À quelques jours de la fête des Mères, nous vous présentons le portrait de cinq mamans qui, par leur force, leur créativité, leur courage, leur passion et leur dévouement, nous inspirent. La similarité de leurs noms n'est qu'une pure coïncidence.

Caroline Allard: Rire-thérapie

Elle nous a fait découvrir l'indignité de la maternité avec ses chroniques à la fois drôles, cocasses et terriblement vraies, il y a plus de 10 ans déjà. Aujourd'hui, celle qui nous a fait accepter qu'on était toutes un peu des mères indignes (bien avant les mères cinglantes, imparfaites ou ordinaires) nous en apprend un rayon sur un sujet cette fois pas drôle du tout, mais avec la même légèreté et la même justesse qu'on lui connaît: le cancer du sein. Rien de moins.

Oubliez ici les larmes et l'apitoiement. Caroline Allard, qui a eu son diagnostic en août dernier, offre à ses «amis» des réseaux sociaux un genre de cours 101 du cancer depuis janvier, avec sa sincérité et son autodérision légendaires. À travers ses «statuts de boules» et de chimio, entre ses photos d'expérimentations capillaires, une vidéo de sa tonte crânienne (pourquoi pas en faire une activité familiale?) et ses anecdotes de douche avec pas de poils, Caroline Allard dépeint une «comédie humaine» où rien n'est tabou, mais où tout n'est jamais non plus vulgaire, toujours intéressant, instructif, et évidemment divertissant.

Rencontrée autour d'un thé à deux pas de son travail (elle scénarise, entre autres projets, la série Conseils de famille), l'unique, la seule, la première question qui nous vient à l'esprit, est évidemment: mais comment fait-elle?

«Honnêtement, c'est une question d'être dans le moment présent.»

Au lieu de se projeter dans l'avenir (toujours stressant, avec un diagnostic pareil), elle a choisi de vivre l'instant. C'est ce qui lui a permis, dès son premier rendez-vous, de voir le comique de la situation, et déjà d'imaginer une narration. «C'est la médecin, elle devait avoir 26 ou 27 ans, qui s'est mise à pleurer. Mais pas moi, pouffe-t-elle. On aurait dit une scène de film. Moi, je lui disais: "C'est correct, c'est des choses qui arrivent, ça ne doit pas vous arriver souvent." Je la rassurais...»

L'art de voir une «aventure» à raconter, que ce soit à travers la maternité ou la maladie, ne l'a jamais vraiment quittée. Bonne nouvelle: elle espère publier quelque chose sur ses dernières «péripéties». «Parce qu'écrire, c'est comme une thérapie...» - Silvia Galipeau

Photo David Boily, La Presse

Caroline Allard

Caroline Héroux: Le bonheur de créer avec son fils

Ce que la maternité a changé en moi: «Le plus beau cadeau de ma vie.»

Il y a environ quatre ans, Caroline Héroux entrait dans une librairie avec son fils. La mission: trouver un roman pour intéresser le garçon de 10 ans à la lecture. Au bout d'un moment, Charles-Olivier est revenu en haussant les épaules. Rien ne l'allumait vraiment. Qu'à cela ne tienne: Caroline s'est mise au clavier pour écrire une histoire qui allait lui plaire.

Scénariste et auteure, Caroline Héroux savait déjà manier la plume. Cette fois, elle a décidé de bonifier son récit avec un graphisme éclaté pour capter l'attention de son fils et des anecdotes inspirées de leur vie quotidienne.

Le lendemain, Charles-Olivier est parti à l'école, l'histoire de sa mère dans son sac. Le récit faisait un peu plus de 20 pages et il était coiffé d'une page couverture inspirée d'une affiche que le garçon avait fabriquée après une querelle avec sa soeur: «Défense d'entrer!». Contre toute attente, à la fin de la journée, Charles-Olivier est revenu de l'école enthousiaste: «C'est super bon! Qu'est-ce qui se passe après?»

Caroline n'avait pas prévu de suite. «Je lui ai dit que s'il voulait qu'il se passe autre chose, on allait l'écrire ensemble», raconte l'auteure, mère de deux enfants. Sans le savoir, le duo planchait sur ce qui allait devenir une des séries les plus populaires de la littérature jeunesse québécoise.

