Hockey, cours de karaté, leçons de piano, de nombreux enfants ont un agenda de ministre. Mais, contrairement aux croyances, avoir beaucoup d'activités serait-il bénéfique pour le développement de l'enfant? Tout est une question d'équilibre, selon une nouvelle étude publiée plus tôt cet automne. Explications.

QUE DU POSITIF, DIT UNE ÉTUDE

Florence Aumètre, chercheuse en psychologie à l'UQAM, s'est intéressée à la participation des enfants aux loisirs organisés et à ses impacts. Elle vient de rendre publics les résultats de sa thèse de doctorat déposée en 2017. Sa conclusion? Il n'y aurait jamais trop d'activités pour les enfants.

Pendant cinq ans et dans le cadre d'une plus vaste étude déjà entamée par un groupe de professeurs en 2002, Florence Aumètre a suivi 1038 enfants de Laval, de la maternelle à la 4e année. Elle s'est penchée sur l'impact des loisirs auprès des 5 à 10 ans. «Quand je regardais la littérature en Amérique du Nord et en Europe, elle était beaucoup consacrée à l'adolescence, explique-t-elle. On observait que la participation à des loisirs organisés à cet âge apportait énormément de bienfaits aux jeunes. Cela les protégeait de contextes négatifs et leur permettait de mieux réussir dans le futur. J'avais envie de creuser du côté des enfants.»

Pour collecter les données, la chercheuse a envoyé, chaque année, un questionnaire détaillé auquel les parents et les enseignants des enfants de l'échantillon devaient répondre. Elle a ainsi été en mesure d'observer la relation entre le comportement social et scolaire des enfants et leur participation à diverses activités organisées.

Des résultats surprenants

Les résultats de l'étude ont surpris la doctorante. Contrairement à ce que son équipe pensait, à aucun stade de l'étude la participation à plusieurs activités n'a eu d'impact négatif sur les enfants et nul plafond ne s'est dessiné. «Alors qu'on s'attendait à ce que le groupe d'enfants qui était sujet à une augmentation progressive de la fréquence des activités organisées [entre une et deux par semaine] soit le mieux adapté dans le futur, on a découvert que c'était le groupe ayant le plus de loisirs à son agenda [avec un maximum de quatre par semaine] qui était associé au plus grand nombre de bénéfices sur tous les plans», explique Florence Aumètre.

Même si le but de l'étude n'était pas d'évaluer s'il y avait une surcharge et, dans ce cas, si elle était négative ou non, les résultats ont permis, de manière indirecte, d'en apprendre sur cette question. À un point tel que les chercheurs se sont demandé si leur échantillon comprenait vraiment des enfants trop occupés. Pour expliquer ce phénomène, Florence Aumètre avance l'hypothèse que la peur de la surcharge est peut-être plus répandue que les cas de surcharge réelle et que cette crainte est prise en compte par les parents qui plafonneraient alors les horaires de leurs enfants.

«Évidemment, des cas de surcharge existent sûrement, mais il demeure que sur 1038 enfants [l'étude a été réduite à 458 élèves en cours de route], rien n'a été observé en ce sens», affirme la chercheuse.

À l'encontre des tendances

Selon Katherine Frohlich, Ph.D., professeure titulaire et directrice du programme de médecine sociale en santé publique de l'Université de Montréal, les résultats de l'étude de Florence Aumètre sont très intéressants car ils vont «à l'encontre de la littérature sur les bienfaits du jeu libre qui est actuellement en pleine explosion». Selon elle, le fait d'organiser les enfants et de leur offrir des loisirs structurés n'est pas une mauvaise chose en soi, au contraire. Le problème est dans le total organisationnel et lorsque les enfants se retrouvent sans temps libre. «En plus de les surcharger, cela nuit à leur créativité, à leur autonomie et leur enlève la possibilité de choisir, de réfléchir et d'avoir une liberté d'expression qui n'est ni imposée ni proposée par un adulte.»

La chercheuse souhaite toutefois nuancer certains résultats de l'étude qui concluent que plus d'activités est toujours positif. «Je ne suis pas sûre de ça!»

«Lorsque l'on surcharge [plus de trois loisirs par semaine, selon elle], il n'y a plus de place pour le temps libre et le potentiel de créativité est automatiquement perdu.»

Mais attention, la spécialiste renchérit tout de suite: «Il faut créer des environnements adéquats, pour que ce "rien à faire" soit potentiellement bénéfique.»

