Depuis 25 ans, la dictée de la Fondation Paul Gérin-Lajoie interpelle des centaines de milliers d'enfants. L'objectif est de financer des projets de coopération ailleurs dans le monde, mais pour nos jeunes, c'est souvent l'occasion de se dépasser : combien de mots réussis, cette année ? Et quelles notes auraient les parents, à ces fameuses dictées ? Pause met toute la famille au défi.

Au fil des années, la Fondation P.G.L. a mis plus de cinq millions d'enfants au défi avec des dictées adaptées à leur niveau. À notre demande, sa direction a sélectionné des textes des dernières années, que nous vous soumettons.

Dictée du premier cycle du primaire

À mon école, on fait du bricolage, du dessin et de la peinture. On fait aussi des spectacles de théâtre. J'aime m'amuser toute la journée dans la grande cour de l'école. Ce lieu me donne souvent de nouvelles idées de jeux. Il faut leur trouver des noms amusants. L'été, on aime se promener sur l'eau. On peut aller avec ses amis dans un canot ou une chaloupe. Dans les pays chauds, c'est en pirogue. Mais pour mille personnes, il faut un paquebot!

Dictée du deuxième cycle du primaire

Ce sont des sacs de plastique que les humains ont jetés et que le vent a emportés jusqu'ici. Les rues de mon quartier sont toutes nommées en l'honneur de personnes célèbres. L'avenue où j'habite a été nommée en l'honneur d'un écrivain très connu. La route était magnifique. D'un côté, elle était bordée par de hautes falaises escarpées, et de l'autre, par d'immenses rochers. Malheureusement, cette eau a parfois des bactéries. Les enfants peuvent être malades du choléra ou de la typhoïde.

Dictée du troisième cycle du primaire

L'insalubrité de l'eau cause plusieurs maladies en Afrique, dont la fièvre jaune, la diarrhée et le paludisme. Des millions de personnes en meurent chaque année. Les trois quarts de la surface de notre planète sont recouverts d'eau salée. Peut-on rêver de la dessaler et de la rendre consommable, contrant ainsi la pénurie d'eau potable des régions arides d'Afrique? Les timbales simulaient un sourd grondement de tonnerre que les cymbales venaient interrompre d'un cinglant éclair sonore. L'estrade n'était soutenue que par des tréteaux et les accessoiristes avaient bordé la scène d'un drap garni de tulle mal attaché.

Dictée du premier cycle du secondaire

À la vue des pattes de mouche indéchiffrables, l'enseignant se demanda s'il s'agissait d'hiéroglyphes, d'une version moderne d'écrits cunéiformes, ou de quelque autre type d'idéogrammes. Loin des chemins asphaltés, Tao ne conçoit aucune crainte dans la jungle, habitué qu'il est à se frayer quotidiennement un layon dans une végétation suintante d'humidité, traversée de cavées inaccessibles, de bifurcations successives et de culs-de-sac. Fera-t-on fi des difficultés que recèlent la grammaire et la conjugaison, quelles qu'elles soient, le jour où l'on aura saisi que ces matières, souvent semées de chausse-trappes*, sont un passage obligé pour accéder à l'harmonie intrinsèque de la langue ? Les bibliothèques sont des cathédrales du savoir qui en ont effrayé plus d'un de prime abord ; mais sitôt les pages d'un livre entrouvertes, on oublie nos appréhensions, nos phobies ou notre effroi en entrant de plain-pied dans une aventure inattendue et fantasmagorique.

*Note : La nouvelle orthographe accepte aussi chaussetrappes.

Appel au public

Le 20 mars, pour souligner son quart de siècle, la Dictée P.G.L. invitera le public à mesurer ses connaissances en français dans une dictée spéciale, en ligne. Les mordus pourront s'inscrire sur le site de la Fondation P.G.L., pour ensuite amasser des dons au nom de l'organisme. Pour l'occasion, Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale du Canada, narrera le texte. À travers sa dictée pour les enfants et celle offerte au grand public, la Fondation récolte des dons pour soutenir des initiatives dans de nombreux pays en voie de développement. La participation des écoles à la Dictée P.G.L., et celle des familles au volet financement du programme, se fait d'ailleurs sur une base volontaire.

