C'est à Emmi Pikler, une pédiatre hongroise du siècle dernier, que l'on doit la création de l'orphelinat de Loczy, à la philosophie si avant-gardiste: être au service du développement autonome de l'enfant.

Formée à Vienne dans les années 20, Emmi Pikler revient à Budapest avec l'idée de créer un monde meilleur. «On sortait de la Première Guerre, une ignoble boucherie, et il y avait ce sentiment du: «plus jamais ça, créons un monde meilleur»», explique le réalisateur Bernard Martino. Bien avant Dolto, Winnicott ou Brazelton, donc, Pikler part du postulat que l'enfant est une personne qui mérite le respect, et à qui il faut aussi laisser faire son travail d'enfant: découvrir le monde. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, elle fonde un orphelinat guidé par ce principe.

 

Pour assurer un sentiment de sécurité absolu aux enfants abandonnés, elle fait un pari: au lieu de laisser les éducatrices intervenir au hasard (risquant du coup d'être vite débordées), elle met en place un protocole rigoureux: chaque enfant reçoit des soins à un moment prédéterminé, des soins codifiés, réfléchis et, surtout, constants. Résultat: les enfants développent une confiance telle qu'ils acquièrent l'autonomie suffisante pour s'occuper seuls ensuite.

Pendant plus de 60 ans, des chercheurs interloqués observeront et analyseront les réussites fascinantes de cet orphelinat. La pédopsychiatre Myriam David, qui a connu l'horreur des camps de concentration, sera particulièrement sensible à l'«humanité» des soins qui y sont offerts. Quant à Bernard Martino, qui y est allé 20 fois, sur une période de 25 ans, il souligne: «Il n'y a jamais de rapport de force entre les éducatrices et les enfants, jamais d'agressivité entre les enfants. Ils touchent les objets de la même manière qu'ils sont eux-mêmes touchés par celles qui prennent soin d'eux. J'ai vraiment l'impression que là, on a atteint une civilisation supérieure.»

La philosophie commence aussi à faire école, comme en témoigne la création de l'association Pikler Loczy France.