Encouragée par des proches, Caroline a ensuite présenté Défense d'entrer! à son éditeur. L'idée plaît, mais on lui a demandé de planifier la rédaction de trois livres. «J'ai dit à Charles-Olivier que je ne pouvais pas le faire toute seule: qu'il devait m'aider», raconte Caroline.

De fil en aiguille, la mère a donc mis en mots les idées de son fils. Dès le départ, Caroline soumettait les chapitres à Charles-Olivier. Le garçon rectifiait le tir à l'occasion. Cette collaboration a permis au duo de rester toujours près des intérêts du jeune public.

Quatre ans plus tard, Charles-Olivier fréquente l'école secondaire. Il s'implique toujours dans la rédaction de Défense d'entrer! dont les livres ont été vendus à plus de 140 000 exemplaires.

«J'ai écrit d'autres romans, mais pour moi, Défense d'entrer!, c'est ma plus grande réussite à cause de la relation que j'ai développée avec mon fils et aussi parce que je me rends compte qu'ensemble, on fait vraiment une différence. On accroche des enfants à la lecture.»

Si elle a toujours pris soin du lien avec ses deux enfants, elle constate qu'écrire un livre avec Charles-Olivier lui permet d'aborder plus facilement certains sujets plus délicats. «Je me sens privilégiée. Les enfants, ça ne vient pas avec un manuel d'instructions, et à l'adolescence, parfois, ce n'est pas évident, souligne Caroline. Écrire ce livre ensemble et parler de Lolo, notre personnage, ça nous ouvre des conversations qui autrement pourraient créer des malaises. On a vraiment une belle relation.» - Isabelle Audet

Photo fournie par Caroline Héroux

Caroline Héroux et son fils Charles-Olivier Larouche

Carolina Martin: Notre force, c'est l'entraide

Ce que la maternité a changé en moi: «Ça a complètement changé ma vie, mes obligations, mes responsabilités. À partir du moment où le plus vieux est né, ma vie a tourné autour de lui.»

Ces responsabilités auxquelles Carolina Martin songe, c'est bien sûr de s'assurer que ses fils ne manquent de rien. «Je me suis dit que j'élevais deux êtres humains qui allaient devenir des adultes, raconte-t-elle. Je voulais qu'ils soient heureux, libres et qu'ils sachent choisir.» En prenant soin de ses garçons, toutefois, elle avait aussi une pensée pour ceux qui allaient croiser leur chemin dans la vie. «Je voulais qu'ils deviennent des gens de bien», dit-elle, à propos d'Augustin, 20 ans, et de Santiago, 23 ans.

Deux décennies plus tard, la maman originaire de l'Argentine regarde le chemin parcouru et a le sentiment d'être arrivée à destination. «Je me reconnais dans mes enfants, dans leurs visions des choses, observe-t-elle. On est quatre adultes et on collabore avec tout: la maison, le ménage... Je pense que c'est l'une de nos grandes forces: l'entraide qu'il y a entre nous.»

Le chemin pour mener ses garçons vers l'âge adulte a été marqué par une grande aventure: l'immigration. En 2003, dans la foulée de la crise économique et sociale qui a secoué l'Argentine, Carolina et son mari, Ricardo, ont choisi de venir au Canada. L'idée de changer de pays leur avait déjà trotté dans la tête, mais les circonstances leur ont donné l'élan qui manquait pour quitter Buenos Aires et s'établir à Montréal.

«On s'est dit: c'est un plan de famille. On s'en va. On a le courage, la force, l'envie et on avait l'espoir, dit-elle. On était très positifs.» Sur le plan administratif, le changement s'est fait «relativement facilement», précise la maman, aujourd'hui âgée de 50 ans. Il reste que de partir avec des enfants, c'était toute une histoire. Sa famille saurait-elle s'intégrer? Comment ses fils allaient-ils se débrouiller avec l'école en français?

«Ç'a été génial, parce qu'on a appris la langue les quatre en même temps!»

«Je me posais des questions, mais je savais qu'on était une famille très unie et qu'on allait traverser la situation ensemble, qu'on allait se soutenir les uns les autres. Même si les enfants étaient jeunes, ils ont été d'un grand support, juge-t-elle d'ailleurs. Quand on avait de moins bonnes journées, passer du temps avec eux faisait qu'on oubliait nos problèmes.»