Le mythe de la surcharge très ancré

«La surcharge est plus sur les parents que sur les enfants!», lance Marie-Eve Pichette, directrice générale de l'OEuvre et de la Fondation Père Sablon, qui aide les jeunes, souvent moins favorisés, à se réaliser par le sport et les activités. La mère de trois enfants âgés de 5 à 13 ans souligne n'avoir jamais entendu un jeune dire qu'il en avait trop dans son horaire tant qu'il aime ce qu'il fait, que c'est agréable dans le contexte familial et qu'il y a une bonne logistique instaurée. «Chaque jour, je vois des enfants avec des étoiles dans les yeux qui ont hâte de retrouver leurs amis et leurs entraîneurs», affirme-t-elle. Les loisirs permettent aux enfants de découvrir leurs forces et leurs passions, de développer l'estime de soi, des liens sociaux et amicaux ainsi qu'un fort sentiment d'appartenance, d'accomplissement et de fierté, estime la directrice.

«Une des tâches principales du développement mental des enfants du primaire, c'est d'être capable de fonctionner dans la société, en dehors de la cellule familiale. Les loisirs contribuent en ce sens à l'intégration à un groupe de pairs, à suivre un horaire, des règles, et à travailler les conventions sociales. Là est la valeur ajoutée», renchérit Florence Aumètre.

L'un des enjeux, c'est quand le loisir devient une source de conflit et de stress entre les parents ou pour l'enfant et que ceux-ci exercent une pression de performance sur ce dernier, explique Marie-Eve Pichette. «On le vit beaucoup au centre [Père Sablon]. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'aucun parent n'est admis dans les cours, pour que l'enfant ne soit pas dérangé», explique-t-elle. Dans la majorité des cas, le loisir semble demeurer une activité désirée et appréciée par les enfants et les parents. 

ONZE CONSEILS PRATIQUES AUX PARENTS POUR LE CHOIX ET LA PRATIQUE HARMONIEUSE DE LOISIRS ORGANISÉS

- Faire les choix avec l'enfant en harmonie avec ses goûts, ses intérêts et son tempérament

- Accompagner l'enfant dans ses choix, s'il est indécis

- Encourager l'enfant à explorer plusieurs activités pour découvrir ce qu'il aime et afin qu'il développe différentes capacités sociales et motrices

- Choisir un loisir à proximité de la maison ou sur le chemin de l'école, du retour à la maison, etc.

- S'assurer que les horaires s'harmonisent avec ceux des parents et des autres enfants de la maison

- S'assurer que l'activité est liée au développement moteur et psychosocial de l'enfant

- Ne pas encourager la performance

- Éviter des phrases comme: «Tu ne préfères pas faire du soccer? Tu es meilleur qu'en karaté»

- Encourager l'enfant dans la pratique de son activité

- Encourager les loisirs intégrés aux activités parascolaires ou au service de garde

- Laisser du temps de jeu libre à son enfant

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Quand le loisir devient une source de conflit et de stress entre les parents ou pour l'enfant, il est préférable de reconsidérer l'activité.

LES CONSEILS AUX PARENTS

Tant pour Florence Aumètre, chercheuse, que pour Marie-Eve Pichette, directrice générale de l'OEuvre et de la Fondation Père Sablon, le plus important est d'être à l'écoute du jeune, de ses besoins et désirs, mais aussi de ceux de la famille. «Il ne faut pas que les bénéfices du loisir sur l'enfant soient au détriment de ceux sur la famille», affirme la chercheuse.

«En demeurant attentif aux enfants, à ce à quoi ils ont envie de participer, à l'intensité et au nombre d'activités, mais aussi en étant à l'écoute des parents et de ce qu'ils sont capables de faire pour offrir ce temps-là à leurs enfants au sein de l'horaire familial, on est en plein dans le mille», ajoute la psychologue.

La chercheuse met aussi en garde les parents face à la culpabilité qu'ils pourraient éprouver et à la pression de performance de la parentalité.

Pour Sylvie et Alain Nahid, parents de deux enfants de 7 et 4 ans, les loisirs ont leur place dans la famille, mais selon des règles claires.

«Nous n'avons jamais voulu dépasser une activité par semaine, car on voulait passer du temps avec les enfants», explique Alain Nahid, père de famille.

«De cette façon, nous nous sommes toujours assurés de ne pas être menés par les loisirs», complète Sylvie. Pendant l'année scolaire, les parents reconnaissent que l'accès à des activités parascolaires offertes pendant les heures de service de garde des enfants participe pour beaucoup aux bienfaits des loisirs dans la famille. Et pendant la saison estivale, c'est relâche. «Pas d'activités! On veut profiter des enfants au maximum, sans contrainte d'horaires et en leur permettant d'avoir du temps pour ne rien faire», disent les deux parents.

Le message de Florence Aumètre aux parents? Si les loisirs organisés enlèvent du temps en famille et des loisirs créatifs de l'enfant à la maison, ce n'est peut-être pas nécessaire. Néanmoins, si cela enlève du temps pour les jeux vidéo, ce n'est peut-être pas un mal!

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Le fait d'organiser les enfants et de leur offrir des loisirs structurés n'est pas une mauvaise chose en soi. Le problème est dans le total organisationnel et lorsque les enfants se retrouvent sans temps libre.