La vie à l'étranger en est une  de découvertes, d'apprentissages, de rencontres et de défis. Des enfants d'expatriés témoignent.

FRÉDÉRIQUE FOURNY-JENNINGS, 47 ANS

Spécialiste en acquisition de talents


Française d'origine, Frédérique Fourny-Jennings a grandi en Allemagne, en France, au Gabon et au Congo. Son père était directeur technique de raffineries.

Ce qui l'a le plus marquée

« À l'époque, le Congo était gouverné par le Parti congolais du travail, un parti unique d'orientation marxiste-léniniste. Le long des routes, il y avait d'immenses panneaux peints à la main représentant Marx, Lénine ou Engels avec des citations comme "Tout pour le peuple ! Rien que pour le peuple !". J'étais trop jeune pour comprendre, mais je savais que c'était inhabituel. Et je trouvais que Marx ressemblait au père Noël. »

Un moment dont elle se souviendra longtemps

« On habitait derrière la gare de Pointe-Noire, au Congo. Là arrivaient des trains chargés de troncs de bois ou transportant des voyageurs. C'était un chaos perpétuel, rythmé par les sirènes des locomotives. Et quand les trains se croisaient, les chauffeurs s'échangeaient les clés des aiguillages en agitant à travers leur petite fenêtre un grand anneau auquel elles étaient attachées. On retenait toujours notre respiration à la vue de ce spectacle, dans l'angoisse qu'un des deux laisse tomber l'anneau. »

MARIANNE RACICOT, 20 ANS,ET LES TRIPLÉS JULIETTE, ALICE ET LOUIS-GABRIEL RACICOT, 18 ANS

Les enfants de la famille Racicot ont vécu trois ans au Mali. Leur mère, Marie-Claude Legault, travaillait à un projet visant à permettre au gouvernement du Mali d'avoir une plus grande autonomie budgétaire afin de financer les dépenses publiques de l'État. Ils sont rentrés au Canada l'an dernier.

Ce qui les a le plus marqués

« L'extrême pauvreté et les conditions dans lesquelles les gens vivaient. La majorité n'avait ni eau potable ni électricité. En même temps, ça peut paraître étonnant, mais ils avaient l'air heureux ! Et ils avaient des valeurs de partage, d'entraide et de générosité qu'on ne retrouve pas toujours ici, alors qu'on vit dans un pays beaucoup plus riche », explique Alice Racicot.

Un moment dont ils se souviendront longtemps

« Quand on est arrivés au Mali le premier jour, ce fut tout un choc. La chaleur accablante, l'odeur particulière, les routes en terre, les tas de déchets à ciel ouvert, la présence militaire, les mendiants. Et ce sentiment que tout le monde nous regardait. On se demandait dans quoi on s'était embarqués, se rappelle Louis-Gabriel Racicot. C'était tellement différent de ce qu'on connaissait. Mais on a rapidement apprivoisé la ville, rencontré des gens extrêmement chaleureux, et on s'est fait une vie qu'on aimait et dont on s'ennuie aujourd'hui. »

JEAN-FRANÇOIS BÉLISLE, 43 ANS

Directeur général et conservateur en chef du Musée d'art de Joliette

Fils d'ambassadeur, Jean-François Bélisle a passé son adolescence en Côte d'Ivoire, au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Ce qui l'a le plus marqué

Ses nombreuses rencontres avec des gens de tous horizons. Des Africains du Nord, des Italiens venant de Thaïlande, des Néerlandais d'Afrique, des Américains d'Espagne. Un fabuleux carrefour culturel.

Un moment dont il se souviendra longtemps

« On avait été invités dans un petit village, avec d'autres dignitaires, à une grande fête traditionnelle marquant le passage d'une étape à l'autre de la vie de jeunes d'un même groupe d'âge, la fête des générations. J'étais impressionné par les danses, les chants et tous les rituels. Je me suis même retrouvé par mégarde les deux pieds dans une mare de sang alors qu'on égorgeait une vache. Je m'en souviendrai longtemps ! »

CATHERINE FISETTE, 43 ANS

Directrice principale, affaires publiques


Catherine a vécu au Niger avec sa famille à l'âge de 14 et 15 ans. Son père était consultant en urbanisme.

Ce qui l'a le plus marquée

« On était des adolescents qui jouissaient d'une liberté incroyable. Nos parents étaient très permissifs. On était libres de nos allées et venues, on se promenait en moto, on allait dans des fêtes. On vivait une vie de jeunes adultes alors qu'on avait à peine 15 ans. C'était la fin des années 80. À l'époque, le Niger était un pays relativement stable, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On était chanceux, on était là au bon moment. »

Une anecdote dont elle se souviendra longtemps

« Je fréquentais l'école américaine et nos professeurs, une Américaine hippie et un Belge australien, nous avaient emmenés en road trip avec une douzaine d'autres élèves venus d'un peu partout : Allemagne, France, États-Unis, Mexique, Éthiopie et Australie. On a traversé le Togo et le Bénin, dormi dans des parcs nationaux, sur des plages et dans des petits villages et vécu toutes sortes d'aventures loufoques. C'était un périple formidable ! »

Photo André Pichette, La Presse

La mère Marie-Claude Legault (2e à partir de la gauche) avec les quatre enfants : Marianne, Juliette, Louis-Gabriel et Alice Racicot, qui ont grandi à l'étranger en raison du travail de leurs parents.