Oubliez les parents hélicoptères, couveurs et hyper protecteurs. Une approche pédagogique aux antipodes de l'hyperparentalité ambiante fait un tabac ces jours-ci à Hollywood. Tobey Maguire et Jamie Lee Curtis ne jurent apparemment plus que par le RIE (pour Resources for Infant Educarers, ou ressources pour les donneurs de soins aux enfants), une philosophie qui est du coup le sujet de bien des débats.

Centrée autour du respect absolu du rythme de l'enfant, l'approche vise le développement de la confiance en soi et de l'autonomie, par des méthodes qui en laissent plusieurs perplexes. 

«L'éducation du RIE fonctionne-t-elle? Les avantages et inconvénients d'élever un enfant comme un adulte», a tout récemment titré le Vanity Fair. «Pas de parler bébé, pas d'encouragement, pas de suce, pas de jouet : la nouvelle pédagogie à la mode traite les bébés comme des adultes», a renchéri le Daily Mail.

Nouvelle lubie de vedettes en mal de pub ou véritable philosophie éducative? Nous avons interrogé la directrice du centre à Los Angeles, Deborah Carlisle Solomon, pour en savoir plus.

Q: Comment expliquez-vous l'effervescence entourant le RIE depuis quelques semaines?

R: Je viens tout juste de publier un livre, Baby Knows Best, et je crois que l'attention médiatique est liée à cette publication. Dans les dernières années, nous avons beaucoup parlé des parents hélicoptères. Or le RIE est l'antidote de cette hyperparentalité. Nous touchons donc ici une corde sensible. Le RIE donne des outils très concrets aux parents pour être en mesure de s'asseoir, relaxer et, surtout, observer leurs enfants. Et c'est d'ailleurs en prenant ce recul qu'ils seront en mesure de prendre conscience de toutes les compétences de leur enfant. Votre enfant joue et se bat contre un couvercle? Avant de vous précipiter pour l'aider à le dévisser, arrêtez-vous donc un instant, observez-le, et voyez comment il est capable de se débrouiller tout seul...

Q: Qu'est-ce qui est si révolutionnaire dans cette approche?

R: Bien des parents ont de très belles idées pour élever leurs enfants. Mais ici (et je précise que cette théorie n'est pas nouvelle, mais a été conçue dans les années 40 par Magda Gerber, une pédagogue hongroise qui a émigré à Los Angeles dans les années 50), nous proposons des outils très pratiques, facilement applicables. En gros, nous disons: ralentissons, expliquons à nos enfants ce que nous faisons (je vais changer ta couche, chauffer un biberon, etc.), et donnons-leur une minute pour digérer notre information. Non, il ne s'agit pas du tout de traiter les enfants comme des adultes, au contraire, laissons-les être des enfants, mais traitons-les avec respect. RIE a été fondé en 1978, il y a près de 40 ans. Alors, dire qu'il s'agit là d'une nouvelle philosophie, c'est un peu réducteur.

Q: Quels sont les principes fondamentaux de cette philosophie?

R: Le point de départ, c'est de voir l'enfant non pas comme un être fragile et sans défense, mais bien comme un être compétent. C'est fondamental. Et c'est déterminant, dans nos interactions. Nous croyons donc que les enfants, mêmes nouveau-nés, sont des êtres humains capables, par exemple, de communiquer. S'ils pleurent, c'est qu'il y a une raison. Concrètement, nous suggérons donc aux parents de prendre une pause pour essayer de comprendre ces pleurs, avant de systématiquement se précipiter pour les consoler. Ce faisant, ils trouveront certainement des réponses appropriées. Est-ce qu'ils sont mouillés, fatigués, mal habillés?

Q: On vous reproche une approche négative: pas de jouets, pas de parler bébé, pas de transat d'éveil, etc. Que répondez-vous à ces critiques?

R: Nous n'avons jamais dit que nous étions contre les jouets! Bien sûr que les enfants ont besoin de jouets. Mais il leur faut des jouets passifs. Nous croyons que plus les jouets sont actifs (lumineux et bruyants, la télévision étant l'exemple ultime du jouet actif), plus ils encouragent la passivité. Un jouet ne doit pas divertir, mais encourager l'exploration. Quant au parler bébé, oui, il faut parler aux enfants, mais avec naturel, tout simplement. Dans le respect, toujours. Les transats d'éveil, soucoupes et jouets du genre, enfin, empêchent le mouvement naturel de l'enfant. Nous ne sommes pas pour ce genre de jouets pour la simple et bonne raison que l'activité principale d'un enfant, justement, est de s'exercer à se déplacer!

Q: Prendre son temps avant de réagir, donner du temps à l'enfant pour jouer, le laisser se débrouiller tout seul, tout cela relève du gros bon sens, finalement. Pourquoi en faire une école de pensée?

R: Parce que, mine de rien, cela prend de la pratique! Peut-être est-ce parce que nos vies vont si vite. Mais très vite, on embrigade nos enfants dans une routine qui est parfois épuisante. Les activités de natation, de gymnastique, l'hyperstimulation, c'est trop. Et c'est très lourd pour les parents. Nous, ce qu'on dit, finalement, c'est de ralentir.