Carolina dit souvent «on» lorsqu'elle parle de sa famille. Ce «on», c'est d'abord le couple qu'elle forme avec Ricardo, un homme «positif» qui a été et est toujours à ses côtés. Ce «on», souvent, inclut aussi ses fils aux personnalités «easy going». Carolina se trouve chanceuse: elle a une belle famille, une bonne situation, un bon boulot. En l'écoutant parler, on saisit bien, par contre, que sa chance, c'est elle qui l'a faite.

«J'ai perdu mes parents alors que j'étais encore enfant. Avoir ma propre famille, avoir des enfants a été une chose très importante pour moi, révèle Carolina. J'ai toujours pensé que, de toutes les choses que je pouvais souhaiter, le plus important était d'avoir des enfants. Ma famille à moi. Je ne doute pas que c'était un bon choix.» - Alexandre Vigneault

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Carolina Martin

Caroline Ouellette: Famille de hockey

Ce que la maternité a changé en moi: «Je ne pensais pas que je pouvais aimer autant.»

Caroline Ouellette, quadruple médaillée d'or olympique de hockey, a donné naissance à une petite fille, Liv, le 5 novembre 2017 avec sa conjointe Julie Chu, ancienne capitaine de l'équipe américaine de hockey.

«Nous vivons un énorme bonheur depuis la naissance de notre fille. Même si tous les parents le disent, on ne le réalise pas avant que ça nous arrive. C'est magnifique ! Je comprends maintenant pourquoi ma mère s'inquiète toujours pour moi», confie Caroline Ouellette, au téléphone.

Le couple profite en ce moment de ses premières vacances avec bébé, aux États-Unis, sous le soleil de l'Arizona. À 38 ans, Caroline estime qu'elle était prête à avoir un enfant. «J'ai beaucoup voyagé, j'ai eu une belle carrière internationale, j'étais prête à faire passer quelqu'un avant moi en tout temps.»

Sa grande passion pour le hockey et son énergie débordante ont fait en sorte que Caroline Ouellette est revenue au jeu fin janvier avec les Canadiennes de Montréal. Peu de temps après, elle est entrée dans l'histoire en marquant son 131e but en carrière, un nouveau sommet dans la Ligue canadienne de hockey féminin.

«C'était un vrai défi personnel de reprendre l'entraînement et de revenir au jeu. C'est important de se fixer des objectifs de compétition. Julie m'a beaucoup soutenue, et j'ai été capable de m'entraîner et de revenir dans l'équipe.»

Rappelons que Caroline Ouellette a remporté l'or aux Jeux olympiques de Salt Lake City en 2002, à Turin en 2006, à Vancouver en 2010 et à Sotchi en 2014. Elle a aussi gagné six médailles d'or en Coupe du monde.

De rivales à amoureuses

Caroline Ouellette et Julie Chu sont deux anciennes rivales et capitaines des équipes canadienne et américaine. «On a la même passion, celle de jouer au hockey en représentant chacune notre pays. Julie est la personne avec qui je voulais fonder ma famille. Elle est merveilleuse, patiente, enjouée et à travers la maternité, je l'aime encore plus. Ça nous a rapprochées», dit celle qui organise des camps de hockey et encourage les jeunes filles à s'initier à notre sport national entre autres lors de conférences.

Le couple a évidemment regardé la finale féminine des Jeux olympiques de PyeongChang qui opposait le Canada aux États-Unis, match qui s'est terminé en tirs de barrage. «La seule personne qui ne pleurait pas dans le salon, c'est notre fille Liv! admet Caroline Ouellette. C'était tellement rempli d'émotion. Julie pleurait de joie, elle était contente et émue de voir ses anciennes coéquipières américaines remporter la médaille d'or, tandis que moi je pleurais, car j'étais triste de voir perdre mon équipe et mes anciennes coéquipières.» Elle ajoute que c'est le sport qui a triomphé, car les amateurs ont tous déclaré que c'était le match de hockey olympique le plus extraordinaire.