Consultez le site de la Dictée P.G.L.

Le français des jeunes n'est pas moins bon qu'avant

La question surgit dès qu'il est question de dictée : comment se porte le français de nos jeunes ? S'améliorent-ils, ou, comme en font foi leurs messages textes, malmènent-ils de plus en plus leur langue ?

« Ils ne sont pas moins bons qu'avant », tempère Olivier Dezutter, professeur de didactique du français et codirecteur du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture. « Les résultats des 15 ou 20 dernières années restent relativement stables. Le nombre d'élèves qui arrive à un niveau acceptable a d'ailleurs augmenté beaucoup au cours des 30 dernières années. »

Le professeur explique que, parce que les jeunes restent généralement plus longtemps sur les bancs d'école que leurs aïeux, ils ont ainsi l'occasion de se frotter davantage aux subtilités du français. Mais font-ils moins de fautes ?

Comparer le niveau de français et la qualité de l'orthographe des élèves d'une génération à l'autre est un exercice périlleux. Les changements de programme et l'évolution des interventions auprès des élèves en difficulté rendent les comparaisons hasardeuses.

N'empêche, le fait qu'en lecture, les élèves québécois se classent devant ceux de la France, de la Belgique et de la Suisse au classement du PISA - le Programme international de suivi des acquis - indique que l'enseignement du français n'est pas si mal au Québec, juge le professeur. Ce palmarès compare entre eux les adolescents de 15 ans des pays membres de l'OCDE dans trois domaines : les mathématiques, les sciences et la lecture.

« Est-ce que le français de nos jeunes est parfait ? Absolument pas ! Il reste du travail à faire, en orthographe, notamment », mais le portrait n'est pas sombre non plus, croit-il.

Plus éloquents

Difficile, donc, de comparer les générations entre elles. Par contre, Nagui Rabbat, directeur de la Dictée P.G.L., est convaincu que plus les années passent, plus les jeunes excellent dans l'art d'exprimer leurs idées à l'écrit.

« On a un concours qui s'appelle Allume tes lumières. On demande aux jeunes d'écrire un texte de 150 mots sur une thématique. Les textes que l'on reçoit sont extraordinaires », raconte-t-il.

Un constat qui se vérifie chez beaucoup de jeunes du secondaire, confirme Olivier Dezutter. « Généralement, les élèves québécois sont excellents pour structurer leurs idées, mais ils sont un peu moins bons en syntaxe et en orthographe. »

Il faut se garder, toutefois, de montrer du doigt les applications de messagerie et la technologie en général pour expliquer certaines difficultés. « Quand on voit les types de messages qu'ils s'écrivent, on se dit qu'ils écrivent n'importe quoi n'importe comment, explique Olivier Dezutter. Or, des études révèlent que les jeunes maîtrisent plusieurs codes d'écriture à la fois. Certains, plus en difficulté, peuvent peiner davantage à passer d'un code à l'autre, mais la majorité peut adapter son niveau de français selon le contexte. »

Allophone...et championne

Autre élément à considérer : l'intérêt que portent nombre de nouveaux arrivants à la qualité de la langue de leur province d'accueil. Aux 22e et 23e présentations de la grande finale de la Dictée P.G.L., c'est une jeune fille d'origine allemande qui a remporté les honneurs. Le français est sa troisième langue.

« La première année où elle a gagné, elle venait à peine d'arriver au Québec, se rappelle Kassandra Martel, chargée de la promotion à La Dictée P.G.L. Je devais communiquer avec les parents en anglais au sujet de la grande finale, et leur fille n'a fait aucune faute, même dans les phrases de départage, qui demandent un excellent niveau de français ! »