Même si les séparations des couples sont de plus en plus fréquentes (un mariage sur deux), les parents sont souvent inquiets lorsqu'ils apprennent que leur enfant se sépare. Comment réagir ? Que peuvent-ils faire pour leur venir en aide ? Chose certaine, ils ne souhaitent pas que leur enfant souffre, surtout lorsque les parents eux-mêmes sont passés à travers l'épreuve d'un divorce ou d'une séparation.

«On aurait voulu leur éviter ça»

L'écrivaine et journaliste française Christiane Collange, 85 ans, a divorcé trois fois à une époque où « seules les stars hollywoodiennes détenaient ce genre de records », écrit-elle. Dans son livre Quand nos enfants divorcent, elle confie qu'elle a été bouleversée lorsque deux de ses fils lui ont annoncé qu'ils divorçaient. Que pouvait-elle faire ? Quelle attitude adopter ? Et les petits-enfants ? Nous lui avons posé quelques questions.

Pourquoi s'inquiéter autant lorsque son enfant divorce ?

Dans les trois dernières années, sur mes quatre fils, il y en a deux qui ont divorcé. J'ai été surprise de voir que j'étais plus triste pour mes enfants que pour moi-même lors de mes divorces. Quand on se sépare, on porte en soi les raisons de la séparation, on sait pourquoi on le fait. On a à l'intérieur de soi la justification. Tandis que lorsque nos enfants divorcent, on se fait plus de soucis parce qu'on ne sait pas pourquoi ils se séparent, surtout dans mon cas, car ce sont des hommes et ils ne parlent pas beaucoup. Est-ce qu'ils en avaient marre ? Qu'est-ce qu'ils portent en eux ? On sait qu'ils vont souffrir parce qu'on a souffert soi-même. Et on n'a jamais envie que nos enfants traversent les mêmes épreuves que nous. On aurait voulu leur éviter ça.

On voit encore ça comme un échec ?

Ma génération, et même encore celle d'aujourd'hui, on a tous été élevés dans : « Ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et ils furent très heureux. » Quand on se met en couple, on a tous l'intention que ça dure, on ne se dit pas qu'on va le laisser tomber dans 10 ans ! On n'a pas envie que nos enfants vivent des moments douloureux, car se séparer, ça veut dire que ça va être plus compliqué pour les enfants et qu'il faudra des arrangements pour la garde, qu'il faudra se reloger, que ce sera plus difficile émotionnellement, d'un point de vue parental et financier. Le niveau de vie va forcément baisser, et on se dit : mais tout ça pour se retrouver dans un deux-pièces !

Il est très important de rester en bons termes avec les ex de vos fils ?

J'ai toujours fait très attention à rester en bons termes avec les mères de mes petits-enfants [les ex-femmes de ses fils] lorsqu'il y a un divorce. C'est quelque chose qu'on peut faire pour que ça se passe mieux, jouer un rôle bénéfique et ne pas juger. Et je dois dire qu'il y a une de mes ex-belles-filles que j'aime beaucoup et, au début, je n'ai pas compris pourquoi mon fils la quittait. Et je lui ai dit toute l'estime que j'avais pour elle, c'est important. Il ne faut pas toujours à tout prix défendre ses enfants. J'ai une de mes amies qui dit d'ailleurs que j'ai deux gendres : l'ex de ma fille qui est le père de mes petits-enfants et le nouveau compagnon.

Comment bien vivre avec les familles recomposées ?

Quand on a des familles recomposées, il faut vraiment essayer de prendre les petits-enfants qui vous tombent du ciel comme si c'était les vôtres. Ce n'est pas toujours facile, car quelquefois, ils vous refusent. Tout dépend aussi de la façon dont on se comporte. J'ai deux petites-filles de coeur [les enfants de la nouvelle conjointe de son fils] qui sont parfois plus intimes avec moi que mes petites-filles de sang parce que, pour elles, la grand-mère, c'est automatique. Alors que les petites-filles de coeur, elles m'ont choisie comme grand-mère. Elles auraient pu me refuser.

Pourquoi les divorces après 50 ans de mariage surprennent-ils toujours ?

Alors que c'est plus normal que les divorces des plus jeunes, non ? Et ça ne dérange personne ! Une fois à la retraite, après une vie bien remplie, ils se retrouvent l'un en face de l'autre et n'ont plus rien en commun et n'ont plus rien à se dire. C'est l'espérance de vie qui se prolonge qui a tout changé. La retraite à 65 ans arrive et les couples ont encore à vivre pendant 25 ou 30 ans !

C'est horrible ! Même chez les plus jeunes, je suis certaine que cette longévité doit jouer. Ils ont l'impression que la vie est tellement longue que, quand ça ne va pas, ils en recommencent une autre !

Quand nos enfants divorcent

Christiane Collange

Éditions Robert Laffont

PHOTO ASTRID DI CROLLALANZA, FOURNIE PAR LES ÉDITIONS ROBERT LAFFONT

L'écrivaine et journaliste française Christiane Collange.

