Sara Tremblay a toujours voulu des enfants. Quand elle s'est mariée, la technicienne informatique de Longueuil s'imaginait qu'elle en aurait un avant la trentaine. Mais à partir de la mi-vingtaine, Mme Tremblay a commencé à avoir une peur panique d'accoucher.

«Mon conjoint m'en parlait et je me sentais mal, dit Mme Tremblay, qui a maintenant 31 ans. Je pense que c'est parce que toutes les personnes qui m'ont parlé de leur accouchement ont eu des descriptions très négatives. J'en ai parlé à mon médecin, mais je n'ai pas eu d'aide. Je ne suis pas capable d'accepter que ça n'arrivera jamais, je travaille là-dessus. Je fais de la psychothérapie pour les phobies, même si ça progresse lentement. J'ai des passes de découragement, parce que les professionnels de la santé n'ont pas beaucoup d'écoute pour les femmes dans ma situation.»

Au moins une femme sur 60 a une peur phobique de l'accouchement, ou tocophobie, une proportion qui double chez celles qui ont déjà eu un accouchement difficile. La tocophobie fait l'objet d'une attention particulière des systèmes de santé scandinaves depuis la fin des années 90. Et depuis que l'actrice Helen Mirren a confié dans une entrevue en 2007 qu'elle n'avait jamais eu d'enfant à cause d'une phobie de l'accouchement, plusieurs cliniques s'y intéressent dans le monde anglo-saxon. Mme Mirren a lié sa phobie à une vidéo d'un accouchement qu'un professeur avait fait voir à sa classe lorsqu'elle avait 13 ans.

Un programme d'aide

L'an dernier, une psychiatre du Centre universitaire de santé McGill, Tuong-Vi Nguyen, a lancé un programme d'aide aux tocophobes. «Pour le moment, nous essayons de joindre des femmes qui seraient intéressées par un suivi médical, dit la Dre Nguyen. Nous voulons évaluer les facteurs de prédisposition, particulièrement chez les femmes qui ont déjà perdu un enfant lors d'un accouchement ou peu après. Le traitement sera probablement d'une dizaine de séances de groupe, avec des méthodes cognitivo-comportementales. Mais souvent, les patientes tocophobes évitent les hôpitaux. Et les traitements habituels des phobies prévoient parfois d'éviter l'objet qu'on craint, ce qui est évidemment impossible chez les tocophobes qui veulent avoir un enfant.» 

Selon elle, les cours prénataux ou des thérapies moins fréquentes, comme l'hypnose ou la «désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires» (EMDR), peuvent aider certaines femmes.

Selon la Dre Nguyen, 20 % des femmes enceintes pour la première fois ont une peur légère à modérée de l'accouchement et 6 %, une peur élevée. Il s'agit dans ce cas de tocophobie primaire, la tocophobie secondaire apparaissant après un premier accouchement. 

«Dans les cas extrêmes, ça peut mener à une césarienne ou même à éviter d'avoir des enfants. Parmi les femmes qui n'ont jamais eu d'enfant, dans un cas sur dix, c'est à cause de la tocophobie.»

C'est le cas de Chrystelle, une Montréalaise dans la cinquantaine qui a demandé à La Presse d'utiliser un pseudonyme pour ne pas que ses proches la reconnaissent. «J'ai déjà perdu connaissance sur la plateforme de métro parce que je suis tombée sur un article sur l'accouchement en feuilletant un magazine, dit-elle. Pour moi, ç'a toujours été hors de question d'avoir un enfant. Je me suis toujours tenue le plus loin possible de toute discussion sur l'accouchement et la maternité. Ce n'était pas toujours facile, parce que j'ai déjà travaillé dans le milieu de la santé.»

On peut participer au projet de la Dre Nguyen en écrivant à tocophobie@gmail.com.

Prédispositions et conséquences

> 6,4: Le risque de tocophobie est 6,4 fois plus grand chez les femmes dépressives. 

> 3,8: Le risque de tocophobie est 3,8 fois plus grand chez les femmes donnant naissance après 40 ans pour la première fois.

> 3: Le risque de tocophobie est 3 fois plus grand chez les femmes ayant déjà eu une césarienne.

> 3,3 à 4,5: Le risque de devoir avoir recours à une césarienne est de 3,3 à 4,5 fois plus grand chez les femmes tocophobes.

Source: BJOG