Depuis 20 ans, la psychologue et auteure Nathalie Parent reçoit dans son cabinet des enfants et parents dépassés par le tourbillon de leur vie. Dans Enfants stressés!, un nouvel ouvrage qui se veut apaisant pour les plus jeunes et déculpabilisant pour les parents, l'auteure se penche sur ce «mal du siècle» et propose des pistes d'action pour toute la famille.

Voyez-vous plus d'enfants stressés qu'avant dans votre pratique?

Aujourd'hui, les gens n'hésitent pas à consulter pour des problèmes associés au stress. Mais avec le rythme de vie qu'on a, les enfants sont inévitablement plus stressés. Les troubles anxieux sont à la hausse. L'impulsivité, les difficultés d'apprentissage, l'hyperactivité et tout ce qui touche aux problèmes de l'attention aussi.

Le stress est nécessaire et mobilisateur pour faire des choses, mais il devient négatif quand il est chronique. Si je pousse l'enfant tout le temps, et que je ne suis pas à l'écoute de ses émotions et de ce qu'il vit, son contenant à stress finit par déborder. On est alors dans un mauvais stress qui paralyse, qui fait qu'on est dans la fuite ou dans le combat.

Vous expliquez que les enfants sont plus vulnérables au stress que les adultes. Les conséquences sont-elles irrémédiables?

Le cerveau des enfants et des adolescents est très malléable, ce qui peut être positif ou négatif. Il se modifie en fonction de l'environnement et de ce qu'on peut faire pour eux. Dans le livre, je fais référence aux neurones miroirs [qui s'activent pour mimer des comportements]. Ça montre qu'à partir du moment où le parent travaille sur ses propres enjeux, il peut avoir un impact positif sur les réactions de son enfant.

Les enfants vivent plusieurs périodes de transition, comme à l'adolescence où le cerveau est en réorganisation. L'enfant est en train de forger son identité et il en a beaucoup à gérer : de nouvelles relations, de nouvelles amours. Et ça ne laisse pas beaucoup de place à d'autres stress. Comme parents, on a souvent beaucoup d'attentes, mais il y a des périodes où l'enfant est moins capable d'en prendre. C'est le temps de diminuer nos exigences pour lui permettre de mobiliser son énergie. On peut ensuite revenir à notre routine.

Les enfants d'aujourd'hui ont-ils moins d'occasions d'évacuer leur stress?

On vit tous les jours toutes sortes de tensions qui s'accumulent dans ce que j'appelle le «contenant à stress». Si on ne trouve pas de façons de les évacuer, ça finit par déborder. On peut vider ce contenant par différents moyens, en faisant de l'activité physique, par exemple, et en étant conscient de ses émotions. Avant, les enfants jouaient, ils bougeaient, ils allaient jouer dehors. C'est moins le cas aujourd'hui. Un autre élément est qu'on les organise beaucoup. Les enfants sont très encadrés tout le temps. Il faut trouver l'équilibre entre être présent et leur faire confiance. L'enfant a besoin de ne pas être couvé tout le temps. Ça contribue à son autonomie.

Il y a aussi la question des écrans qui crée des tensions entre parents et enfants. Plutôt que de vider le contenant, ça le remplit. Les écrans surchargent le cerveau. Certains jeux ont les mêmes effets sur lui que la drogue. J'aime nuancer, toutefois. Ce n'est pas uniquement négatif. Ce sont aussi de beaux outils d'apprentissage, mais il faut encore là trouver un équilibre.

Si on stimule toujours les mêmes zones du cerveau, c'est cette partie qui va se développer. En prenant le temps d'élargir les horizons de nos jeunes à travers différentes activités, on les aide dans leur développement global.

L'abondance d'informations sur l'éducation et le mieux-être des enfants ajoute-t-elle une couche de stress aux parents?

En effet, on peut se sentir facilement envahi et démuni devant ce flot d'informations. Ce que je fais souvent avec les parents en consultation, c'est de les ramener à eux, à leur instinct, à ce qui a du sens pour eux.

Il est facile de se sentir impuissant ou coupable comme parent. Mais on n'a pas à être parfait. Je préfère parler de parent «suffisamment bon». Le parent qui fait des erreurs, qui «pogne» parfois les nerfs, qui a des émotions, mais qui fait des efforts pour essayer de comprendre et qui est capable de s'excuser, montre à son enfant qu'il a des limites et que lui non plus n'a pas besoin d'être parfait.

On parle beaucoup de la famille, mais le milieu scolaire est-il adapté au rythme des enfants?

Les enseignants sont débordés et les enfants sont plus anxieux qu'avant. Je pense que si on avait de plus petits groupes, ça aiderait tout le monde. J'ai demandé à certains professeurs s'ils pousseraient autant pour qu'un enfant soit diagnostiqué TDAH s'ils avaient 20 élèves plutôt que 30 dans leur classe. La réponse est non. Je crois qu'il y a matière à réflexion sur le milieu scolaire.

PHOTO ANAÏE GOUFFÉ, GRACIEUSETÉ

L'auteure et psycholoque Nathalie Parent

En cette fin de semaine de relâche, comment peut-on éviter de remplir à nouveau nos «contenants à stress»?

Ce qui est important, c'est de s'arrêter, d'être à l'écoute de ses besoins et de les exprimer. Ça vaut pour tous les membres de la famille. Je donne souvent le défi aux parents de prendre cinq minutes pour ne rien faire. Juste ne rien faire et être avec soi-même. La plupart des gens n'y arrivent pas. Rien faire, ça peut vouloir dire méditer, être dans ses pensées, respirer, prendre un café ou un verre de vin et savourer. Laisser libre cours aux pensées qui viennent.

Les gens ont souvent l'impression qu'ils doivent montrer qu'ils ont eu de belles vacances, mais non! Pour qui on le fait? Les vacances, c'est pour soi, pour se ressourcer. Et ce qui est réparateur pour le cerveau, ce sont les activités qui permettent de se libérer: le repos, l'activité physique, faire des choses plaisantes, qui nous permettent d'apprendre ou d'être créatif... On oublie parfois que le plaisir est dans la simplicité. Quand on rit de bon coeur, qu'on a du plaisir, c'est tout le corps qui en bénéficie.

S'il y a une chose à retenir de ce livre, quelle est-elle?

Qu'on prenne un moment chaque jour pour réfléchir à ce que notre enfant nous dit, à ce qu'il vit et ce qu'on vit comme parent et qu'on aimerait changer. Être parent et un meilleur parent, ça s'apprend. Il faut se rappeler qu'il n'y a personne de parfait et qu'on est constamment en apprentissage avec nos enfants.

Enfants stressés! Tout ce qu'il faut savoir pour aider votre enfant à grandir sereinement. Nathalie Parent. Éditions Michel Lafon, 2019, 338 pages.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS MICHEL LAFON

Enfants stressés!