Chez les bambins, la proximité avec le parent qui se charge davantage de ses soins et qui le nourrit entraîne parfois une situation délicate. L'autre parent, avide de s'impliquer, se fait montrer la porte.

« Non, pas papa!» Cette phrase, Pierre-Yves Villeneuve, père de deux fillettes, l'a entendue à maintes reprises. Pourtant, il fait partie des pères qui ont pris un long congé de paternité et qui participent à fond à la vie familiale.

«Ça peut être frustrant, lance-t-il. Ce l'est principalement dans la répétition. Se faire rejeter par son enfant, plusieurs fois, ça vient nous chercher. On a des émotions, on les aime, nos enfants.»

Les filles de Pierre-Yves, Anaïs et Mathilde, ont désormais 5 et 6 ans. Il arrive aujourd'hui à passer du temps de qualité avec chacune d'elles et il a fait sa place, mais, il y a quelques années, pendant des périodes qui lui ont semblé interminables, il était persona non grata.

«Quand elles étaient plus petites, les périodes pendant lesquelles les bras de papa ne faisaient pas l'affaire étaient plus longues.»

Une situation difficile, mais classique, tempère Pierre Plante, psychologue et art-thérapeute. Il y a certes la dimension oedipienne chez certains enfants, mais elle n'explique pas tout. «Chez les petits, la mère est plus souvent favorisée, car c'est vers le parent nourricier qu'ils tendent à aller, explique-t-il. Dans les familles traditionnelles, avec un père et une mère, c'est probablement une période transitoire. Il va finir par y avoir une étape de relation avec l'autre parent.»

Garder le cap

Ne pas baisser les bras, donc, et faire comprendre à l'enfant que ses deux parents sont là pour lui. Et si la situation s'envenime? Surtout, ne pas faire sentir l'enfant coupable et, si possible, dédramatiser la situation et changer les idées du bambin en crise. Laisser papa mettre la tuque malgré les cris, mais ne pas en faire tout un plat.

«Si on embarque dans ce jeu-là, on va compliquer les choses, souligne Pierre Plante. On n'a qu'à tendre la main. L'enfant n'est pas rendu là dans son développement, mais ça va venir.»

Pierre-Yves se souvient avec émotion d'un moment où il a été profondément blessé par les propos de l'une de ses filles, qui aurait voulu que ce soit sa mère qui s'occupe d'elle. «Elle a dit: "Je t'aime pas." Alors je lui ai doucement répondu que, moi, j'allais toujours l'aimer. Elle en a rajouté en me disant que non, même plus tard, elle ne m'aimerait pas. J'ai mis deux jours à m'en remettre», se remémore-t-il.

Pourtant, quelques années plus tard, il dîne en tête à tête avec sa fille presque tous les jours, et il a développé une belle complicité avec elle. Les périodes «non, pas papa!» reviennent de temps à autre, surtout pendant les réveils nocturnes, mais Pierre-Yves comprend qu'il a une place pleine et entière auprès de ses enfants.

On s'inquiète?

Y a-t-il un moment où le rejet d'un parent s'avère plus préoccupant? «À l'âge préscolaire, ça peut arriver, mais si l'enfant est rendu à la fin du primaire et qu'on sent encore ce clivage, il y a peut-être un problème», explique Pierre Plante.

Il ajoute que la séparation des parents peut aussi entraîner un rejet. Le psychologue explique que lorsque la situation familiale se complique ou qu'un membre de la famille souffre de la distance qu'impose un enfant avec un parent, une aide professionnelle peut être indiquée.