Ils ont entre 6 et 16 ans, ils suivent des cours de danse amateur quelques heures par semaine, et du jour au lendemain, ils se retrouvent sur l'une des plus grandes scènes du Québec, devant des milliers de spectateurs! La Presse a rencontré trois enfants d'une même famille, qui font partie de la distribution du ballet Casse-Noisette des Grands Ballets canadiens.

«La première fois que je me suis retrouvé sur scène, je me suis mis à trembler», avoue Étienne Lauzon. Le petit garçon avait décroché le rôle d'un «enfant de la fête» dans le ballet Casse-Noisette des Grands Ballets canadiens (GBC). Il avait à peine 7 ans. «J'ai eu un choc mental, je suis devenu hyperactif», nous raconte le garçon âgé de 10 ans, qui interprétera cette année le rôle de Fritz - le frère de Clara, personnage principal de la pièce.

Au total, ils seront 61 enfants sur la grande scène de la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts à jouer dans ce classique du temps des Fêtes, qui attire chaque année environ 42 000 spectateurs. L'une des seules productions professionnelles qui mettent en scène des enfants. D'année en année, les GBC passent donc des auditions. La majorité des candidats suivent des cours de danse amateur dans leur quartier ou leur école. Sans plus.

Ce qui est remarquable, c'est que malgré leur jeune âge et leur peu d'expérience, ce rêve-là, de participer à un spectacle professionnel, est tout à fait à leur portée. Oubliez l'inaccessible étoile de Brel, dans le monde des fées-dragées et des rois-bonbons, tout est possible!

André Laprise est le répétiteur attitré de Casse-Noisette. Il admet que la qualité des danseurs varie énormément d'une année à l'autre. Mais le défi «d'amener ces enfants au niveau nécessaire» ne lui fait pas peur. «C'est vrai que c'est un défi, nous dit-il, parce qu'il y a des rôles qui sont techniquement plus exigeants, mais c'est un cadeau pour moi.» 

«Ces enfants-là sont exposés à quelque chose de grandiose et ils sont intéressés, ils travaillent bien, ils sont précis, ils sont motivés, c'est vraiment un plaisir de répéter avec eux.»

Photo André Pichette, La Presse

Marie-Ange, 9 ans

Étienne Lauzon dansait depuis un an dans une école de danse de la Rive-Sud (la Cameron School of Dance) lorsque son entraîneur lui a parlé des auditions des GBC. Il faisait du breakdance, du ballet jazz et venait aussi d'être sélectionné dans l'équipe de compétition de l'école, une activité plus sportive pour lui. «Je me suis dit, je vais essayer.» Il ne connaissait pas le ballet adapté ici par Fernand Nault ni la musique de Tchaïkovski.

À sa première année, il est monté sur scène 18 fois pendant le mois de décembre. Et dans un milieu dominé par les filles, il a trouvé des garçons qui, comme lui, «tripaient» sur la danse. L'année suivante, il a répété l'expérience. Et visiblement, Étienne y a pris goût. «J'aime apprendre les petits détails compliqués des chorégraphies», avoue-t-il. Cette année, il a auditionné pour le «gros» rôle de Fritz. «J'étais tellement ému quand j'ai su que j'avais le rôle que je me suis mis à pleurer», nous confie Étienne, qui aura deux doublures. Évidemment, il a fallu qu'il se mette au travail. Pour lui, l'automne en a été un de répétitions.

Ses deux jeunes soeurs, également inscrites à des cours de danse, ont eu envie de suivre ses traces. Marie-Ange, 9 ans, et Lilianne, 6 ans, ont toutes deux passé leur audition et décroché des rôles de souris. Elles font partie des 14 souris sélectionnées (sur 150 qui ont tenté leur chance!).

C'est la première fois en 35 ans qu'André Laprise voit une fratrie de trois enfants dans une même production. «Mais vous savez, précise-t-il, c'est un hasard. Nous ne savions pas que c'étaient les soeurs d'Étienne. Elles ont bien fait en audition et elles ont été choisies, elles sont très bonnes», insiste-t-il. Bref, au cas où vous vous posiez la question, il n'y a pas de passe-droit pour les frères et soeurs.

Photo André Pichette, La Presse

Étienne, 10 ans

«Un jour, je serai la brebis»

La première fois que Marie-Ange a vu le ballet de Casse-Noisette, elle avait 4 ans, se rappellent ses parents Marie-Lyne Pratt et Patrick Lauzon. «Elle m'avait dit: "Un jour, je serai la brebis"», nous raconte sa mère. La fillette faisait référence à la scène où le roi-bonbon court après la brebis noire pour la raser. «LA» scène préférée de Marie-Ange à ce jour. À l'approche de la première, est-elle nerveuse? «Oui! s'exclame-t-elle, mais j'ai hâte!»

Marie-Ange, qui aimerait plus tard faire de la gymnastique et peut-être même une école de cirque, adore le côté théâtral de Casse-Noisette

«J'aime danser, mais j'aime jouer aussi, faire semblant.»

La petite dernière n'est pas en reste. Lilianne, 6 ans, qui suit attentivement la conversation avec le journaliste, attend patiemment son tour. Le moment venu, elle ne s'attardera pas trop dans des explications théoriques. Elle se lève, fait quelques pas de danse, gracieuse, exécute une petite vrille suivie d'un grand écart. Jolie réponse à la question: «Toi aussi, tu aimes danser, Lilianne?»

«Le 21 décembre, pendant que je serai sur scène, je vais avoir 7 ans», nous dit simplement Lilianne.

Évidemment, pour les parents d'Étienne, Marie-Ange et Lilianne, ça complique drôlement l'horaire. Huit heures de répétitions par semaine pour Étienne, puis deux heures par semaine pour les filles. Sans compter les heures de cours à l'école de danse... sans oublier l'école. À eux trois, toutes les journées de la semaine y passent. Un calendrier mensuel accroché dans la cuisine en témoigne. Ce sera encore un temps des Fêtes dans les loges de la Place des Arts.

Casse-Noisette en bref

Casse-Noisette est un ballet en deux actes (sans paroles) créé en 1892 à Saint-Pétersbourg. Le livret s'inspire d'un conte d'Ernst Hoffmann adapté par Alexandre Dumas. La musique est signée Tchaïkovski. Les Grands Ballets canadiens le présentent ici depuis 1964, dans une version chorégraphiée par Fernand Nault. 

Le soir de Noël, la jeune Clara reçoit de son oncle un casse-noisette - que son frère, jaloux, cassera, mais que son oncle réparera avant le coucher. La nuit venue, les jouets prennent vie (pensez à Toy Story!). Clara, qui est projetée dans ce monde fantastique miniature, fera équipe avec son casse-noisette pour combattre une armée de souris. Une fois le roi des souris tué, le casse-noisette se transformera en prince. Le rêve se poursuit dans le deuxième acte lorsque Clara et le prince sont accueillis en héros dans le palais enchanté de Confiturembourg, dans le royaume des délices, où ils côtoient la Fée Dragée, le prince Orgeat et toute une suite de personnages fantasques.

_______________________________________________________________________________

Casse-Noisette sera présenté à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, du 14 au 30 décembre.

Photo André Pichette, La Presse

Lilianne, 6 ans