Chirurgienne cardiaque pédiatrique

Nancy Poirier est chirurgienne cardiaque pédiatrique au CHU Sainte-Justine. Au Québec, on compte ces spécialistes sur les doigts d'une main. La profession est très exigeante physiquement: Dre Poirier est de garde une semaine sur deux, elle passe de longues journées debout au bloc opératoire et procède à des opérations complexes sur des petits patients pesant parfois à peine 600 grammes!

Elle opère près de 160 enfants par année. Elle met aussi à profit ses compétences à l'Institut de cardiologie de Montréal, tout en enseignant la chirurgie à l'Université de Montréal. Du temps pour une famille? Pas évident. Après deux ans de pratique et mûre réflexion, elle est quand même devenue mère. Ses enfants ont 9 et 7 ans. «C'est un gros challenge. D'autant plus que mon plus vieux est autiste, il a de gros handicaps physiques et d'apprentissage, et ma plus jeune a des troubles de langage. Il faut avoir une conception solide de la famille, et du couple, pour y croire.»

La conciliation travail-famille? Elle serait impossible sans aide. «On a une «nanny» qui travaille 12h par jour, 5 jours semaine, même si les enfants sont à l'école. Ne me demandez pas où sont les détergents! Quand je suis à la maison, c'est pour être avec les enfants. » Son objectif: voir ses enfants au moins une fois par jour, pendant une heure. Plus facile à dire qu'à faire. « S'il y a des meetings, je les organise tôt ou en soirée quand les enfants sont couchés.» Un tuteur se charge des devoirs. La fin de semaine est axée sur la famille: la physio, les cours de piano et le sport. «M'arrêter? Je connais pas.» Elle espère qu'en famille, ils trouveront toujours des solutions pour être heureux et en unité.

Pour cela, elle fait des compromis professionnels «sinon tu ne vois pas tes enfants». Les soins de ses patients sont en tête de liste. Passionnée, elle aimerait faire plus de recherche. Mais elle choisit les projets et les comités les plus importants. Elle a d'ailleurs organisé l'été dernier le 6e Congrès international de transplantation pédiatrique. Elle dit être meilleur médecin depuis qu'elle est maman. «Mes enfants m'ont fait découvrir la vie. Grâce aux enfants, on vit la vie à 150 milles à l'heure, les joies, les bonheurs, comme les difficultés et les peines. Ça nous humanise.»

Selon elle, «le rôle premier d'un parent est de voir à que ses enfants soient aimés, bien nourris, bien entourés. Mais le plus important, c'est de leur faire voir le monde - on va en Tanzanie au printemps -, les aider à prendre de bonnes décisions, leur donner des outils pour voir grand, qu'ils soient capables de réussir en fonction de leurs capacités, qu'ils se découvrent une passion, qu'ils s'épanouissent.»

Dans ce tourbillon, il ne faut pas oublier le couple, souligne-t-elle. «C'est important de se retrouver à travers tout ça. Deux fois par année, on part en couple pendant une semaine. C'est aussi important de savoir demander de l'aide. On a des familles bien présentes et un très bon réseau d'amis.»

Les familles québécoises sont choyées, avance-t-elle. «Je reviens d'un voyage humanitaire en Égypte, plusieurs familles n'ont même pas la base. Quand on se préoccupe de conciliation travail-famille, c'est que ça va bien. On doit apprécier ce qu'on a, même si on peut se questionner. Par exemple, la majorité des parents qui ont des enfants avec des difficultés d'apprentissage n'ont rien. Parfois un parent doit lâcher son job en raison du manque de ressources. Il y a beaucoup à faire dans le système de santé...»