« Qu'arrive-t-il si une femme utilise les ovules qu'elle a fait congeler à 42 ou 43 ans et qu'elle ne tombe pas enceinte ? Les femmes doivent avoir un plan B. »

Si certains médecins sont très enthousiastes à l'égard de la congélation d'ovules, d'autres, comme le DrHananel Holzer, préfèrent ne pas en faire la promotion auprès des femmes qui veulent simplement remettre leur grossesse à plus tard.

Le Dr Holzer est directeur médical du Centre de reproduction McGill, pionnier en matière de congélation d'ovules. C'est là que le premier bébé canadien issu d'un ovule congelé est né, en 2005.

« J'essaie de ne pas promouvoir un service dont nous ne sommes pas certains du taux de succès et des implications dans la vie du patient », explique-t-il.

À McGill, les femmes en santé qui veulent faire congeler leurs ovules doivent obligatoirement rencontrer la psychologue du centre pour discuter de leurs attentes. Elles doivent être conscientes que la congélation des ovules n'est « pas une garantie » pour avoir un enfant.

Selon le Dr Holzer, les femmes ont de 30 à 40 % de chances de tomber enceinte à chaque traitement, selon l'âge qu'elles avaient lors du prélèvement d'ovules. À McGill, l'âge moyen des patientes qui font congeler leurs ovules pour des raisons personnelles est de 38 ans et demi. Un âge où la fertilité est déjà en déclin. Certaines femmes auraient donc avantage à essayer de tomber enceintes sans plus tarder, que ce soit avec leur partenaire ou en ayant recours au don de sperme.

En octobre dernier, l'American Society of Reproductive Medicine a d'ailleurs invité la communauté médicale à la « prudence » quant à l'utilisation de la congélation d'ovules pour des raisons personnelles. Le mieux, a-t-elle rappelé, est d'avoir des enfants de façon naturelle à un âge approprié.

Directeur médical de la clinique Ovo, le Dr François Bissonnette souligne que le prélèvement d'ovules, comme d'autres gestes médicaux, peut entraîner des complications. « Lorsqu'on utilise un artifice médical pour corriger une situation qui n'est pas médicale, on peut se questionner d'un point de vue éthique », dit-il. Selon lui, la congélation d'ovules pourrait être une option intéressante pour les femmes qui risquent de perdre leur fertilité de façon hâtive.

Un acte de « médecine préventive » ?

Fondateur du Centre de reproduction McGill et directeur du Centre de reproduction de Montréal, le DrSeang Lin Tan convient qu'il est préférable d'avoir des enfants jeunes. Selon lui, le gouvernement devrait même faire des campagnes publicitaires pour aviser la population des risques d'attendre trop longtemps.

« Cela dit, pourquoi les femmes qui veulent développer leur carrière avant d'avoir des enfants ne pourraient pas le faire si les hommes, eux, peuvent le faire ? », demande le Dr Tan.

Si elles font congeler leurs ovules lorsqu'elles sont jeunes, les femmes diminuent leurs risques de donner naissance à des enfants atteints de trisomie 21 ou de malformations génétiques, souligne le Dr Tan. Il en conclut que la vitrification d'ovules constitue un acte de « médecine préventive » qui devrait être couvert par la Régie d'assurance maladie du Québec. « Toutes les femmes devraient penser à le faire », dit-il.

La congélation d'ovules est appelée à devenir de plus en plus répandue, selon le Dr Jacques Kadoch, directeur médical de la clinique de procréation assistée du CHUM. « La technologie existe, dit-il, et je pense que ce serait dommage de s'en priver. »