Ça y est, les vacances d'été ont fané et les longues heures de loisirs estivaux cèdent de nouveau la place à ces devoirs scolaires parfois rébarbatifs. Faut-il pour autant réduire toute trace d'activité ludique à une peau de chagrin? Que nenni! Le jeu conserve un rôle moteur dans l'équilibre personnel des enfants et des ados, ainsi qu'au sein du foyer familial. À condition de respecter certaines balises. Trucs et conseils pour sérieusement s'amuser en famille.

Une foule de vertus

Le jeu, une activité destinée aux oisifs et aux paresseux? Certainement pas. «Il y a énormément d'apprentissages qui peuvent se faire, souvent à l'insu des participants», indique la Dre Christine Grou, psychologue, neuropsychologue et présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Elle énumère de nombreux bénéfices: on encourage la concentration, la réflexion, le respect des règles du jeu, la gestion de la frustration. Dans le cadre de jeux de construction ou d'ateliers manuels, on va stimuler la créativité et l'imagination, tandis que certains jeux extérieurs peuvent accroître l'esprit d'équipe.

«Quel que soit le jeu, il ne faut pas penser que l'on perd son temps. On est dans la relation, et c'est l'occasion d'apprendre et de se détendre à la fois, ce qui peut même nous rendre plus performants», souligne la psychologue.

Des balises à respecter

Dans un cadre familial, les jeux peuvent s'avérer incroyablement fédérateurs, créant une «modalité de relation», selon la Dre Grou, qui indique toutefois deux conditions à respecter.

D'une part, un climat de confiance et d'affection s'avère indispensable, l'esprit de compétition étant capable de gruger l'estime de soi de certains participants, plus jeunes ou moins à l'aise avec le jeu choisi.

D'autre part, l'activité organisée doit impérativement plaire et convenir à tous les membres. «Il faut choisir une diversité de jeux permettant de susciter l'intérêt de tout le monde et qui soit au niveau de tous», avance la psychologue.

Entre familles

Isabelle Perreault, enseignante au secondaire et mère de deux jeunes enfants, va même plus loin. Cette heureuse propriétaire de plus de 250 jeux organise des activités et des soirées interfamiliales.

Dans sa cour, enfants et parents se retrouvent autour de courses d'obstacles, de jeux d'eau, de devinettes et d'ateliers de peinture, notamment. «Cela aide à sortir d'une espèce d'isolation parentale, et à ce que les enfants soient en contact entre eux.»

Pour ses soirées, elle organise des événements Facebook et lance un appel au potluck auquel ses amis, petites familles gentiment rivales, répondront. Et c'est parti pour un Cranium, un Passe-moi un sapin ou un Tricheur. «Quand on veut essayer de nouveaux jeux, on sort au Randolph*. On est aussi de grands amateurs de quiz», confie Isabelle Perreault.

Des règles à suivre

Pour que la sérénité perdure au sein du foyer familial, un impératif à suivre : bien connaître et faire respecter... les règles du jeu.

«Il faut vraiment suivre le règlement qui est inscrit dans le jeu, et bien le relire avant de commencer. C'est toujours mieux de désigner une personne de référence pour trancher», recommande Isabelle Perreault, ajoutant que les éventuelles règles «maison» des divers invités devraient être évitées.

Même constat pour Simon Schambier, propriétaire du centre de jeu Expédition, à Montréal: «Si les jeunes participants doivent apprendre eux-mêmes les règlements tout en jouant, ça va être moins intéressant pour eux. Alors que si quelqu'un qui les connaît bien s'assoit avec eux, c'est beaucoup plus facile», constate-t-il.

Attention à la capacité d'attention

Il faut également prendre garde à ce que le jeu ne tourne pas au calvaire en oubliant que la capacité d'attention d'un enfant ou d'un adolescent est bien moins moindre que celle d'un adulte. Là encore, bien connaître les règles pour éviter d'avoir à les consulter en permanence pendant le jeu facilitera l'activité. « Je conseille des séances de 20 minutes maximum, quitte à assouplir les règles du jeu pour accélérer le tout. Par exemple, on peut décider qu'un coup vaudra 12 points au lieu de 6 », suggère Isabelle Perreault.

Décoller un ado de son écran

Pas toujours évident de battre en brèche la dictature du cellulaire ou de l'ordinateur. «Ça passe par l'intérêt. Beaucoup de jeunes font des jeux sur leur tablette, pourquoi ne pas s'y intéresser et y jouer ensemble?», propose la Dre Grou, recommandant aussi de profiter de contextes favorables. «Quand on se retrouve au chalet sans wifi, c'est le bon moment pour apprendre un jeu de société.»

Simon Schambier, lui, avance que les jeux vidéo revêtent aussi un aspect social, contrairement à une idée reçue. On peut tenter un transfert de cet intérêt vers les jeux de table: «Si les parents s'assoient et jouent, les ados verront vite que c'est le fun d'avoir ce contact», dit-il, précisant que les jeux avec de beaux plateaux, comme Quarto, peuvent aider à convaincre les jeunes.

Les jeux qui cartonnent

Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand le même trio revient systématiquement en bouche des spécialistes du jeu et des familles accros aux soirées organisées, c'est que la pioche est bonne. «Carcassonne, Catane et Les Aventuriers du Rail ont vraiment beaucoup de succès, assure le propriétaire d'Expédition. Si on préfère les jeux de rapidité ou d'association d'images, Dobble et Jungle Speed sont de bons choix. Ça réunit toute la famille», ajoute-t-il.

Sans oublier les bons vieux classiques, tels que Tabou, Cranium ou Quelques arpents de piège, qui n'ont pas pris une ride.

C'est un rendez-vous?

Alors, si jouer en famille ou entre amis est si bon, faut-il instituer une tradition? «Il faut que toutes les parties en aient envie et éviter que cela devienne une obligation. Si le climat est favorable, pourquoi ne pas maintenir cette tradition, comme le font certaines familles?», conclut la Dre Grou.

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* Le Randolph Pub ludique Quartier latin est un bar de jeux de société réservé aux adultes situé à Montréal. Il fête son cinquième anniversaire ces jours-ci.

PHOTO RAUL ARBOLEDA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Dans un cadre familial, les jeux peuvent s'avérer incroyablement fédérateurs, créant une «modalité de relation», selon la Dre Christine Grou, psychologue, neuropsychologue et présidente de l'Ordre des psychologues du Québec.