C'est enfin les grandes vacances. Pour faire un pied de nez à la routine et au train-train, prendre une pause et vivre enfin, plusieurs familles osent. Bye-bye, boss, hypothèque et autres obligations excitantes. Pendant six mois, un an ou plus, place au voyage et à la découverte. Mais comment faire pour préparer des enfants, par ailleurs élevés avec des horaires et des règles à respecter, à une telle aventure plus ou moins improvisée? Comment ensuite revenir et renouer avec la routine?

Oser partir

Janvier 2014. Dehors, il vente. On gèle. Il doit faire moins mille. Maximum. Attablée à un café du centre-ville, Valérie Vanderhacgen a les yeux pétillants d'une gamine qui se prépare à faire un mauvais coup. Et pour cause: d'ici quelques semaines, elle s'apprête à vivre la grande aventure. Six mois, avec son chum et ses trois fils, elle part sac au dos, voir le monde. Vivre le monde. Au programme: l'Amérique du Sud, l'Asie, l'Australie.

La maison n'est pas encore louée, mais elle vient de trouver un foyer pour le chat. Les vaccins sont pris, l'assureur, averti. Son employeur vient de lui accorder un congé. Quant aux enfants, les écoles sont prévenues, et même, coup de chance, plutôt enthousiastes. Des rendez-vous sur Skype avec les classes sont même déjà programmés, c'est dire.

Crise de la quarantaine

« C'est clair qu'on a eu un appel de la mi-vie. Mon amoureux vient d'avoir 40 ans. Moi, je vais les avoir au retour. Tu sais, on a tout fait ce qu'il fallait. On a été des enfants bien sages. On a fait notre bac, notre maîtrise, on s'est mariés, on a eu des enfants, une belle maison. Là, on a le goût de vivre quelque chose pour nous », explique-t-elle, visiblement fébrile. On le serait à moins.

« Certains s'endettent pour se faire creuser une piscine. Nous, c'est pour faire le tour du monde! », poursuit-elle en riant. Un tour du monde des pauvres, avec 125 $ par jour de budget pour les cinq, précise-t-elle. « On a choisi nos pays en conséquence. L'Europe, c'est sûr qu'on n'aurait pas pu... »

C'est à l'aîné des trois garçons, Adrien, 12 ans, qu'ils ont annoncé la nouvelle en premier. Un an à l'avance. « On savait qu'il avait beaucoup d'influence sur ses frères », explique la mère, diplomate. « Ce sont ses amis qui l'ont préoccupé. Ce n'est pas étonnant. » Le cadet (9 ans) s'est réjoui de ne pas avoir d'école pendant six mois (même si sa mère a bien l'intention de passer plusieurs heures par jour à faire « l'école à la maison »). Et le plus jeune (6 ans) n'a pas très bien saisi ce qui l'attendait.

Une pause

« Les garçons ont tous envie de partir, mais je ne pense pas qu'ils réalisent ce qu'ils vivront. Ils n'ont jamais fait de voyage rustique comme ça! Ils sont toujours allés à l'hôtel! Je sais qu'ils vont avoir un choc. »

Mais qu'importe, Valérie rêve surtout de vivre un grand moment avec ses enfants, pendant qu'il est encore temps. « Pendant qu'ils veulent encore de nous! », dit-elle, mi-sérieuse, mi-blagueuse. « On a toujours l'impression de courir. Entre le hockey, les devoirs, on a simplement envie d'une pause. »

Il faut dire que le père de son mari vient de mourir. Un ami de la famille vient aussi de succomber à un cancer. « C'est le temps de vivre, quoi! Il faut profiter de la vie! »

Pour en savoir davantage sur le voyage de la famille: http://leclanv.wordpress.com

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Christian, Valérie et leurs trois enfants, Adrien (11 ans), Nathan (9ans) et Louis (6 ans), partent six mois, sac au dos, faire le tour du monde.

Trois trucs pour bien partir

Bien sûr, il faut prévoir un jouet ou deux, de la lecture et, pourquoi pas, des films. Du temps pour découvrir. Mais aussi pour se reposer. Des visites qui les interpellent (bénis soient Les mystérieuses cités d'or, Kirikou ou Tintin). Tout cela va de soi. Mais comment les mettre dans le bon état d'esprit? Nadia Gagnier est psychologue, spécialisée en anxiété. Elle suggère trois trucs pour préparer les enfants (et leurs parents!) à un voyage autour du monde.

  1. Acquérir l'art de bien communiquer

    On le sait, en voyage, on est parfois les uns sur les autres. Dur, dur de préserver sa bulle, son espace vital. Pas moyen d'envoyer un enfant réfléchir dans sa chambre quand on partage un lit en tribu. Il faut apprendre à gérer les petits, moyens et grands conflits autrement. Et pour ce faire, mieux vaut s'y prendre à l'avance, croit la psychologue des familles. « Il faut prévoir des stratégies de communication pour que le voyage devienne un facteur de cohésion familiale, et non de conflit familial! »

  2. Faire semblant

    Même si l'enfant réagit bien au changement et n'est pas de tempérament inhibé, mieux vaut le préparer. La psychologue suggère, avant de faire le saut et le tour du monde, de commencer par des excursions de moindre envergure, histoire de le préparer mentalement à ce qui l'attend. « Cela va permettre à l'enfant de développer sa confiance en lui. »

  3. Responsabiliser

    Votre enfant vous pose mille et une questions? Qu'est-ce qui va arriver si l'on se perd, si l'on ne sait pas où dormir, quoi manger? Certes, il est important de le rassurer. De lui dire que vous avez des ressources. Des outils. Un plan B. Mais non, vous n'avez pas non plus réponse à tout. « On peut aussi retourner la question à l'enfant. Toi, qu'est-ce que tu ferais? Pour que l'enfant fasse une recherche dans sa tête. Le laisser chercher une solution, cela va lui donner confiance en lui. »

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Descente du Mékong, au Laos.