Être parent constitue une énorme responsabilité. La dépendance physique d'un enfant est plus grande et plus longue chez les humains que chez toute autre espèce. Psychologiquement, le processus d'acquisition de l'autonomie est complexe et très exigeant, pour les parents comme pour l'enfant. La situation actuelle de la famille laisse les parents plus seuls que jamais pour assumer leur rôle d'éducateur. Le désir de rendre ses enfants heureux est présent chez la très grande majorité des parents. Mais qu'en est-il des moyens pour y arriver? De la culpabilité de ne pas y parvenir?

Le désir d'avoir un enfant est constitué de rêves autant que de réalité. Il n'y a pas que l'enfant qui ne soit pas connu à l'avance. On ne connaît pas non plus ses propres ressources ni ses limites dans cet univers qui a peu en commun avec les autres expériences vécues. La tendance à idéaliser l'enfant attendu est bien connue. Il faut aussi s'interroger sur les intentions louables, mais souvent irréalistes, du parent qui projette faire plus et mieux que ce qu'il a vu autour de lui.

Un pouvoir limité

Le parent a beaucoup de pouvoir sur l'enfant, mais, heureusement pour tous, il n'est pas tout-puissant. Il en va de la liberté de l'enfant, de sa capacité de développer ce qu'il est, plutôt que de correspondre à un modèle, fût-il le modèle parfait, sans souffrance et sans faille, caressé par le parent. Il en va aussi de la possibilité pour le parent de faire des erreurs sans qu'elles aient un impact définitif.

Au cours des dernières décennies, un nombre incalculable de livres et d'articles sur l'éducation et la façon d'être un bon parent ont été publiés. Il est vrai qu'une meilleure compréhension du développement de l'enfant permet de mieux ajuster ses interventions. Les connaissances acquises et diffusées sur l'attachement, la communication, les émotions et leur expression, notamment, sont utiles pour enrichir notre réflexion et nous guider comme société et comme parents. Il y a toutefois un effet pervers à en faire des règles. La réalité quotidienne pose des défis que le meilleur des livres n'avait pas prévus.

Idéal et réalité

Comprendre l'autre, même son propre enfant, n'exige pas que connaissance, temps et écoute. La sensibilité est un atout indispensable. Elle peut toutefois être exacerbée au point d'embrouiller la vision. L'amour, les efforts et la générosité peuvent ne pas donner les résultats attendus. Le parent a la responsabilité d'encadrer son enfant, de servir d'appui à son développement, de mettre à sa disposition ce qui peut lui permettre d'être heureux. Il le fait à l'intérieur de ses limites d'être humain. On ne devient pas surhumain le jour où on devient parent. Heureusement. Il le fait aussi à l'intérieur des limites posées par les caractéristiques de l'enfant et par la nature de leur relation. À titre d'exemple, tous vous diront qu'il vaut mieux être calme et ferme. Or, tous les êtres humains, y compris les parents, perdent leur calme et n'arrivent pas toujours à rester fermes, particulièrement lorsque la relation est aussi chargée d'émotions. On tend vers un idéal. On n'est pas coupable de ne pas s'y conformer.

La culpabilité nuit aux parents et aux enfants. Les premiers perdent de vue ce qu'il y a d'heureux dans cette aventure pleine de surprises qu'est la relation parent-enfant, et les seconds sont privés de ce qu'il y a de plus précieux pour un enfant: avoir des parents heureux.

Rose-Marie Charest est présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Vous pouvez lui faire part de vos commentaires ou suggérer des thèmes de chroniques à vivre@lapresse.ca