Qui dit trisomie dit généralement risque, anomalie, déficience, bref, handicap. Rien de bien joyeux, on s'entend. On associe rarement la maladie à l'amour, encore moins au mariage. Et pourtant. Dans le cadre de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle (9 au 15 mars dernier), nous avons fait une rencontre surprenante avec deux jeunes amoureux, qui en ont finalement beaucoup à nous apprendre sur la vie et les relations à deux.

Certains se posent mille et une questions. Je l'aime, je ne l'aime pas. Un peu, beaucoup, pas du tout ? Pour la vie ? C'est long, la vie, non ? Avouez que vous vous reconnaissez. Et puis d'autres, non, vraiment pas. Ils aiment, tout simplement. Parce que c'est comme ça.

« Je l'aime parce qu'elle est belle. Super belle. Pis elle fait des buts au soccer! »

« Il est beau. Il est fort. Et je l'aime. C'est tout! »

Raphaël et Karine ont respectivement 19 et 20 ans. Les fiancés (parce qu'ils comptent se marier, au plus tard à l'été) sont tous deux atteints de trisomie 21. Ils sont ensemble depuis plus de cinq ans. Cinq ans, quand on a 20 ans, c'est une éternité. Et pourtant, ils ont l'air de deux tout jeunes amoureux.

Pendant notre entretien, ils se tiennent par la main. Ils ne se font pas prier pour se coller. S'embrasser. Ils se taquinent. La complicité est palpable. Et puis parfois, sans crier gare, ils ont tout à coup l'air d'un vieux couple. Comme quand Karine reprend son amoureux. Ou quand Raphaël l'implore, deux fois plutôt qu'une, de lâcher enfin son téléphone.

« La femme de ma vie »

Mais la plupart du temps, ils se regardent, amoureusement. « C'est la femme de ma vie. Je l'aime beaucoup. Des fois, elle est un peu tannante, mais pas beaucoup. Comme quand elle veut écouter Marie-Mai. » Les deux amoureux éclatent de rire. « Il est beau, il est fin, on rit ensemble, et on se ressemble. »

« Ils n'ont aucune rancune. Le pardon, c'est leur mode de vie. Ils vivent vraiment le moment présent, explique la mère de Karine, Tania Garofalo. Ils s'aiment. Ils se le disent. C'est une mégaleçon de vie. » Chantal Aubry, mère de Raphaël, et elle, racontent avec plaisir la rencontre des deux jeunes amoureux. La toute première fois, c'était sur un terrain de soccer. Raphaël, qui aime « les belles femmes », est tout de suite tombé sous le charme de « la belle fille du terrain ». Mais, manque de bol, pas elle. Sans le ménager, elle lui a fait comprendre, du haut de ses 14 ans, qu'elle ne voulait rien savoir. Un an plus tard, les deux ados se retrouvent dans la même école, la même classe. Et cette fois, c'est la bonne.

« Tu veux être ma blonde? » « Ben oui, je vais être ta blonde. » Pas plus compliqué que ça.

Comme tous les ados, ils écoutent de la musique, ils dansent, ils regardent des magazines ensemble. Ils vont au resto, au cinéma. Depuis peu, ils font la cuisine, aussi. Raphaël se vante d'être « pas mal bon ». Ils dorment de temps en temps ensemble, sans plus. Karine prend la pilule, et Raphaël, lui, n'aime pas parler de tout ça. « On nous parle tout le temps de sexualité à l'école. Moi, je suis pas là. » Chose certaine, ils ne veulent pas d'enfant. « Eux, ce sont encore de grands enfants », glissent leurs mamans...

La grande demande

Puis, l'an dernier, le jour de ses 17 ans, Raphaël a fait la grande demande à sa blonde. « Veux-tu être ma femme? »

« Karine a mis sa main devant sa bouche : «Oh! my God. Oui!» Elle avait les yeux pleins d'eau. Le bonheur, nullement mesurable, était tellement palpable. Une belle leçon de vie », souligne Tania.

Du coup, Raphaël s'est mis à chercher des robes pour sa Karine, qu'il montre fièrement sur son iPad. Les deux amoureux ont aussi commencé à fouiller dans les magazines de décoration, parce qu'ils souhaitent aussi très fort partir ensemble un jour en appartement. Et leurs mères font tout, mais tout, afin de les outiller pour qu'ils y arrivent. « Moi, je sais faire le lavage toute seule. La bouffe aussi », témoigne Karine. « Moi aussi, des fois, je fais mon lavage », ajoute Raphaël. « Oui, mais.. lui, il plie pas! », le taquine Karine. Chassez le naturel...

LA TRISOMIE EN CHIFFRES

> 1 : Maladie génétique la plus commune à la naissance

>125 : Nombre de naissances de trisomiques au Québec chaque année

>10 500 : Nombre de Québécois qui vivent aujourd'hui avec la trisomie 21

>55 : Espérance de vie aujourd'hui, alors qu'elle n'était que de 9 ans en 1930.

D'après une étude danoise réalisée auprès de 2000 personnes vivant avec la trisomie 21 en 2014 : 

>80 % vont à l'école jusqu'à leurs 18 ans

>4 % ont un métier à temps plein

>1,5 % se marient

>0 % divorcent