De plus en plus de pères québécois se prévalent du congé de paternité depuis sa création, en 2006. Alors que 57% des nouveaux pères l'ont utilisé la première année, ils ont été 75% à le faire en 2009. Ces chiffres dépassent les prévisions du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP).

«Dans nos projections, en 2006, nous avions prévu que la popularité du congé irait en augmentant, mais pas au point où cela s'est produit. Les résultats ont dépassé nos objectifs et ça a continué d'évoluer», note Geneviève Bouchard, présidente-directrice générale du Conseil de gestion de l'assurance parentale.

Le Québec connaît depuis quelques années un petit baby-boom. Les naissances ont augmenté de plus de 16% depuis la mise en place du congé, et de 9,8% dans le reste du Canada. Avant l'instauration du congé de paternité, seulement 25% des pères profitaient du congé parental (voir encadré). Ils étaient ainsi moins portés à prendre des congés pour s'occuper de leurs enfants.

«Il y avait une demande très forte mais, dans le milieu de travail, ils se faisaient dire: "Pourquoi c'est pas ta femme qui prend congé?"» explique Diane-Gabrielle Tremblay, professeure au département économie et gestion de la Télé-université de l'UQAM. «Avec le congé de paternité, maintenant, c'est normal qu'ils s'absentent même pour d'autres congés. C'est un droit, mais c'est aussi perçu comme quelque chose de légitime. Les hommes avaient besoin d'un contrepoids.»

La popularité du congé de paternité doit aussi beaucoup à l'évolution sociale du Québec dans les dernières années, croit Diane-Gabrielle Tremblay: «Un certain nombre de pères ne voulaient pas être des pères absents.» Aujourd'hui, le compromis travail et famille n'est plus négociable pour bon nombre d'entre eux.

«Pour moi, c'était une évidence que j'allais prendre tous mes congés. Je ne sais pas si c'est parce que je suis de la génération Y, mais la vie de famille, cela me passionne, dit Sylvain Martin, un jeune papa de 29 ans. C'est important pour moi de ne pas passer ma vie à travailler comme un fou.»

S'il reste aux hommes un territoire à conquérir, c'est celui du congé parental de 32 semaines, qui reste souvent l'apanage des mères bien que les deux parents puissent le partager. Selon le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), la proportion d'hommes qui l'utilisent est passée de 18,2% en 2006 à 21% en 2009: une évolution encore marginale.

Ce n'est pourtant pas toujours l'envie qui manque. Au contraire: Patrick Maheux, 38 ans, a partagé le congé d'un an avec sa conjointe à la naissance de leur deuxième enfant. Cet agent de communication sociale à la Ville de Montréal vient tout juste de retrouver son poste après 20 semaines de tête-à-tête avec son fils, aujourd'hui âgé de 1 an.

«Au début, c'est ma conjointe qui l'avait proposé, raconte-t-il. Elle se souvenait que, lors de la naissance de notre premier enfant, elle avait eu hâte, au bout d'un an, d'avoir une discussion d'adulte. Je ne vous cacherai pas que, en décembre 2009, nous avons songé à repousser le congé, mais finalement cela s'est très bien passé.»

Si bien, en fait, que c'est avec un gros pincement au coeur que Patrick Maheux a retrouvé le chemin du bureau. «Cette période a été l'un des plus belles de ma vie. C'est très agréable être à la maison, de voir son enfant grandir... Cela ne reviendra jamais. Je ne vous cache pas que la rentrée au travail a été difficile! Mon petit garçon, je l'ai dans la peau.»

La tendance du père très paternel se maintiendra-t-elle? Diane-Gabrielle Tremblay le croit: «La participation du père, clairement, va aller en augmentant.» Le travail à temps partiel (quatre jours par semaine) s'est répandu parmi les hommes. La proportion d'hommes qui se prévalent du congé de paternité pourrait encore grimper et atteindre les 80, 85 ou 90%, selon Mme Tremblay.

Cet enthousiasme a certes entraîné une hausse des coûts du régime, mais, selon Geneviève Bouchard, la mesure reste bénéfique pour l'ensemble de la société québécoise: «Le régime a été victime de son succès, car les coûts ont augmenté. Mais c'est un succès démographique, c'est une plus grande participation des pères et c'est un phénomène social bénéfique à long terme.»