Les enfants de 7-8 ans ont autant de caries qu'il y a 20 ans, conclut une étude rendue publique il y a quelques jours par la Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud- de-l'Île-de-Montréal.

En 2012-2013, 57 % des élèves de 2e année du primaire ont eu au moins une carie sur leurs dents temporaires, selon la plus récente Étude clinique sur l'état de santé buccodentaire des élèves montréalais du primaire. On parle d'une moyenne de 4,3 dents avec une carie dentaire réversible ou irréversible. Dans une étude comparable réalisée en 1998-1999, ce taux était de 56 %.

L'auteur principal de l'étude, le Dr Martin Généreux, attribue notamment cette stagnation à l'alimentation des jeunes (riche en sucre) et à la mauvaise hygiène dentaire (brossage, détartrage) qui favorisent la présence de bactéries.

«Il y a des habitudes que les parents doivent mettre en place, nous dit le Dr Généreux. Mais les interventions préventives qui devraient être faites par les dentistes auprès des enfants (dont l'application de fluorure ou d'agents de scellement) ne sont pas conduites, déplore-t-il. Ces soins préventifs ne sont pas couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec [RAMQ].»

Un peu mieux chez les plus vieux

Les enfants de 6e année, l'autre catégorie de jeunes ciblés par l'étude, s'en sortent un peu mieux.

Selon les données colligées par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, la carie dentaire de ces enfants âgés de 11-12 ans est passée de 54 % il y a près de 20 ans à 37 % en 2012-2013. Un succès qui s'explique en grande partie par l'application d'agents de scellement, qui est passée de 32 à 47 %. Mais aussi par le fait que les dents adultes sont en bouche depuis moins longtemps...

«Ce qui a changé dans le temps, c'est l'augmentation des agents de scellement. La carie dentaire a tendance à se former sur le dessus des dents parce que sa morphologie est inégale. Les scellants dentaires bouchent donc ces fissures et préviennent les caries», indique le Dr Martin Généreux.

Ce qui n'empêche pas les jeunes de 6e année d'avoir en moyenne cinq dents cariées, malgré le fait qu'elles sont nouvelles.

Pourquoi s'être intéressé à ces deux groupes d'âge en particulier?

«Pour pouvoir comparer les données à celles recueillies dans les précédentes études [qui avaient ciblé précisément ces deux groupes], nous dit le Dr Généreux. Un groupe en début de primaire, un autre à la fin. L'intérêt de cibler les enfants de 2e année s'explique aussi en partie par le fait qu'ils sont sur le point de ne plus être couverts par la RAMQ [pour les soins curatifs], puisqu'ils le sont jusqu'à l'âge de 9 ans.»

L'accessibilité, un problème

La question de l'accessibilité aux soins préventifs, que l'on sait efficaces, mais qui ne sont pas couverts par la RAMQ, irrite le Dr Généreux, qui y voit une mesure de discrimination qui désavantage les moins nantis.

«C'est quand même étonnant que la santé buccodentaire dans son ensemble ne soit pas assurée par la RAMQ, surtout quand on sait l'efficacité des mesures préventives. C'est comme si la bouche ne faisait pas partie du corps. Imaginez que vous allez aux urgences pour un problème de pouce et qu'on vous dise: "Non, non, on assure les quatre autres doigts de la main, mais pas le pouce." Pourquoi? C'est incompréhensible.»

On peut bien sûr agir sur la consommation de sucre de nos enfants, comme sur leur hygiène dentaire, mais selon le Dr Généreux, des mesures de prévention additionnelles sont nécessaires.

Est-ce que les dentistes peuvent appliquer des scellants sur des dents temporaires? «Non, répond le Dr Généreux, pour toutes sortes de raisons cliniques, on n'applique pas de scellant sur des dents temporaires, mais on pourrait très bien le faire sur les molaires permanentes, qui sont déjà en place à 7-8 ans, indique le Dr Généreux. Si on peut au moins avoir un impact sur ces dents-là, ce serait un bon début», croit-il.

Et l'hygiène dentaire?

L'Étude clinique sur l'état de santé buccodentaire des élèves montréalais du primaire compile également des données sur l'hygiène buccale.

Dans le cas des enfants de 2e année, l'indice de débris (on parle ici de la plaque dentaire qui s'accumule sur la surface des dents) est de 93 %. Les jeunes de 6e année font à peine un peu mieux avec un taux de 89 %. Pourtant, environ 70 % des parents interrogés dans le cadre de l'étude indiquent que leurs enfants se brossent les dents deux fois par jour. Ce qui laisse planer un doute sur la qualité du brossage.

«Plus cet indice est élevé, plus le risque de voir apparaître des maladies comme la gingivite est élevé, une inflammation des gencives qui touche 84 % des élèves de 6e année et 77 % des enfants de 2e année.»

Les campagnes de prévention demeurent la meilleure stratégie pour assurer une meilleure santé buccodentaire des jeunes, croit le Dr Généreux.

«La carie est un processus de déminéralisation de la dent qui prend un certain temps. La beauté de l'affaire, c'est que les mesures préventives, comme l'exposition au fluorure et le scellement des dents, peuvent renverser ce processus. On peut ainsi reminéraliser la dent et la sauver.»

L'étude a été réalisée auprès de 1344 enfants de 2e année et de 455 enfants de 6e année issus des écoles publiques et privées de l'ensemble des territoires de l'île de Montréal.