Diane Lavoie vient de faire paraître un récit bouleversant qui s'intitule Tremblement de mère (éditions Flammarion). À 47 ans, elle décide d'adopter, seule, un enfant. « J'ai eu cet instinct extrêmement fort de vouloir devenir mère. J'admets qu'il est arrivé tardivement », confie l'auteure.

Juste après le tremblement de terre d'Haïti, Mélodine, 3 ans, atterrit le 31 janvier 2010 à Montréal. Diane n'a pas eu le temps de préparer sa chambre, car elle est arrivée plus vite qu'elle l'aurait imaginé. « J'ai fait ma demande en mai 2009 et elle est arrivée en janvier 2010. » La douleur de la petite Mélodine est grande. Pendant plus de deux mois, elle hurle toutes les nuits. Diane est chamboulée et impuissante face à tant de colère. Elle ne dort plus. « Ma fille est arrivée à 3 ans. C'est plus complexe que si je l'avais eu bébé, à 6 ou à 12 mois. Disons que je n'aurais pas eu ces problèmes aussi rapidement. J'aurais pu me préparer davantage. J'ai sous-estimé cette difficulté », explique-t-elle. 

Designer de costumes pour Radio-Canada, Diane a toujours mené une existence sereine. Elle travaille, s'entraîne, bricole, se promène avec ses chiens. « Perdre sa liberté, c'est difficile pour toutes les femmes », dit-elle. Aurait-elle eu plus de soutien si elle avait été en couple ? « Après ce que j'ai vécu, j'ai de la misère à croire qu'un conjoint aurait été d'une grande aide. Devant la gravité de la situation, on se serait accusé mutuellement. Un enfant qui hurle trois à quatre fois par nuit et qui ne s'arrête pas pendant trois heures, tu ne peux pas laisser ton conjoint y aller seul et te rendormir. C'est impossible. J'ai perdu 20 lb en 2 mois.» 

Renoncer au suicide

«J'étais à bout de force. Quand tu ne dors plus et que tu es hyper fatiguée, il n'y a plus rien. Tu n'as plus de jugement », se souvient-elle. Après quelques mois, elle craque. Elle veut tout abandonner et en finir. Le pire, Diane Lavoie ne l'a pas seulement imaginé. Elle se rend jusqu'au fleuve et « marche dans l'eau, vers le large, des somnifères dans [sa] poche ». « Qui s'occuperait de ma fille ? Quelqu'un de mieux ? », s'interroge-t-elle dans son livre. Elle renonce au suicide et se rend à l'hôpital psychiatrique où elle se dit qu'enfin, on va prendre soin d'elle. Elle y séjourne quelques jours. 

« J'ai arrêté de mourir quand j'ai eu peur que l'asile me tue , écrit Diane Lavoie. Vous savez, la frontière avec la folie est mince, on frôle tous la clôture d'une certaine façon. On ne veut pas en parler de peur que ça nous arrive. Le suicide est un sujet extrêmement sensible et tabou. Personne ne me parle de ça. J'ai donné beaucoup d'entrevues au sujet de mon livre, mais personne n'a évoqué le fait que je me sois rendue au suicide. » 

N'a-t-elle pas demandé de l'aide ? Crié au secours avant d'être totalement désespérée ? « J'aurais dû demander de l'aide quand ma fille est arrivée, c'est vrai. J'ai dépassé cette étape parce que je n'avais plus de jugement. Ou alors étais-je obstinée ? Peut-être. Tous les individus ont de la misère à demander de l'aide. Point. J'ai des amis qui insistent pour repeindre la façade de ma maison et ça me tue. J'ai mal au ventre. Et pourtant, ce sont eux qui insistent. » 

Un livre écrit pour sa fille

Aujourd'hui, Mélodine a 6 ans. Elle va à l'école, a un bon tempérament, est très sensible aux autres. Elle fait encore de grandes colères « qui doivent être reliées à sa vie, à l'abandon », estime Diane, sa mère. Ce livre, elle l'a écrit pour sa fille. « Je voulais lui expliquer comment elle est arrivée dans ma vie. Je souhaite aussi qu'elle ait la clé de sa souffrance. Cette misère-là, elle vient de moi, je veux que ça soit clair. » 

Diane Lavoie considère que son histoire est somme toute assez banale et surtout, que la fin est heureuse. « On pense tout le temps que ça arrive aux autres ce genre de choses. Si je lisais mon livre, je me dirais: " oh, pauvre madame, c'est impossible, je ne pourrais pas vivre un événement pareil. " Heureusement, on a en chacun de nous une certaine inconscience, sinon on serait pétrifiés par tout ce qui peut survenir dans une vie. Je ne pense pas que ça puisse décourager des femmes d'adopter. Je ne pouvais pas être mise en garde pour tout ce que j'ai vécu, ce n'était pas prévisible. » 

Tremblement de mère, Diane Lavoie, Flammarion Québec