Qui, de votre conjoint ou de vous, joue le plus avec les enfants? Qui s'occupe des devoirs? De rester à la maison quand fiston a la gastro? Une étude d'envergure portant précisément sur les soins aux enfants, qui sera dévoilée cette semaine au congrès de l'Association francophone pour le savoir, lève le voile sur la question.

Philippe Pacaut, chercheur au ministère de la Famille et des Aînés, s'est penché sur le cas de 1000 familles tirées de l'étude longitudinale sur le développement des enfants au Québec, qui s'étale sur de nombreuses années. La question, posée la dernière fois en 2006, a été posée à des parents ayant au moins un enfant de 8 ans.

Résultat? Dans neuf familles sur dix, les pères jouent autant ou plus souvent avec les enfants que leur conjointe.

Les pères ont aussi une bonne performance pour ce qui est de mettre l'enfant au lit: dans 54% des cas, le partage est au moins égal entre les deux conjoints; idem pour le transport, alors que le père véhicule son enfant ici et là aussi souvent que sa conjointe ou plus souvent qu'elle dans 52% des cas.

Là où les pères s'investissent beaucoup moins et où les mères doivent vraiment compenser, c'est aux chapitres de la maladie et de l'aide aux devoirs. Quand un enfant est malade et que l'un des deux parents doit s'absenter au travail, le partage n'est égal ou supérieur dans le cas du père que dans 28% des couples. Pour l'aide aux devoirs, le père (35%) reste aussi au second plan.

Beaucoup d'études au Québec se sont intéressées au partage des tâches, mais M. Pacaut trouvait intéressant de voir quelle était la nature précise des tâches de chacun.

Pas encore égal

Ses conclusions rejoignent celles de Francine Descarries, professeure au département de sociologie de l'UQAM. «Depuis les années 90, l'implication paternelle a augmenté. Les pères sont beaucoup plus proches qu'avant de leurs enfants, particulièrement dans les activités dites de socialisation: le jeu, le coucher des enfants, le transport aux activités sportives. Par contre, prévoir les repas, faire les lunchs, aller chez le médecin relèvent encore de la mère, ce qui fait que, même s'il y a amélioration, on n'a pas atteint une répartition égale des tâches.»

Le conjoint ira faire l'épicerie, «mais ce sera la femme, le plus souvent encore, qui aura fait la liste. La responsabilité mentale de la tâche des repas continue d'incomber majoritairement aux femmes», poursuit Mme Descarries.

«Les statistiques démontrent que les mères continuent de faire 20% moins de travail salarié et continuent à la maison d'être un peu plus assignées au travail domestique. Le réflexe est encore très PPP côté masculin: le pelletage, la pelouse, la peinture, les poubelles. Et une chose qui n'a pas du tout changé, c'est que les femmes ne touchent jamais aux vidanges à moins d'être seules!»

Le problème, dit Mme Descarries, c'est que les tâches des hommes peuvent être plus facilement délaissées ou reportées que celles des femmes. Faire un lunch, ça ne peut pas être retardé de quelques jours. La pelouse, oui.

«Il est bon de voir que le père est plus présent qu'avant dans la vie des enfants, mais il reste que de jouer avec les enfants ou les mettre au lit, c'est la partie la plus agréable, alors que les devoirs...», fait observer Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

Elle s'inquiète surtout du fait que les femmes sont encore nettement plus celles qui s'absentent du bureau quand l'enfant est malade ou doit aller chez le médecin. Tout ça peut avoir un impact sur l'avancement et, de façon plus globale, «à moyen terme, ça peut donner une mauvaise impression et faire en sorte que dans un milieu donné, on en vienne à se dire que la prochaine fois, il vaudra peut-être mieux embaucher un homme».