Le jugement des parents

Sophia*, 40 ans, est séparée depuis 4 mois après avoir passé 18 ans avec son mari. Elle n'a pas eu le coeur de l'annoncer directement à ses parents, qui sont mariés depuis 47 ans. Elle a laissé ses deux soeurs, de qui elle est très proche, le faire. « Je n'avais pas envie de répondre à leurs questions et je ne m'en sentais pas capable. C'était une façon de me protéger », dit-elle.

Ses parents sont encore sous le choc. Elle a fini par leur en parler en donnant le moins de détails possible. Elle ne veut pas discuter de sa vie privée avec eux. « Je veux me distancer et je ne veux pas me replonger là-dedans, je reste dans les généralités. J'en parle à mes amis, mais pas à mes parents », confie celle qui est la mère de trois enfants de 6, 8 et 11 ans.

Sa soeur aînée s'est séparée il y a quelques années, mais son mariage battait de l'aile alors que le mariage de Sophia allait bien, du moins en apparence. « Ma mère m'a encore dit hier : "En tout cas, je me serais imaginé bien des choses dans la vie, mais je n'avais jamais pensé à ça" », en faisant référence à ma séparation, raconte Sophia. Et mon père m'a dit en déneigeant : "On est capables de déneiger juste toi et moi, on n'a pas besoin de ton mari !" Ce sont des petites choses comme ça que je trouve bien difficiles à entendre. »

Pour les parents de Sophia, le mariage, c'est pour la vie. Elle n'envie pas la relation très inégalitaire de ses parents qui sont d'une autre génération, âgés de 67 et 69 ans. Elle parle de son père comme de l'incarnation du macho et d'un mâle alpha. « Mon père décide de tout. Il est d'origine italienne, alors vous voyez le genre : pour lui, la famille, c'est sacré. Il a même dit à mes soeurs au sujet de mon mari qu'il devait bien lui manquer quelque chose, sinon il serait resté », évoque-t-elle.

Ses parents, même s'ils la soutiennent, peuvent être maladroits. « Ils ne veulent pas que je me retrouve toute seule. Ils sont tristes pour moi, je le sais, mais ils oublient que ce n'est pas leur vie. Au bout du compte, c'est mon mari qui m'a laissée et c'est moi qui gère ma peine », dit Sophia.

* Pour se confier en toute liberté, Sophia a préféré préserver son anonymat.

Comment annoncer la nouvelle

Beaucoup d'enfants appréhendent le moment d'annoncer à leurs parents qu'ils se séparent. Ils ont peur de leur réaction, surtout lorsque les parents sont stricts et traditionnels et que le mariage et l'unité de la cellule familiale sont sacrés.

« Ça peut heurter certains parents dans leurs valeurs et dans leur propre réalité, constate le psychologue François St Père, spécialiste en médiation familiale. Ils peuvent se dire qu'ils ne se sont jamais permis, eux, de se séparer. Dans d'autres cas, les enfants seront surpris de l'ouverture de leurs parents et seront étonnés devant leur réaction d'entraide. »

Selon lui, pour la majorité des parents, l'annonce de la séparation d'un enfant sera vécue comme un choc, alors que pour d'autres, ce sera un soulagement. « Quand on constate que son enfant vit avec une personne qui ne lui convient pas et que la relation est malsaine, on peut présumer que notre enfant sera mieux », estime-t-il.

Ce qui inquiète les parents, outre le fait que leur enfant risque de vivre une période difficile, c'est de savoir de quelle façon cette séparation aura des conséquences dans leur propre vie. Est-ce qu'ils verront moins souvent leurs petits-enfants ? Devront-ils aider financièrement leurs enfants ? Dans la plupart des cas, lorsqu'on se sépare, on s'appauvrit, on a besoin de se reloger, et on demande de l'aide.

Les parents pourront aider leurs enfants de différentes façons selon leurs forces et leurs qualités. Tous ne seront pas nécessairement de bons confidents. « Il y a des parents qui vont se sentir impuissants devant la souffrance de leurs enfants. Ils pourraient, par exemple, s'ils sont habiles manuellement, aider leur enfant à déménager, faire des rénovations ou encore aider à préparer les repas, garder les petits-enfants », suggère le psychologue.

Dur à encaisser

Doit-on protéger ses parents ? François St Père voit beaucoup de couples qui se séparent parce qu'un des deux conjoints a rencontré quelqu'un d'autre. Doit-on tout leur annoncer d'un seul coup ou les ménager ? 

« Il y a la séparation, puis en même temps, on apprend qu'il y a une nouvelle conjointe, qui a elle-même des enfants, et on veut leur présenter tout de suite ? Ça fait beaucoup à encaisser ! dit-il. Certains parents ne sont pas prêts à toutes ces annonces en même temps. Et ils pourront le vivre sous forme de trahison par rapport à l'ex-bru, qui a toujours été adorable et avec qui on avait des rituels... Ce sera difficile pour les parents qui, parfois, ne comprendront pas pourquoi leur enfant quitte leur conjoint. »