Julie Chu est entraîneuse en chef de l'équipe féminine de hockey de l'Université Concordia, et Caroline Ouellette est l'entraîneuse adjointe. Une fonction qu'elle apprécie de plus en plus. «J'ai envie de développer mon expérience dans le coaching pour peut-être devenir un jour l'entraîneuse de l'équipe canadienne.» Et leur fille Liv? «Elle a assisté à plusieurs matchs et elle a déjà passé pas mal de temps à l'aréna avec ma mère. Ce serait bien qu'elle aime le hockey», souhaite la maman. - Olivia Lévy

Photo Céline Gélinas, tirée du compte Instagram de Caroline Ouellette

Julie Chu, Caroline Ouellette et leur fille Liv

Carole Paillé: Être là pour les autres

Ce que la maternité a changé en moi: «J'étais bien contente d'être mère! se souvient Carole Paillé, qui a eu sa première fille à l'âge de 17 ans. Quand j'ai eu Isabelle, c'est devenu ma priorité de m'occuper d'elle.»

«Ma mère est inspirante parce qu'elle n'abandonne jamais, indique Isabelle Paillé, coordonnatrice du réseau des maisons d'hébergement de Femmes autochtones du Québec. Quand elle a une idée en tête, elle y tient et suit son idée jusqu'au bout.» 

Sa mère, c'est Carole Paillé, 60 ans, Abénakise de Wôlinak, près de Bécancour. «Avant de commencer à travailler, j'ai élevé mes enfants, dit simplement Carole Paillé. J'étais là pour elles, tout le temps.»

Isabelle est née en 1975, alors que sa mère n'avait que 17 ans. Sa soeur Kim a vu le jour en 1981, suivie de Cindy en 1987. «Quand il y en avait une qui commençait l'école, je tombais enceinte pour en avoir un autre, se souvient la dame. Leur père travaillait, il subvenait à nos besoins.»

Une fois les filles plus grandes, Carole Paillé a rejoint le marché du travail. «J'ai fait beaucoup de jobs différentes et j'ai trouvé ce que j'aime le plus : aider les personnes âgées», témoigne-t-elle. Depuis huit ans, elle est préposée aux bénéficiaires à la résidence Au Soleil levant, qui relève du Conseil des Abénakis de Wôlinak. «Elle se donne corps et âme, souligne sa fille aînée. Elle prend plus soin des personnes âgées avec qui elle travaille que d'elle-même.»

«Quand je me lève le matin, j'ai hâte d'aller travailler».

«Je n'ai pas été bien proche de ma mère, observe Carole Paillé, alors je ne pensais pas aimer ça tant que ça, m'occuper des personnes âgées. Quand je me lève le matin, j'ai hâte d'aller travailler. Je suis là pour elles, je les défends beaucoup. C'est comme si c'était mes enfants, autrement dit.»

«Du plus loin que je puisse me souvenir, ma mère m'a toujours dit de lutter contre l'injustice et de prendre soin des gens, peu importe qui ils sont.»

En octobre, Carole Paillé a dû se faire enlever une partie du poumon, grugé par un cancer. Après une brève convalescence, elle est de retour auprès des pensionnaires de la résidence. «Ma mère, c'est une guerrière, décrit son aînée. Au cours de sa vie, elle a fait preuve d'une grande résilience. Chez nous les autochtones, c'est la résilience qui nous fait passer au travers de tous les obstacles de notre vie.»

Aujourd'hui grand-mère, Carole Paillé aime s'occuper de ses petits-enfants. «J'en ai cinq en tout», précise-t-elle fièrement.

Conseil aux mères

Quel conseil donnerait-elle aux mères qui ont de jeunes enfants? «Je vais te dire bien franchement: si c'était à refaire, je m'occuperais de mes enfants pendant leur première année, mais après je commencerais à travailler, confie-t-elle. Je suis contente d'avoir élevé mes enfants, mais j'aurais aimé pouvoir leur laisser plus, quand je vais partir. Là, j'ai 60 ans. La pension s'en vient, et je n'aurai pas grand-chose. J'essaie de le dire à mes filles. Elles ont toutes de bonnes jobs, alors c'est correct pour elles.» - Marie Allard

Photo fournie par Isabelle Paillé

Carole Paillé est préposée aux bénéficiaires à la résidence Au Soleil levant, qui accueille une soixantaine de personnes âgées à Bécancour.