant, cela peut avoir plusieurs aspects positifs, entre autres...

> Donne un vocabulaire à l'enfant pour exprimer ses émotions;

> Favorise le dialogue entre l'enfant et l'adulte qui lui lit l'histoire;

> L'enfant se sent moins seul avec son problème;

> L'enfant peut être rassuré par un scénario qui se termine positivement et qui suggère une résolution de problème.

«Cette histoire est mon histoire»

Cela m'amène à vous parler de l'histoire d'un garçon de sept ans que j'ai évalué en pratique privée, il y a plusieurs années. Édouard (nom fictif) vivait plusieurs difficultés à l'école et à la maison. Il était assez agité et éprouvait des difficultés à se concentrer. Il en résultait une légère perte d'estime de soi qui aurait pu s'aggraver avec le temps si aucune intervention n'avait été apportée.

Après plusieurs démarches d'évaluation, nous avons cons­taté qu'il souffrait des symptômes d'un déficit d'attention avec hyperactivité. Pour lui annoncer la nouvelle, je lui ai lu un livre d'histoire dans lequel un enfant vit une situation analogue à la sienne. Lorsque j'ai fermé le livre après la lecture de la dernière page, j'ai été surprise de constater qu'Édouard me regardait la bouche grande ouverte, l'air outré. Il m'a alors demandé : «Qui a écrit cette histoire?» Je lui ai alors montré le nom de l'auteur sur la couverture du livre. Il m'a dit : «Ce monsieur m'a espionné... cette histoire est mon histoire!» Et c'est ainsi que j'ai pu lui expliquer que de nombreux enfants vivent une situation analogue à la sienne, que ses difficultés portent un nom, et qu'il existe des solutions. Aussitôt, son air outré s'est transformé en un air ravi. Par la suite, sa mère m'a raconté que dans la semaine qui a suivi cette rencontre, Édouard n'a pas cessé de lui parler de l'histoire que je lui avais lue. Sans même avoir commencé l'intervention, la simple lecture de cette histoire avait apporté un grand soulagement et beaucoup d'espoir à son fils.

Noël arrive à grands pas... pensez donc à offrir la lecture en cadeau aux enfants de votre entourage et à la Fondation pour l'alphabétisation!